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orlando de rudder
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23 mai 2006

Manières de table.

( Dernier extrait, sauf si ça vous plaît, du "Livre de discorde" Notre héros, toujours lamentable, découvre la haine rigolarde et visqueuse d'un mond pied-noir raciste et répugnant, celui de son épouse... Hélas! Car lui-même fut colonisé par ce monde de mondres et de mufles!) Les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, le faisaient tournoyer et les jetaient contre ls parois de pierre où leurs chairs s’éparpillaient sur les rochers. Henri Alleg, cité par Boucif Mekhaled, Chronique d’un massacre, 8 mai 1945, 1995. Tout à la joie de se retrouver, cette centaine de pieds-noirs mêlaient le rire aux larmes, la nostalgie appuyée, appliquée, aux grosses rigolades. Sincèrement racistes, ils ne s’en trouvèrent pas moins sincèrement émus. Les clystères ! Ils se trouvaient entre eux ! Ils se déboutonnaient, vomissaient leur haine rigolarde. Ailleurs, ils n’osaient pas. Quand les beaux -parents venaient dîner à la maison, il arrivait, évidemment, que d’autres convives fussent là : des amis. Certains d’origine maghrébine ou noire les gênaient. Ils n’osaient rien dire, les coloniaux lambda. Mais on les voyait mal à l’aise. De plus, les invités en question les dépassaient intellectuellement, humainement de beaucoup : artistes, universitaires ou autres, ils savaient parler et faire rire autrement que par des blagues immondes! Pauvres beaux-parents, pauvres lavements : l’humiliation les taraudait. Hi !hi ! Rabat-joie n’était pas trop mal élevée. C’est pourquoi l’on s’étonnait de voir son père et sa mère se tenir mal à table, manger salement, parler la bouche pleine, etc. Plusieurs fois, les autres convives s’arrêtèrent, ahuris, le regardant bâfrer tandis que, sans s’en rendre compte, les deux salingues continuaient à briffer comme des porcs. Ils allèrent jusqu’au rot à table, imputant le fait aux Arabes… mais, je le jure, jamais ils ne pétèrent, même nostalgiquement. Il leur suffit de penser pour que ça pue autant… Ils s’émouvaient parfois de « leur » pays perdu. Ca tournait vite à l’aigre et c’est bien fait pour eux. Alors, la larme à l’œil, ils se remettaient à bouffer à la façon dégueu. Ce parti pris de vilenie et de bâfrerie éhontée trouvait son illustration avec la Grand-mère, l’épouse de l’homme à la belle voiture, qui, d’abord, pour bien montrer son esprit de sacrifice, se nourrissait de restes et insistait pour manger les fruits blets ou talés. Après quoi, il lui fallait un plat de pâtes. Peu importe qu’il y ait après un plat consistant, couscous, cassoulet ou blanquette : il lui fallait ses restes, ses pâtes… Cette immonde raciste vaticinait, obèse. Mais son embonpoint ne représentait rien à côté de l’épaisseur de son esprit. Seul son cœur demeurait maigre, étique, cadavre de hareng saur desséché par la haine stagnant sur les décharges des poubelles du temps. Et de l’histoire aussi…Kera habeyo, comme on dit à Kigali : « il était une fois… ». Il n’est plus de foi… Pied-noirs…Malentendu. Pays souillé…crasse. Algérie, ô, Algérie ! Orangers de Blidah, sévérité du M’zab… à l’orée du désert, le chaud vous prend aux tripes et c’est à l’horizon qu’on se perd le regard … Précision de l’oud qui résonne le soir, notes en architectures s’élevant vers le ciel silence de la raison soif et sensations fortes … Lui, le même, ne connaissait qu’assez peu l’Algérie. Il y passa, en vacances itinérantes, faisant la route. Il demeura quinze jours à Alger, puis d’autres un peu partout, circulant à bord d’autocars approximatifs, parlant avec les gens. Plus tard, il pensa : En quelques jours, j’ai peut-être plu parlé aux autochtones que mes beaux-parents durant toute leur vie : méprisant les « Arabes », leur adressaient-ils seulement la parole ? Morgue ! Dédain ! Prétention ! Ces pieds-noirs n’ont jamais rien compris à ce pays volé. Il leur a suffi de lui nuire. Tréponèmes, tas de merde, Salissures ! Varices ! Salpingites ! Ils se regardèrent, lui, sa femme, lui, le même, sa femme, très autre. Il comprenait, maintenant un nouvel aspect de la réalité des choses et des gens. Il comprenait qu’il existait bien peu, qu’il n’était qu’un enjeu. Un passage obligé pour une révolte obligatoire. Pour un conformisme affligeant. Elle paraissait gênée… Il découvrait les « cadavres dans le placard », tout cette haine, fondatrice d’un clan. Cette nécessité de haïr. La honte de l’histoire. Les vaincus. Les médiocres. Elle ne pouvait ni les renier, ni les approuver. Elle ne pouvait pas choisir. Ni même se préoccuper trop intensément de ce dilemme… Alors, elle s’en vengerait sur lui, le même. Rares, mais quelques uns… quelques-uns parmi la foule n’étaient pas pied-noir. Conjoints, amis, qu’importe. Même s’ils partageaient souvent les options maladivement racistes des autres, de la majorité, ils se choquaient de la vulgarité, de la perversité de ces rapetachontres ignobles. Ah ! Les varpouilles gluantes ! La névrose raciste ne se soigne pas toute seule. Et les psy y renoncent un peu trop souvent… Cette perversion tranquille console en même temps qu’elle rend malheureux… On en jouit tellement ! Les médiocres s’en régalent et se permettent ainsi de se croire meilleurs. En tout cas, pas pire. Ca évite à bon compte l’effort d’aimer, de se cultiver. La haine est pratique. Elle ressasse à loisir. Rabat-joie comprenait tout ça. Mais ces gens, ces ordures… qu’elle DEVAIT aimer… ces petits salauds médiocres… S’en montrer solidaire. C’étaient sa chair et son sang ! Ces gluants merdiflus ! Il faut savoir mériter sa révolte, et passer pour un traître aux yeux des traîtres à l’Humain. Pauvre femme, elle ne fit qu’hésiter entre deux trahisons. Elle a choisi les deux, plus celle de son talent qui aurait pu fleurir mais Papa ne voulait pas… Plus la traîtrise d’elle-même, transfuge impersonnelle, en deçà de sa propre personnalité. Et dire que… certains aristocrates portèrent le bonnet rouge, Victor-Marie Hugo combattit l’injustice, et tellement d’Allemands moururent en résistant. Mais c’est un énorme courage… Et puis, Rabat-joie, après tout, ne le souhaitait pas : comme les siens, elle aimait les souffrances passives, qu’on cultive pépère … tout va bien, du moment qu’on ne risque pas d’être heureux… Un conformisme affligeant ! Il ne s’agissait que d’un petit scénario bourgeois. Lui, le même, un prétexte ? J’entendais ces mots : » Algérie française »… J’ai mesuré là tout le ratage, l’incongruité de la colonisation. Avec sa fonction de débarrasser les métropoles de quelques ordures et autres médiocres… « Algérie française » ! Beaux jeux de nation… Pourquoi pas « Australie suédoise », « Honduras pakistanais », « Kirghizie Lusitanienne », « Philippines bantoues », « U.S.A. slovènes » ou « Laponie hongroise » ? Tas de chcrougnes, Dégueulasses ! Il le savait, il s’en doutait déjà. On l’a vu… Il connaissait la chanson ! Dans les familles racistes, souvent, une fille ou un fils révolté choisit un conjoint de la « race » honnie… Souvent, ça rate, ça dure peu, et l’enfant prodigue revient au bercail. Les liens se ressoudent encore plus serrés. Ou alors, ça dure, et le, ou la révoltée veut absolument faire accepter son choix par les siens. C’est l’horreur assurée. Et lui, le même, était la victime, le sacrifié à la crise d’identité d’elle, la fausse… Il n’existait qu’en fonction d’une volonté de s’affirmer face aux beaux-parents… L’amour ? Plaisanterie ! Il ne s’agit, dans ce cas que d’une crise d’adolescence prolongée, d’un manque de maturité, d’un refus d’être adulte ! A la longue, il est vrai, un attachement se crée. Mais l’amour demande, encore et toujours, de plus haute vertu. Il n’est décidément pas à la portée de n’importe qui. On l’a déjà dit ! Du banal ! De l’ordinaire ! D’un fonctionnariat affectif ! Lichons de l’anisette Cristal Liminana, ça fait roter « comme là-bas, dis » et l’on oublie ces cons, ces bourreaux qui se la jouent victimes ! Je pense particulièrement, à un tenace je-ne sais-quoi, un cousin, un allié. Une merde, en tout cas… Avec le bon goût de nous montrer une vraie sale gueule d’escroc à bajoues, d’escarpe jaloux, comme on en voit dans les séries B les plus malfoutues. Franchise ? Demandait l’autre. Oui, j’ai vu ce gros crétin qui pleurait par ses pores, le malheur sébacé d’intense connerie. Sa sueur grasse, sa gueule épaisse se confisait en nostalgie. Dans son regard, un vague attendrissement de violeur qu’on eût pris. Car c’était un perdant, comme tous ceux d’alentour. Alors, même arrogant, ils faisaient profil bas. Et ce gros crétin là, disais-je, chialait sur le « pays perdu ». Même il puait aussi le stérile laurier : un ancien militaire. Avait-il torturé ? Probablement, peut-être. Un peu ? Beaucoup ? Avec une folie sadique et destructrice ? En passionné vicieux fouaillant le corps captif pour jouir de sa douleur avec jubilation ? Ou alors, pas du tout : il faut rester juste. Ce n’est pas parce qu’il avait la gueule de l’emploi qu’il a forcément employé sa gueule à le confirmer. Ce vulgaire, cet épais m’a même servi le tralala bonasse de civilisation. De chrétienté. De chrétienté morose. Parce que bidon. Juste traditionnelle, familiale. La tradition n’est qu’une réévaluation de son propre souhait : elle arrange. Ce type n’était même pas un vrai catho-catho. Sauf pour la frime. Ou alors, intégriste : la voie de la facilité On se sent pur et beau. Respectueux et sincère… Grandeur d’hypocrisie, gloriole tueuse d’Arabes…Cet Artaban merdeux qui venait d’Algérie… Je n’en dirai pas plus : z’avez qu’à voir sa gueule !
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