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orlando de rudder
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17 octobre 2005

les carottes sont cuites

Voici un deuxième extrait de "les carottes sont cuites" (à paraîte aux éditions LArousse), ouvrage qui compile et commente les expressions courantes parlant de cuisine, de nourriture, etc.. Arlequin : Marchand d’arlequins : On rencontrait jadis, dans les rues des grandes villes, des marchands et marchandes d’arlequins. Ils vendaient des repas composites où l’on pouvait trouver des morceaux de choix. Ou des rogatons, des résidus de harengs, des soupes figées, des frites amollies, des pois flétris et des viandes approximatives : On appelle arlequins de petits tas de viande que l’on vend à la halle pour les chats, pour les chiens et pour les pauvres. Ce sont des débris recueillis sur les assiettes chez les restaurateurs ou chez les riches. François Vidocq, Mémoires de Vidocq, chef de la Police de Sûreté jusqu’en 1827, 1829. Au commencement fut la desserte : il s’agit des restes de cuisine que l’on peut, en restauration, utiliser afin de confectionner de nouveaux plats. Ensuite, nous avons le bijou, que l’on peut revendre à un commerçant qui en fera divers usages. Les Bijoux indiscrets, de Diderot, sont une promotion de la philosophie des lumières à partir de la nourriture. L’arlequin, reste du reste, n’est autre que le reliquat du bijou. On le disposait sur un plateau pour le vendre aux ouvriers, aux miséreux dans les rues ou à l’intérieur de gargotes spécialisées. Parfois, l’arlequin excitait la faim d’un indigent jusqu’au lyrisme : Ah ! v’là ce qui me faut… un arlequin ! … on voit ce qu’on achète… on sait ce qu’on mange… le fait est qu’il est crânement composé… des pilons de volaille, du poisson, des pruneaux, de la salade et de la gelée de groseilles, du gras et du maigre, du salé et du doux. E. Cormon, Les Cuisines parisiennes, 1843. Au XIIe.s. sévissait dans les légendes la fabuleuse mesnie Hellequin famille élargie, groupe de cavaliers maudits chevauchant, hallucinés, pour les siècles des siècles. Dans la Philomena de Chrétien de Troyes, les voici, irrémédiablement présent, imprégnant les esprits. De cette lignée farouche, Adam de la Halle tirera un personnage, Harlequin, qui devient un être malveillant, une sorte de démon. En 1262 la maisnïe Hellekin se retrouve au théâtre, dans le Jeu de la Feuillée, d’Adam de la Halle. Dans le Cavalier au cygne Halequin est encore un personnage malfaisant. On le retrouve au XVIe.s. dans le Songe doré de la Pucelle. Durant la décennie 1570-1580, le théâtre de rue faisait florès. Sur le Pont Neuf, un petit monde drolatique et fantasque grouillait. Un zanni, c'est-à-dire une sorte de paysan bergamasque grotesque de la commedia dell'arte, décida de transformer son personnage. Il lui ajouta alors quelques caractères du méchant Halekin. Et, en 1585, on peut voir, sur les tréteaux, l’Histoire plaisante des Faicts et Gestes de Harlequin Commedien Italien Contenant ses songes et visions, sa descente aux enfers pour en tirer la mère Cardine..., de Didier Millot. L’expression « habit d’Arlequin » est attestée en 1680 chez la « divine marquise » de Sévigné, pour désigner un ensemble de disparates. La bigarrure du vêtement fut utilisée pour mieux repérer un prisonnier évadé : un arlequin devint un forçat à casaque mi-rouge, mi-brune, aux manches mi-jaunes, mi-vertes, qui, s’il s’échappait était vite repéré. En 1762 Un « arlequin » est devenu un « opportuniste » chez Jean-Jacques Rousseau (Émile, II). On voit que l’histoire d’un personnage est aussi complexe et « bariolée » que la composition du plateau de la marchande d’arlequins ! On appelle parfois « arlequin » une assiette contenant, joliment présenté, un mixed grill de filets de poisson coupés en petits carrés, dont les couleurs diverses et joliment disposées produisent un bel effet. On dit aussi, pour la même chose un « damier » de poissons. Artichaut : Avoir un cœur d’artichaut. Faire d’une rose un artichaut. Le nom « artichaut » semble bien venir de l’espagnol. On a carchiofa en 1423. Mais pas pour longtemps, puisque la forme caxofa existe en Espagne vers 1492, avant d’aller se répandre dans le Nouveau Monde. L’italien carcofio se renconte au XVIe.s. et l’on a, en français, « carchoffle » en 1512, dans le sens d’ « ornement en forme d’artichaut d’une selle de cheval ». le tout semble nous arriver de l’arabe alcachofa. Etre volage, effeuiller un peu trop souvent la marguerite ou la faire effeuiller. Il y a dans le geste d’arracher cruellement les pétales de marguerite une idée du « cœur d’artichaut » et de l’implication indécise du sort envers soi. Seulement, le cœur d’artichaut s’effeuille lui-même… Une fleur est un sexe ! Si l’on n’est pas trop bégueule, on peut accepter l’infidélité : Ton cœur est un artichaut, donne-m’en une feuille. Almanach du Hanneton 1866, cité par Loredan Larchey. Un « artichaut » est aussi un portefeuille qui contient l’ « artiche », l’argent. Les feuilles sont comparées à des billets de banque. Ce que nous rappelle une des célèbres Goualantes de La Villette et d’ailleurs d’Emile Chautard : On barbote au pauvre diable qui crève Ce qu’il a dans son artichaut, A l’hosteau. C’était l’époque des « poivriers ». Au XIXe.s. on nommait ainsi les détrousseurs de clochards, d’ivrognes qui attaquaient les « poivrots ». Et ces pratiques ne cessaient pas à l’hôpital, l’ « hosto » qui servait d’asile et que Chautard orthographie à sa façon. L’artichaut n’est pas sans malice. Il nous pose un problème étymologique par sa préparation délicieuse nommé « barigoulette ». Il s’agit d’une savoureuse préparation avec du porc fumé. IL y a aussi la « barigoule », plus simple, qui est une façon de préparer l’artichaut grillé avec du poivre, de l’huile, des aromates, du thym…. Le thym, en Provence, ou, du moins certaines de ses variétés de nomment « farigoulette ».On a imaginé que ce serait l’origine du nom de la recette. Le f initial serait devenu v, comme cela arrive dans la prononciation allemande, puis b, comme en espagnol. Hélas, ça ne tient pas. De toute façon, l’origine de « farigoulette » est obscure, elle aussi. Les dictionnaires disent simplement qu’il s’agit d’un mot provençal. Ce dont on se serait douté. « Partir en barigoule », à Toulon, c’est « se dégrader », « aller à vau-l’eau », « finir en eau de boudin ». L’expression « faire d’une rose un artichaut » signifie qu’on transforme ce qui est beau en quelque chose d’utile. Cependant, la fleur d’artichaut est d’une rare beauté.
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