31 décembre 2005
Foie, foie gras, langue au foie gras, etc...
C'est la saison des dévoration extatiques de foie gras! Almors, bon, je vous livre l'aricle foie de mon livre en cours... Il y est question de la "langue lucullus", fierté de Valenciennes. Le foie gras, dans le Nird est mentionné par Pline dont il faut lire les merveilleuses "histoires naturelles", si amusantes!
Foie Le mot « foie » vient du bas latin ficátum signifiant, au départ, « foie gras ». Le viscère, en latin classique, se nommait jecur. Ceci parce que les oies, ces « faisans du tonnelier », selon l’expression de Balzac (Eugénie Grandet) étaient nourries de figues. On eut tout d’abord : jecur ficatum puis ficatum. Au VIIIe.s. on trouve « ficato » , dans les Gloses de Reichenau, tandis qu’une curieuse forme « firie apparaît dans La Chanson de Roland. Se ronger les foies (ou le foie) : s’angoisser, souffrir par anticipation, sans doute en référence à Prométthé enchaîné, condamné à avoir le foie dévoré perpétuellement par un vautour ou, selon d’autres interprétations, un milan :
J'ai été clouée un instant à ton flanc comme Prométhée mais je n'ai pas attendu qu'un vautour vînt m'y ronger le foie
George Sand, Lélia, 1839.
« Avoir les foies blancs « (ou « le foie blanc » signifie qu’on éprouve une peur irrépréssible ou manquer d’audace. De ce fait un « foie blanc » est un « poltron » ou un « lâche ». Ce qui révolte Jean Giono dans L’oiseau bagué :
… plus personne n'ose se servir de ses viscères. Ce foie admirable qui noircissait comme l'orage dans les flancs des héros d'Homère, à peine si maintenant on s'en sert pour être acariâtre ou bilieux!
« Bouffer le foie » à quelqu’un, c’est l’agonir d’injures, éprouver une féroce colère envers lui. « Avoir les jambes en paté de foie » c’est avoir peur, ce sentir faible, sans énergie. On donnait nagère aux enfants de l’huile de foie de morue pur les fortifier, exciter leur appétit.Le goût en était ignoble et ça ne servait pas à grand-chose. On a ainsi supplicié beaucoup de jeunes filles anorexiques et au moins un futur philosophe :
On m'a fait prendre de l'huile de foie de morue : ça c'est le comble du luxe : une drogue pour te donner faim pendant que les autres dans la rue, se seraient vendus pour un bifteck...
Jean-Paul Sartre, Les Mains sales, 1948.
« Y a une couille dans le foie de veau » exprime que quelque chose ne va pas, qu’il y a un « hic ».
Revenons au foie gras originel : Le gavage fut inventé d’après observation : les oies sauvages, avant la migration, se « gavaient », mangeaient une grande quantité de nourriture pour affronter le voyage et partir au pays de Niels Olgersson. Cette disposition naturelle à engloutir beaucoup de nourriture fut exploitée par les éleveurs. Il semble que les Egyptiens antiques furent les premiers à gaver les oies et que les Hébreux, durant l’Exode, en emportèrent la recette. Pline, dans le livre X de son Histoire Naturelle nous apprend que le foie gras, en Gaule, était produit dans le Nord, au Mont des Cats. On en fabrique encore dans cette région, autour de Godeswarwelde. Mais aussi dans la Thiérache et le Hainaut. En effet, à Valenciennes, comme à Maubeuge, Bavay ou Avesnes, on faisait maigre les jours de deuil. Et l’on consommait alors de la langue de bœuf fumée, coinsidérée comme « plat du pauvre ». Vers 1930, Edmond Landouar, chef de cuisine du restaurant célèbre alors, le Verdonck, à Valenciennes décida d’enrichir sensiblement ce plat : il tartina un fin morceau de langue avec du foie gras. Il prépara ainsi plusieurs couches qu’il disposa dans un moule. Il fit prendre avec une gelée légère, et servit ce qu’on nomme aujourd’hui la « langue Lucullus de Valenciennes», appellation régionale enregistrée. Nous voici loin de la préparation romaine évoquée par Pline :
… nos Romains connaissent les oies par la saveur de leur foie. Quand on les engraisse, il atteint une grosseur considérable, et, après l'avoir retiré de la bête, on le fait encore gonfler dans un mélange de lait et de miel.
Voici une façon romaine de servir le foie gras :
Emincer le foies gras avec un roseau, faites le tremper avec du garum . Pilez du poivre, de la livèche et deux baies de laurier. Entourez d’une crépine, faites griller au gril et servez.
Apicius, De Re culinaria.
Vers la fin du XVe siècle, le maïs arrive en Europe. Il remplaça les figues pour le gavage des oies. Au XVIe.s., le cuisinier du pape Pie V, Bartomolmeo Scappi (Opera di Scappi evoco secreto di papa Pio V, 1570), signale que le foie gras rôti est une spécialité de la cuisine juive. Effectivement, l’oie étant cachère, la cuisine juive s’empara du foie gras qui se répandit en Europe. Particulièrement en Hongrie, qui demeure la « patrie du foie gras » , ce que nous rappelle tendrement un grand poète gourmand :
Ô toi, foie d'ange
Suave mets
Poids éperdu
De nos délices.
Splendeur sacrée
De nos repas,
Présent compact
Richesse belle
Intense aussi.
Forme adorable !
Ton doux parfum est une harpe
Sur nos palais.
Ton harmonie
Joue des cymbales sur nos langues
Et nous traverse tout entier
D'un long frisson de volupté.
Pablo Neruda, Saveurs de Hongrie, 1973.
De l’Europe centrale, le foie gras émigra en Europe de l’Ouest. On le retrouve en Alsace,toujours chez les cuisiniers juifs, autour du XVIe.s. La terrine de foie gras de Starsbourg est toujours justement réputée. Israël est aussi, de nos jours, un grand producteur. En France, il est devenu une spécialité du Sud-Ouest. En voici une autre célébration par un originaire de cette région :
… on m'a servi le premier foie gras de la saison. Fumant, rebondi comme un cœur aux ventricules énormes, légèrement roussi et croustillant, baigné dans un jus onctueux exsudé de la chair même, il reposait sur un lit de raisins saupoudré de chapelure. Je l'ai savouré; je me suis réjoui dans mon cœur de ce régal...
Joseph de Pesquidoux,, Chez nous, 1921.
Voir : Elvina Masson, Le foie gras, 2003 ; Maguelonne Toussaint-Samat, Histoire naturelle et morale de la nourriture, 1987.
Voir : Figue.
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