JAcques LE Goff
C'était jadis, dans la salle des Actes de L'Ecole NORMALE, rue d'Ulm, à l 'ombre de Gracq, de Sartre, de Senghor, de Lucien Herr... LEs cours d'anthropologie historique de jacques Le Goff, dans el cadre de L'Ecole des hautes Etudes en Sciences sociales réunissaient un public disparate: chartistes, vincennois, historiens, linguistes, tous docteurs ou doctorants ou diplômés et futurs diplômés de l’EHESS...
Nous travaillions sur le rêve. Evidement, ça passait par Arthémidore d’Ephèse, Tertullien. Des textes délicieux, savoureux, juteux. Jacques Le Goff, bonhomme, nous faisait comprendre les aspects els plus complexes des mentalités et des représentations anciennes sans avoir l’air d’y toucher. C’était la lumière, la vraie profondeur de l’érudition. Du savoir, de la culture. Et, moi qui travaillais sur un « histoire de l’intellection médiévale » dont je voulais faire une thèse d’Etat (à l’ancienne ! Sur plusieurs décennies et non comme un « master » amélioré !) Après mon doctorat et le diplôme de L’EHESS, je découvrais sans cesse de nouvelles perspectives ! J’ai repris el rêve fameux de Guibert de Nogent, puis, évidemment, saint Augustin.. J’ai retravaillé à partir de la notion d’imagines agentes… de l’art de la Mémoire… e même temps, je voulais mettre en rapport le concept (la notion ?) D’intellection avec les travaux de mon ex-femme sur el raisonnement, la résolution de problème, les combinaisons d’inférences de la psychologie cognitive … Hélas, la thèse d’état fut abolie ! Encore un crime anticulturel !
LE Goff nous éclairait vivement. Sa faconde lui permettait d’obtenir une qualité d’attention particulièrement douce. Il montrait ce que la culture, en tant que fondatrice de l’individu, apportait. NOUS apportait, à nous les intellectuels tellement engagés dans la vie, le quotidien(nous travaillions aussi, pur beaucoup, afin de payer nos études, pour vivre!) . IL nous montrait comment la confrontation des mentalités pouvait aussi devenir la vraie culture, art et science de vivre. Et construction de soi autant que possibilité d’apporter aux autres, au monde…
Le Goff, avec Odile Redon et Bernard Cerquiglini nous encouragea lorsque avec François Beaussart et Christine Lapostolle et François JAcquesson nous avons fondé la Revue Médiévales, qui continue son chemin et demeure une référence des études médiévales. Michel Pastoureau, héraldiste, historien des couleurs était là…LE cous de Jacques Le Goff était une pépinière.
ET puis, l’émotion… Un jour, devant toute l’assistance, Jacques Le Goff me félicita pour mon premier roman. Stupeur : ce n’était pas le lieu. Il parla de mon traitement de l’histoire et de ma façon de faire vivre l’Europe au moment des invasions hunniques (y’en a plusieurs !!!). Je n’ai pas osé lui répondre que cela venait de lui, de son regard, de la manière dont il m’avait transmis une façon d’envisager les choses, en véritable prof, en maître.
Depuis, à chaque fois que je l’ai rencontré, il me reproche, tout de même’, de n’avoir pas choisi la carrière universitaire. Peut-être a t-il raison. Mais il aurait fallu que la Thèse d’Etat existe toujours…
Le savoir, la connaissance, la culture…l’apprentissage de la liberté : quelque chose de neuf pour ma tardive jeunesse ballottée passant des travaux durs et de la bourlingue à la discipline universitaire… Un chemin de Goliard ! C’est Otto Ganz qui voit en moi un héritier des Goliards trimardeur ! Puisse t-il dire vrai ! Ce serait bien dans l’esprit d’un Jacques Le Goff… Et je m’imagine, étudiant vagabond, allant d’université en université, d’Uppsala à Montpellier, de Salamanque à Oxford, à pied, pour le savoir lui-même, chantant au rythme de la marche les plus obscènes des carminae buranae entre autres chansons bachiques ou gaillardes, me battant comme un chiffonnier dans les tavernes à propos d’un point de grammaire, pour une fille ou par pure ivrognerie.. Fuyant, sur les routes, les brigands écorcheurs… Une biographie rêvée venant d’Otto, autre médiéviste dévoyé en écrivain… le tout à l’ombre magistrale du grand Jacques Le Goff !
Aujourd'hui, ceux qui "savent" ou ont appris et qui, donc, continuent à prendre des leçons en étrnels apprentis fervents, sont méprisés et l'on ne comprend plus la faim de connaisances, la fringale d'être soi , le désir, cet appétit que Foucault nomme "Volonté de savoir"...