MArie l'Egyptienne.
Le désert ?Rien. De la chaleur. Rien… Marie regardait le soleil en biais. En voilà, un complice. Déjà, sur les trottoirs d’ Alexandrie, attendant le chaland, elle clignait des yeux. Elle aimait ça, la bougre ! On devrait dire bougresse, mais ça coûte plus cher. Parce que les autres filles, elles n’acceptent pas toutes ce genre de câlins en clins de cul. En revanche, allez donc, deux seins pour le prix d’un, c’est l’usage commercial et c’est bien plus commode. Marie l’Egyptienne, quand elle hausse les épaules, ça lui soulève les cheveux pour lui bronzer les pieds.
Le désert est trop bavard. Dit-elle, étouffée, patiente. Il ne se tait jamais, sauf le soleil, parfois. IL n’y a même pas de corbeaux.Ca me manque. Marie, ses longues nuits attendaient une branche brisée. Un rameau d’olivier. Une paix sous les étoiles d’Abraham. Abraham, dites-vous ? Oui : Abraham, le jadis. Le désert est tourment, les étoiles sont méchantes !
Le désert, c’est comme la mer, un déluge, mais sans eau. Un déluge qui bouge mal avec des vagues en miettes sous des vents effroyables ! Marie n’en trouvait pas, de branche d’olivier. Le désert parle trop. Elle lui a répondu du tac au tac, par des blasphèmes de conducteurs d’engins, mais à l’ancienne. Pas comme aujourd’hui. La solitude pue. Impalpable crasse… Je n’ai pas de miroir, il n’y a pas de flaques, j’ignore mon visage… Je fus belle !
Le désert ?Et allez donc ! Il en avait entendu d’autres, le désert, des blasphèmes. Oui, quand les anachorètes déraillaient, perdaient la foi, ivre de faim, de cette faim ignoble qui creuse des caveaux insupportables dans le ventre. Quand la salive acide, rare, mesquine ronge les gencives et perce aussi les dents. L’alcool sec de la faim, de la lumière épaisse peut nourrir, cependant.
Le désert a souvent retentit d’obscénités loquaces ! Les ermites furibards injuriaient parfois Dieu avant de se calmer. Et de reprendre le cours des pénitences et des macérations. Ca craque de temps en temps, la foi si chevillée.Ca fait mal, ça fait mal… et puis tut recommence ! Béate solitude, plate comme une sole déshydratée : béantes certitudes, certaines habitudes…
Le désert est chemin, sans bordures et sans bornes. Marie marche parfois, elle ne sait pas pourquoi. Elle n’a pourtant pas peur de mourir immobile, puisqu’elle est là pour ça. Elle marche clopant le temps, à cloche-silence, sauf que ça parle top le désert en dedans. Et qui nous enveloppe du dehors, aussi bien.
Le désert ? Devenir porte close : Le soleil darde quand le vent meugle. Et fait voleter les cheveux de Marie. Ca découvre le ventre de la solitaire. Et son sexe se fait cuire aux rayons de Phébus. Voici même qu’il se soude. Et la putain devient une vierge toute neuve. Aux cheveux sales et cassants. Pédagogie de l’injustice. Fontaine tarie. Rien : le désert. Autour. En soi. Partout !
Le désert ? On sait ce qu’est la vie, mais ce n’est pas ça, vivre. D’ailleurs on ne sait pas. Ou alors autre chose ! Et la metanoïa n’est pas une salade ! Ô, Seigneur, je suis là… Ma présence est légère, quelques os, rien de plus et des restes de femme un peu désordonnés. Moi ! Moi, Marie !
Le désert ? Ca manque de marguerites, de saucisses, de beurre. Et de ragoûts gras, presque à peu près gluants, intimement visqueux que ça réjouit vraiment ! Et de boudins fortiches, aux piments excitants, et le vin sirupeux collant gencives et luette. comme jadis, en pleine Alexandrie, dans les tavernes sales aux tables si poisseuses où beuglaient les soldats
Le désert, c’est solide. Plus têtu que le bois, que la pierre. Vénéneusement, il s’y trouve même la mort. On ne la cherche pas. Elle vient toute seule ! Là, Marie l’Egyptienne, rose mystique, lys, forsythia, s’écoute durant tout son dessèchement. Nue, mais chevelue. Sans poids. A l’écoute du désert qui parle trop. Sans surprise.
Le désert ? Là, Marie l’Egyptienne, rose mystique, lys, forsythia, s’écoute durant tout son dessèchement. Nue, mais chevelue. Sans poids. A l’écoute du désert qui parle trop. Sans surprise. Vivent les lions.