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orlando de rudder
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27 octobre 2007

Doux Jésus!

Le progrès technique apporte le progrès des mentalités et le recul du mystique: on soutrit, on va bien. Et Rémy de Gourmont nous montre que, malgré les réactions, il y a de la joie de vivre dans le fait même de ne pas croire!Et de le dire, de le faire en illustrant cette tendresse féconde par des textes insensés.Et naïfs Aujourd'hui, même ceux qui osetn se dire "de gauche" protesteraient au nom de laprofondeur des convictions des héritier de l'église criminell.Voici une critique du bon Rémy! Ca décoiffe:

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LIVRES ANGLAIS

Jésus de Nazareth a tragedy, (Jésus en tragédie), by GEORGE BARLOW. (The Roxburghe Press London).

M. Georges Barlow est un esprit hardi et une âme fougueuse, un rêveur à idées et à thèses, en somme un poète philosophe. Les titres de ses œuvres disent ses préoccupations : le Crucifiement de l'Homme, la Parade de la Vie ; il songe à l'humanité, à la destinée des êtres, aux questions supérieures. Son dernier poème indique encore un souci des problèmes religieux ; le titre, prononcé tous les jours, est grandiose et vulgaire, insignifiant et terrible : Jésus de Nazareth.

Ici il faut exposer, au moins par quelques mots, les théories historiques, littéraires et religieuses de la Préface.

M. Barlow, au rebours de M. Andrew Lang et, de toute l'école du Folk-Lore et de la tradition, estime que le véritable intérêt d'un fait religieux réside en ce qu'il contient de vérité historique — ou possible. Il n'admet les traditions que révisées par la science, par la diplomatique, par l'épigraphie, par l'école de Tubinge, par Strauss et par Renan. Il me semble cependant qu'au contraire, les religions ne sont intéressantes que situées hors de l'histoire, que riches de toutes leurs légendes, de tous leurs mythes, — et de toutes leurs superstitions. Si l'on ôte à une religion son merveilleux, son « absurde », comme disent les savants qui le sont si rarement, cela n'est plus, dans l'histoire du monde, qu'une médiocre anecdote sociale : Jésus, sans auréole, apparaît tel qu'un mauvais charpentier, et la Vierge, comme une mère très ordinaire ; si Joseph, ainsi qu'en un poème de M. Aicard, tient de sordides discours touchant son métier,

Le cèdre du Liban se vend toujours plus cher,
Et mille autre propos sur la charpenterie,...

si le milieu donne l'impression d'une tribu de bédouins ignorants, toute cette histoire devient ennuyeuse et vulgaire. Ne vaut-il pas mieux la lire dans les missels historiés et sur les vitraux que sertissent les vieux plombs ?

Mais, poète plus encore que critique, M. Barlow, dresse sa tente entre la montagne et le marécage à mi-chemin, en un lieu d'où se voient également les cimes et les roseaux. Il prend l'histoire des origines chrétiennes telle que, fournie par la plus scrupuleuse exégèse, — et il la dramatise, substituant ainsi au merveilleux traditionnel un merveilleux logique et poétique, qui serait entièrement admissible, si une légende aussi connue pouvait souffrir d'aussi importantes modifications.

Entreprendre l'analyse de ce drame, important comme manifestation d'un talent haut et fier, mènerait loin, car le sujet prête à de perpétuels commentaires, mais en voici le dénouement, — ou plutôt les dénouements, car il y en a trois, l'un incorporé au texte, les deux autres donnés en appendice.

Judas a livré Jésus dont il est jaloux ; comme, après la scène du Calvaire, il avoue son amour à Marie-Madeleine ; celle-ci qui adore Jésus, poignarde le traître, puis se rend au sépulcre. Elle pousse la pierre, elle entre, elle soulève le linceul, elle découvre que le Seigneur n'est pas mort et, avec l'aide de Joseph d'Arimathie, elle l'emporte chez elle. Là Jésus revient à lui, — heureux de vivre ! — et témoigne un amour très tendre à Madeleine, qui prend la résolution de le garder pour elle seule, et d'annoncer aux disciples qu'il est monté au ciel. A cette nouvelle, Thomas s'en va vers le sépulcre, doutant qu'il soit vide, Jean affirme sa foi dans la résurrection prédite et Madeleine se dit à elle-même : « Il est sauvé, et le monde n'en saura jamais rien ! »

Ce premier dénouement semble à l'auteur « le plus original et le plus dramatique », mais les deux autres ne le sont pas moins. Voici le second : Marie-Madeleine, désespérée, se tue en disant (traduction littérale) :

Ne pouvant mourir pour lui, je veux mourir
Avec lui ; Jésus, reçois mon âme
Et laisse-moi, ignorante des joies terrestres,
Trouver une triomphante joie, une joie mettable,
Avec toi, mon Seigneur et Maître, là où tu es
Car où tu es, il fera bon pour moi
Séjourner avec toi, regardant comme jadis
Profondément en tes yeux où l'amour de Dieu
Brilla vraiment. Maître, je te suis !

(Elle prend le poignard — et se frappe).

Adieu, étoiles...

(Elle meurt).

Troisième version : elle va se tuer, quand Jésus lui apparaît et lui annonce qu'il va monter vers son père. Il a laissé son corps, il s'est spiritualisé. Ayant absous Madeleine de toutes ses fautes, il lui annonce que « type du péché et de la folie de la femme, elle sera dorénavant le modèle du suprême repentir », puis il disparaît donnant à l'amante inconsolée la certitude de le revoir, la haut « car la seule mort est le péché. »

Ainsi M. Barlow, selon son expression, introduit dans les récits évangéliques l'élément sexuel ; il humanise le divin.

Ce n'est pas tout à fait la première tentative de ce genre, mais c'est la première qui se fasse lire et qui se défende par sa forme artistique. Nous préférons les évangiles, même apocryphes, inventions ultérieures tendant à les expliquer. Reconnaissons cependant que la tragédie de M. Barlow, éloignée de toute banalité, est une œuvre d'un intérêt véritable, un drame d'une belle et large ordonnance, un poème très émouvant.

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On trouve ça et bien d'autres merveilles sur: http://www.remydegourmont.org/de_rg/autres_ecrits/revues/revuedesrevues/1896.htm

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