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orlando de rudder
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27 novembre 2005

Rémy de Gourmont sur Huysmans

Joli texte de Rémi de Gourmont sur Huysmans et Henry Céard! : « Huysmans et la cuisine », Promenades littéraires, 4e série, 1912, pp. 136-148 HUYSMANS ET LA CUISINE M. Céard a écrit un roman où il ne se passe rien. Si je me souviens bien. Une belle journée est l'histoire d'un couple qui s'embarque pour la campagne, est surpris par la pluie, entre dans un café, puis rentre à la maison. Huysmans en médita longtemps un qui eût été ainsi ordonné : un monsieur sort de chez lui pour aller à son bureau, s'aperçoit que ses souliers n'ont pas été cirés, les livre à un décrotteur, pendant l'opération songe à ses petites affaires, puis continue son chemin. Le problème était de tirer de cela trois cents pages. C'est sans doute la même difficulté qui arrêta M. Th... dans la rédaction d'une comédie qu'il avait pourtant méditée plus de dix ans. Il paraît que c'était très drôle. Je n'ai pas eu le bonheur de l'ouïr, mais j'en connais la substance, qui est brève. Un boutiquier s'en va un dimanche, à sa maison de campagne, mettre du vin en bouteilles. Incidents de l'opération. Rentrée à Paris. Voilà tout. Cela eût-il ravi à M. Céard la palme du néant ? Peut-être. C'était du moins la prétention de Th... qui reprochait à son rival d'avoir conçu une œuvre trop romanesque. Je ne serais pas éloigné de croire que l'ironie énorme de ce personnage falot ait pesé quelque peu, durant quelques années du moins, sur l'esprit de Huysmans, et qu'il lui ait emprunté cette manie avec laquelle il a fait une bien curieuse littérature, de savourer les désagréments de l'existence, et particulièrement l'infamie des petits restaurants des environs de Saint-Sulpice et de la Croix-Rouge. Cela nous a donne un merveilleux livret : A vau-l'eau, ce poème du dégoût et de la résignation morne. Il y a de meilleures, et surtout de plus belles pages, dans l'œuvre de Huysmans ; il n'en est pas qui représentent mieux, en même temps que l'esthétique naturaliste (le romantisme de Zola en est très loin), ce pessimisme pratique qui s'ingénie à ne trouver dans la vie que des gaupes, des jocrisses et des coquins, de la bidoche et de la vinasse. Déjà, dans ses premiers livres, dans Marthe, par exemple, il y a quelques essais d'invective contre « les viandes insipides et roses, les malheureuses topettes de vin, les assiettes en pâte à pipe », mais le style n'y est pas, et cela ne surexcite nulle compassion envers les gens sans famille qui, « à l'heure du dîner, remettent leurs bottines pour aller chercher pâture dans un bouillon ». La cuisine n'a aucun rôle dans les Sœurs Vatard. Les Croquis parisiens contiennent « le poème en prose des viandes cuites au four », bien fait pour couper l'appétit le plus vivace ; c'est « le potage que le garçon apporte en y lavant, tous les soirs, un pouce » ; ce sont « les tronçons filandreux d'un aloyau sans suc », noyés dans la « quotidienne sauce rousse », mais la vraie virulence du verbe manque encore. La même « sauce rousse » revient dans En ménage, avec, cette fois, « le gigot au suif, les haricots à l'eau tiède, le plâtreux fromage blanc » ; c'est un souvenir de collège ; on notera plus volontiers le plaisir qu'il éprouve à constater, au cours d'une partie fine, « en s'enfournant une bouchée de poisson qui sentait le linge », qu'on ne peut se satisfaire « sans un peu d'illusion », et qu'il en est totalement dépourvu. On trouve la suite sur le site des Amis de Rémy de Gourmont!!! Qu'on se le dise!
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