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orlando de rudder
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30 septembre 2005

Asperges à la Fontenelle

Quelque chose, chez Fontenelle (1657-1757) , fait, déjà penser à Voltaire. Il est vrai qu’il fut le neveu de Corneille : il y a une force transmise, on ne sait comment. Fontenelle possédait, car c'est un bien, la vraie gourmandise, celle qui est friande de savoir autant que de repas: Comme je n'ai pas prétendu faire un système en l'air, et qui n'eût aucun fondement, j'ai employé de vrais raisonnements de physique, et j'en ai employés autant qu'il a été nécessaire. Mais il se trouve heureusement dans ce sujet que les idées de physique y sont riantes d'elles mêmes, et que, dans le même temps qu'elles contentent la raison, elles donnent à l'imagination un spectacle qui lui plaît autant que s'il était fait exprès pour elle. Entretiens sur la pluralité des mondes. Quel est notre propos? il s’agit d’œuf. Et d'asperges. La réunion des deux permet la rigueur hautainee et savoureuse des "aperges à la Fontenelle". L’œuf à la coque mérite un coquetier sobre, austère, même. Il est indélicat de le servir sur des machins surdécorés, comme on en fiat pour les enfants. Il faut enseigner à ces derniers la gravité sereine de la nutrition, le vrai plaisir d’être mangeur dans saprofondeur humaine. Les rigolades et les coquetiers en plastique nous mènent à une sinistre dérision, ni aristocrate, au sens de la grandeur, ni populaire, au sens du respect, mais bel et bien petite-bourgeoise, mesquine et malheureuse. Simple, donc, le coquetier. Une perversion, je l’avoue, s’est emparée de mes sens et de ma faiblesse que je chéris trop souvent. Et cela, très tôt. Il m’est accoutumé de placer une minime pincée, que di-je, le dixième d’un soupçon (ou d’un scrupule, je en sais plus) de muscade dans l’œuf étêté. Du poivre aussi ? Euh, oui, je l’avoue…Il me sera beaucoup pardonné car jai beaucoup bouffé avant de manger vrai ! Et encore… Mais passons : mes passionnantes défaillances n’intéressent que moi. Voici l’œuf ! Et Ensuite ? Voici l’asperge… toutes les espèces d’asperges peuvent convenir, selon le goût, selon la disponibilité sur le marché… Car les asperges, quoique plurielles en varité, comme les mondes du possible, sont toujours délicieuses... Il faut les cuire fermes. Et c’est ainsi qu’elles deviendront tout simplement mouillettes, comme le pain de l’ordinaire œuf-coque. C’est tout. C’est simple. Et Fontenelle fut sage…Même s’il ne parvint pas tout à fait à devenir centenaire. Soyons-le, et sagaces, de surcroît, maintenant : et pourquoi pas d’autres végétaux ? Batônnets de carotte, cuites ou crues, de navet, juste passé à l’eau bouillante, haricots gourmands dits « mangetout »… Voila donc qui peut accompagner l’œuf à la coque en révélant sa splendeur. Ma prédilection, cependant, est la frite de céleri rave : de petite section, bien égouttée, elle sublime, uhe fois trempée dans l’œuf, l’onctuosité du jaune et la viscosité du blanc : c’est de haute tenue, parmi les plaisirs simples et les ravissements accessibles. Que boire avec ceci ? Des opinions diverses m’ont parfois asailli, venant de personnes assez gourmandes, ma foi : du thé, un bon oolong fortiche et ramenard, par exemple, avec sa force canaille au relents marécageux… Du lait : nous voici dans l’élémentaire, et ce n’est pas plus mal. Le vin serait de trop, la bière aussi. Et moi, pour cette pureté, je choisirai de l’eau. Du robinet, évidemment, dûment décantée, si l’on vit en région exempte de nitrates ! Elle n’a pas les gouts maussade des vagues minéralités, ni l’arrogance factice des eaux en conserve. Elle fut courante récemment, a su se reposer pour que s’évanouissent les odeurs peu amènes. Et c’est la meilleure. De l’eau, donc, ou, pourquoi pas ? Rien : on boira plus tard ! Revenons aux asperges. Il est courant de les dresser avec une sauce hollandaise ou mousseline : c’est délicieux, c’est encore l’œuf que l’asperge appelle de tous ses vœux. Il est d’autres manières de servir l’asperge, certes, que l’on prépare soit au beurre soit à l’huile… Huile ou beurre ? Cornélien dilemme ! Pour moi, c’est tour à tour. Mais jamais d’huile d’olive ! Sa merveilleuse force nuit aux délicatesses et suavités de l’asperge. En dehors de cet accompagnement d’œuf, raffolait des asperges à l'huile. Mais son ami, l’abbé Terrasson, ne les appréciait qu’au beurre. Les deux compères déjeûnant ensembme dégustaient donc chacun les asperges chacun selon son goût. Mais voici qu’un jour, Terrasson fut frappé d’une attaque. Il mourut. Sans avoir dégusté ses toutes dernières asperges!! Et Fontenelle d’ordonner au cuisinier : “Toutes les asperges à l”huile! Toutes à l’huile!” . Comme quoi, toute gourmandise devient métaphysique, qu’on le veuille ou non : Ô, destin ! tu as plus d’un tour dans ton sac à malices !
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