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orlando de rudder
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27 août 2006

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Voici un nouvel extrait d' Aux petits oignons, mon prochain livre qui paraît le 29 septembre chez Larousse:

Veau : Brailler comme un veau, On dirait du veau, etc.

« Veau » vient du latin vitellus, doublet de vitulus de même sens. « Pleurer, brailler, chialer comme un veau » désigne une peine ostentatoire, un chagrin ridicule, exagéré et grotesque. Il existait un verbe « viauper » pour exprimer cet affect :

Le refrain recommença, plus ralenti et plus larmoyant, tous se lâchèrent, tous viaupèrent dans leurs assiettes, se déboutonnant le ventre, crevant d'attendrissement.

Emile Zola, L’Assommoir, 1877. 

Les veux ne pleurent pas toujours et Rabelais emploie l’expression « rire comme un veau » en 1531 dans Pantagruel. Une « tête de veau est un personnage falot, inexpressif :

C'est une tête de veau sur un corps de porc

Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835.

Le  ridicule du veau peut s’accointer avec celui du porc :

Il est de ces couples où l’homme est fait de viande de porc et la femme de veau.

Cees Nooteboom, Hôtel nomade, 2003

« Saigner comme un veau » signifie « saigner abondemment » comme un veau à l’abattoir. Le « vélin » est une surface à écrire que l’on fabriquait à partir de peaux de veux morts-nés. Le « vaeu d’or » est symbole de la richesse qu’on adore comme un dieu, ce qui nous ramène à Moïse. Que faire pur fêter un événement heureux  comme le retour d’une personne aimée, longtemps absente? C’est simple, il faut :

… occire le gras veel.

Gautier de Coinci, Les Miracles de Nostre Dame, vers 1225.

C’est-à-dire « tuer le veau gras comme au retours de l’enfant prodigue.

Mais le veau est particulièrement à l’origine d’une « scie », d’une phrase sempiternellement répétée : « On dirait une veau ». En voici l’origine :

On dirait du veau est tout simplement une de ces inspirations qui fait partie de mes œuvres complètes.

Nous écrivions, Blau, Toché et moi, pour Offenbach, un livret d’opérette appelé Belle Lurette –je précise l’intègre histoire l’exige. L’amusante Declauzas qui devait jouer dans la pièce avait à exprimer son opinion sur un homard qu’elle trouvait excellent ; l’un de mes collaborateur lui avait fait s’écrier :

-On dirait du bœuf !

Il me sembla que la chose fût suffisante et, pour l’accentuer, à,la place de bœuf, je mis veau.

Ernest Blum, « Journal d’un vaudevilliste », Le Gaulois, 18 mars 1898.

Cette réplique fit florès et tout plat savoureux devient le prétexte à ce qu’elle soit dite et redite. Puis, on étendit la locution à toute chose admirable ou digne d’intérêt : Telle peinture plaisait ? Telle belle jeune fille passait ?  On exprimait son admiration en s’écriant « on dirait du veau ». L’infecte fricadelle (on dit aussi « fricandelle »)  servie dans les friteries de Belgique et du Nord est une éponge à graisse. Ce qui ne doit pas nous faire oublier qu’on peut préparer, à l’ancienne, de véritables fricadelles de veau, d’une consistance de nuage et d’une saveur infiniment subtile…

Viande : se viander, viande soûle, sac à viande, loueur de viande, etc.

Le latin vivenda « ce qui est nécessaire à la vie » s’est mué en vivanda , que l’on retrouve dans le Capitulaire de Charlemagne en 805. C’est le pluriel de vivendus qui vient de vivere, « vivre ». On garde, dans l’armée par exemple, le terme « vivres » qui présente à peu près le même sens. En 1050, dans La vie de Saint Alexis, le héros, qui vit incognito sous l’escalier de ses parents doit manger et la viande est encore « tout aliment qui entretient la vie ». En 1389, Philippe de Mézières mentionne la viande en tant que « chair des animaux à sang chaud dont on se nourrit ». Rabelais, dans le Cinquiesme Livre (1564) mentionne joliment les « viandes de quaresme » tandis qu’Agrippa d’Aubigné évoquera les « viandes celestes » en 1630. Seize ans plus tard, on se désolera en contemplant les « viandes creuses », qui sont piètre nourriture. Guez de Balzac, dans ses Dissertations politiques (1690) use de l’expression « viande de boucherie ».Pourtant, les bouchers, malgré l’étymologie, ne déjà vendaient plus forcément de viande de bouc au préalable castré, sous peine de se révéler inconsommable. A la même époque, on disait « cachez votre viande »  à ceux qui « monstrent quelques parties qui sont ordinairement couvertes », se livrant ainsi à un attentat à la pudeur. En 1846 l’argot fait de « viande » la désignation d’un « individu » particulièrement d’un « prisonnier ». Le mot a désigné les prostituées, surtout de bas-étage :

De la viande à cocher ou à valet de chambre

Emile Zola, Pot-bouille, 1882

L’idée de « viande » appliquée par le désir masculin à une femme n’est pas seulement français. Cette inconvenance est le sujet d’un standard du jazz, You’re my meat (tu es ma viande », Musique de Tolbert, paroles de Louis Jordan, interprété par Louis Jordan et ses Timpany five en 1939). La femme en question excite fort son partenaire, car elle est « grasse et forte », tandis qu’elle le fascine avec ses « gros jambons ». Sans commentaire…Un « sac à viande » est un sac de couchage en 1908. Mais c’était une « chemise » en 1888.  En 1916 Barbusse mentionne la « viande saoule », les ivrognes. Le « viandis » est la pâture du cerf et le verbe « viander » signifie échouer. La forme « se viander » est employée par les varapeurs et les alpinistes pour désigner le fait de tomber dans le vide. « Ramène ta viande », est une invitation argotique à rejoindre une ou plusieurs personnes. Un viandard est un chasseur. Il n’en reste pas moins vrai que :

Manger de la viande est vraiment autre chose que manger du poisson. On entre dans une dimension plus révélatrice encore de ce qui gît, tapi au fond de nous, plus lié au cycle des choses, profondément humain.

Philippe Gillet, Le Goût et les mots, 1982.

On ne parle plus guère des loueurs de viande ! Imaginons un bon boucher ayant acquis de la très bonne, et surtout très belle viande, un volailler en possession de chapons et poulardes dodus, un charcutier regardant avec émotion de jolis cochons de lait. Nul doute qu’il va les mettre en vente et satisfaire ainsi ses meilleurs clients. Que non point ! Même si l’on peut vendre tout ceci à bon prix, il est possible d’en tirer encore plus de profit ! Et c’est ainsi qu’au XVIIIe. et XIXe. S, ces bouchers, charcutiers, etc., louaient leurs beaux morceaux à des restaurateurs de moindre envergure qui les disposaient esthétiquement en vitrine. Ce qui attirait le consommateur !  Une fois entré, le malheureux se voyait refiler, dans son assiette des carnes improbables tandis que les serveurs se moquaient de lui. Quelques temps après, le restaurateur rendrait la viande au boucher qui la débitait en morceau pour la vendre à sa clientèle.

La société suisse FISIfam, sise à Château d’Oex est spécialisée fabrique « le caviar des viandes végétariennes ». Cette appellation curieuse désigne des préparations à base de végétaux tels que le soja imitant la viande. Les végétariens e régalent ainsi d’escalopes, de saucisses, de hamburgers épargnant la vie des animaux de boucherie. Ces ersatz ont du succès et la firme déclare que dix sur dix des persones testées ne font pas la différence entre leurs produits et la vraie viande. L’idéologie végétarienne est parfois cocasse ! Quant aux cannibales repentis, convertis au végétarisme, nous avons vu à Barbecue, qu’on peut aussi les satisfaire. Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ! Même si personne, semble t-il, n’a eu l’idée de fabriquer de faux légumes à base de viande…

Revenons à l’authentique : En été, un potje vleesh ( « pot de viande »), fait de porc, de lapin et de veau en gelée, demande une bonne bière  Blanche de Bruges ou de Namur, par exemple, une Wieckse Witte de Maastricht, ou une Berliner Weisse.

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