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orlando de rudder
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31 décembre 2005

Arlequin

Patrice Houzeau, dans un bel aperçu concernant notre cher vieux Tristan Corbières, nous parle de ces restes de cuisine qu'on nommait Arlequin. LE moins que je puis faire et d'éclairer votre lanterne en, une fois de plus, vous donner à lire un extrait de mon ouvrage sur les expression culinaires, en cours de correction. Voici ce que j'écris, dans ce dictionnaire, à propos d'arlequin: arlequin On rencontrait jadis, dans les rues des grandes villes, des marchands et marchandes d’arlequins, qui vendaient des repas composites où l’on pouvait trouver des morceaux de choix, ou alors des rogatons, des résidus de hareng, des soupes figées, des frites amollies, des pois flétris et des viandes approximatives : On appelle arlequins de petits tas de viande que l’on vend à la halle pour les chats, pour les chiens et pour les pauvres. Ce sont des débris recueillis sur les assiettes chez les restaurateurs ou chez les riches. (François Vidocq, Mémoires de Vidocq, chef de la police de sûreté jusqu’en 1827, 1829.) Au commencement fut la « desserte » : il s’agit des restes de cuisine que l’on peut, en restauration, utiliser afin de confectionner de nouveaux plats. Puis il y eut le « bijou », que l’on peut revendre à un commerçant qui en faisait divers usages. Les Bijoux indiscrets, de Diderot, sont une promotion de la philosophie des Lumières à partir de la nourriture. L’arlequin, reste du reste, n’est autre que le reliquat du bijou. On le disposait sur un plateau pour le vendre aux ouvriers, aux miséreux, dans les rues ou à l’intérieur de gargotes spécialisées. Parfois, l’arlequin excitait la faim d’un indigent jusqu’au lyrisme : Ah ! v’là ce qui me faut… Un arlequin !… On voit ce qu’on achète… On sait ce qu’on mange… Le fait est qu’il est crânement composé… Des pilons de volaille, du poisson, des pruneaux, de la salade et de la gelée de groseilles, du gras et du maigre, du salé et du doux. (E. Cormon, les Cuisines parisiennes, 1843.) Au XIIe s., dans les légendes sévissait la fabuleuse mesnie Hellequin, famille élargie, groupe de cavaliers maudits chevauchant, hallucinés, pour les siècles des siècles. Dans la Philomena, de Chrétien de Troyes, les voici irrémédiablement présents, imprégnant les esprits. De cette lignée farouche, Adam de la Halle tirera un personnage, Harlequin, qui devient un être malveillant, une sorte de démon. Durant la décennie 1570-1580, un petit monde drolatique et fantasque grouillait, jouant la comédie sur le Pont-Neuf. Un zanni, c’est-à-dire une sorte de paysan bergamasque grotesque de la commedia dell’arte, décida de transformer son personnage. Il lui ajouta alors quelques caractères du méchant Halekin. Et, en 1585, on peut voir, sur les tréteaux, l’Histoire plaisante des faicts et gestes de Harlequin commedien italien contenant ses songes et visions, sa descente aux enfers pour en tirer la mère Cardine…, de Didier Millot. L’Arlequin moderne était né. L’expression habit d’Arlequin est attestée chez la « divine marquise » de Sévigné, en 1680, pour désigner un vêtement fait de losanges disparates. Ce mélange d’éléments divers devint, par extension, le nom d’une assiette de restes composée de nourritures variées.
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