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orlando de rudder
orlando de rudder
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25 mai 2008

J’aime cuisiner, j’aime pâtisser, J’aime pétrir la pâte. Vive la farine ! Gloire à la levure ! Alors j’ai écrit cette

Rencontre avec une pâte à pain

Quand le pâton ne colle plus aux doigts, tout commence. On pétrit. on saisit la pâte, on la chamboule. On presse, on détend. Puis on se lasse du jeu. alors, on déchire. On saisit la masse blanche à deux mains, on tire, on joue de l’accordéon, ça arrache, ça déchire encore. µOn fait ça une trentaine de fois pas séries de dix. On s’arrête un peu. On boit un verre d'eau ou de bière. Un thé, selon l’heure. Tendresse forte, caresse écrabouillante, la main s’acharne ! Ô! Quel amour ? Quelle ardeur ? Quelle ferveur ? On pelote à la dure, on cajole méchant, ça réagit déjà…

Quelques secondes de repos. On regarde. On reprend… Et tout recommence. On malaxe la pâte, on en a mal aux doigts, comme une mogigraphie, une crampe de l’écrivain. … On appuie et l’on déchire encore. On fait de longs boudins, on les tord comme un linge sauf qu’on va jusqu’à la rupture, jusqu’à l’aspect granuleux des déchirures. Si des enfants sont là, on les fait jouer avec la nourriture, avec la pâte à pain : On leur en donne un bout à chacun. Ils font des boules, les pressent, les divisent, les redivisent puis se lassent et s’en vont.

On reprend cet entretien sérieux avec la farine à l’eau, avec la vivante levure. On la maltraite, on la margouillaude… On la tourmente, on la retourne. On la masse…Cruelle, ô! Ma force, farouche tendresse. On s’acharne, on se prend au jeu.. La pâte bouge, commence l’enflure comme un désir sournois. Tu vas voir, tu vas voir…On saisit, on écrase, on plie, on déplie, on roule, on tourne, on met à plat, on tourneboule. On est là. Avec la pâte. On lui cause pas, na ! Si, salement, tiens, non mais des fois… Palpons !

Alors c’est l’amour vache à la vas-y-mon-gars ! Holà, calmos, on n’est pas dans la guerre ! C’est la saison du catch et des gnons sur la gueule ? Non c’est de la tendresse en négatif tout blanc ! On joue à l’assassin, à l’étrangleur sadique, au brutal obscène, au cruel frénétique… Oh ! Ca fait mal, pardi ! Ca escagasse ! On broie, on gâche, on tord... On n’est pas là pour rigoler mais s’esclaffer mauvais en torve tourmenteur… On roule des bourrelets, on broie, on foule, on lamine…

Et puis non. On s’attendrit. On déchire toujours mais avec douceur. C’est l’aventure hautaine du dédain simulé, du « comme en passant », légèrement, pour voir.. On tripatouille certes, mais avec distance, sans trop regarder, sinon du coin de l’œil. Petit round d’observation… Ca dure. Tension de la pâte. On modèle comme des mômes avec la plasticine… Un petit coup de bière ? Ben oui, c’est pas de refus !

Et d’un seul coup, v’lan, les mains se resserrent, étau curieux, et que je t’empoigne, et que je t’agrippe, et que tiens ! On y va de bon cœur, violence délibérée! On se calme petit à petit. La brutalité se ralentit, devient sereine. Méthodique. Imperturbable. On devient méchant, immonde comme un chat qui joue avec une souris ou tout autre futur cadavre Ca défrise un peu : On fait comme ci, comme ça, la pâte bouge. Résiste.On l’aura. C’est la vie qui va. Sera-ce pain blanc ou bien pâte à pizza (alors il y aura eu de l’huile d’olive avant…) ?

On peut chanter, pétrir en rythme, beugler, grommeler, parler au pâton,, le consoler du traitement qu’on lui fait subir, l’engueuler… On existe, on est présent, on civilise, on fait du pain, on est dans le profond, le sacré, le fondamental… Avec le jeu, la distance, l’humour, avec une férocité parodique, enfantine plus que réellement féline… qu’il est doux d’être méchant pour rire, un sadisme surjoué, une atrocité parodique rigolarde et sans façon, pour créer à manger, pour offrir… On peut même ajouter des grimaces farouches, des mimiques bestiales, des simagrées torves et chafouines avec des riboulades d’yeux de grand-guignol bonasse, des rodomontades de parade foraine. Ainsi devient-on tortionnaire d’opérette, on s’amuse comme un petit fou !

On rejoue de l’accordéon, en tirant, ça se casse, ça tombe sur la table. Ca réagit. Si, l’on pose le tout, ça bouge, ça vit. Ca gonfle déjà…On continue impitoyablement. On a chaud. Vingt minutes ont passé. On met en forme. En boule, avec les estafilades au couteau en croisillon. Ou en miche, en platine, pain oblong que l’on strie à la lame comme à coups de rasoir, le un voyou dans une ruelle malfamée. On continue, ça vit.. Il ne reste qu’à cuire dans le four préchauffé. Ca a vécu. Tant pis. Et bientôt le parfum chaud de boulange intervient dans la vie, sature l’air, nous réjouit. Ouah ! La faim ! On salive !

Et plus tard, tiens, le pain..

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Commentaires
L
heu... j'ai faim, j'ai faim.<br /> ça c'est de l'amour!^^
P
Alors moi, la pâte, je la fais au couteau. C'est Élie, mon compagnon séfarade en diable, qui m'avait appris à la faire ainsi. Il tenait ça de sa mère Fortunée, la sainte femme, qui parlait couramment cinq langues sans en écrire aucune. Bref, je fais la pâte selon la méthode Fortunée, juive marocaine, actuellement comme son fils au paradis des braves gens. Je mets la farine dans un saladier, je répands là dessus du beurre en copeaux ou de la margarine, c'est selon, et je malaxe tout ça à la lame, au couteau, mixeur antique et qui ne chauffe pas. A la suite de quoi j'ajoute de l'eau, (rien d'autre, c'est kasimentkasher ma recette !) et je continue le travail au couteau. Et bien, c'est vrai, la pâte prend forme, lisse et homogène en moins de trois minutes, à la suite de quoi elle s'étale, blanche et onctueuse comme une odalisque, prête à être couverte de toutes les merveilles, de tous les cadeaux dont vous voudrez bien la parer... Ma pâte c'est un peu Salomé ou la Reine de Saba... J'arrête on va croire que c'est l'ignoble Jean-Luc Petitrenaud qui vous cause...
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