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orlando de rudder
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21 novembre 2005

Germaine Tailleferre et Charlie Chaplin

Le Groupe des Six fut d’abord une bande d’amis. Il se composait de Georges Auric, Francis Poulenc, Arthur Honneger, Louis Durey, Darius Milhaud et Germaine Tailleferre. Tous partageaient un goût pour la musique française, pour Couperin, et Rameau. Tous connaissaient et subirent l’influence d’Érik Satie, de Ravel. Et tous furent exceptionnellement talentueux, dans des genres différents. Germaine Tailleferre, que nous surnommions Baboum , naquit en 1892 au Parc-Saint-Maur. Son véritable nom était Taillefesse ce qui n’empêche pas que la légende familiale ait posé comme ancêtre le bouffon le jongleur Taillefer. Ce personnage illustre déclamait la Chanson de Roland pour renforcer le courage des chevaliers normands durant la bataille d’Hastings en 1066. On le voit sur le Telle du Conquest, la “Tapisserie” de Bayeux blessé, l’oeil crevé par une flèche… La mère de Germaine, normande fut, il y a fort longtemps, fiancée, à un notaire. Et voilà qu’un jour, son grand père, Arthur Taillefesse, vétéran de la guerre de Crimée, un personnage haut en couleurs, voyagea par le train. Dans son compartiment, ils rencontra deux paysans avec lesquels il lia conversation. Tout en parlant, il découvrit que l’un des paysans portait le même nom, le même prénom que lui. Dès lors, il décida que sa petite fille épouserait cet homonyme, en outre sosie de George V. Malgré l’opposition de son père qui “préférait la voir sur le trottoir qu’au Conservatoire”, Germaine entra dans cette institution pour y rafler un premier prix d’harmonie en 1913, de contrepoint en 1914, et d’accompagnement en 1915. Ses succès firent que Gabriel Fauré et Claude Debussy la portèrent en triomphe. Pourtant, Fauré tiqua lorsque Germaine, à l’audition, lui exécuta un prélude de Bach entièrement transposé… En 1917, elle rencontra Érik Satie, dont l’influence transparaît dans le titre de certaines oeuvres de Germaine: Jeux de plein air, Suite Burlesque, Pancarte pour une porte d’entrée, tirlitentaine, Cache-Mitoula. La critique de l’époque voulait montrer Germaine en personnage évanescent, puisqu’il s’agissait d’une femme. Sa musique fut considérée comme douce, “féminine”. Pourtant, Ravel célébrait “la géniale musique de Germaine Tailleferre” tandis que Colette louait la “mordante partition” du Marchand d’oiseaux.. Baboum refusait les effets faciles, la grandiloquence, le drame trop vivement asséné . “Garçonne” énergique, elle vogua dans les airs en ballon libre, pratiquait la bicyclette, remporta un championnat de diabolo… Elle fut une belle femme, souriante sur beaucoup de photographies. Mais, sur certaines, représentant le Groupe des Six, elle semble souvent maussade. En voici la raison: durant des décennies, Francis Poulenc, qui se trouve à côté d’elle sur les clichés, attendait le moment précis où le photographe allait actionner l’obturateur pour mettre la main aux fesses de Germaine qui, surprise, se cambrait soudain. Germaine partit pour les États-Unis . Elle y épousa Ralph Barton, dessinateur humoristique de grand talent, illustrateur des Contes Drôlatiques de Balzac et d’une désopilante Histoire des États-Unis. Barton fut un personnage curieux, désespéré, buveur, suicidaire. Voici une anecdote à son propos, racontée par Charlie Chaplin: Mon ami Ralph Barton se conduisit d’une façon étrange. Je remarquai que la pendule électrique du salon était arretée: on avait coupé les fils. Quand j’en parlai à Ralph, il me dit: “Oui, c’est moi qui les ai coupés. J’ai horreur du tictac des pendules”. J’étais ennuyé et un peu agacé, mais je mis cela sur le compte du caractère un peu excentrique de Ralph. L’excentricité de Barton alla plus loin. Germaine, se trouvant enceinte, ne voulait pas avoir d’enfant, et lui non plus. Barton proposa tout simplement de tirer une balle de revolver dans le ventre de sa femme. Et Germaine de courir, pourchassée par son mari,… Germaine se souvenait avec émotion de la gaîté de Chaplin. Il venait souvent la voir, à New York, au moment de l'immonde procès intenté par sa femme. Il était triste et Germaine le réconfortait. Tous deux jouaient volontiers du piano à quatre mains. “Il s’amusait beaucoup en improvisant avec moi, disait-elle. Nous ne jouions pas de jazz, mais des barcarolles, des roulades à l’italienne, des airs sentimentaux qu’il transformait à sa façon, créant des mélodies simples qui m’évoquaient Érik Satie”. Chaplin fourmillait d’idées musicales. qu’il décrivait ainsi: Je m’efforçais de composer une musique élégante et romanesque pour accompagner mes comédies par contraste avec le personnage de Charlot.. Il ne connaissait pas le solfège. Germaine l’aida à mettre au point certaines de ses mélodies. Chaplin, satisfait, voulut qu’elle devînt sa collaboratrice régulière. Barton s’y opposa: il refusa de devenir “Monsieur Tailleferre”… Alors, Germaine dit à Chaplin: Votre musique vous ressemble. Vous devez faire vos musiques vous-même. Prenez des nègres pour les transcriptions, les transpositions, mais créez vous-même vos thèmes. Baboum aimait à raconter comment Chaplin fut surpris, lors d’un voyage à Paris. Il connaissait le français, sans le maîtriser: il trouva curieux d’entendre un chauffeur de taxi traiter un automobiliste de “petit canard”… Un film, muet, hélas, les montre tous deux au piano. Germaine mourut en 1983. Le 7 mars de l’année précédente, elle eut la joie d’entendre son Concerto de la Fidélité chanté à l’Opéra par Arleen Aiger. Elle pleurait, dans la loge d’honneur, à côté de Bernard Lefort, lui-même fort ému. Alors, les musiciens se levèrent et l’applaudirent.J'étais là. Je n'ai pas retenu mes larmes.Jean Tardieu était, lui aussi fort ému...
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Commentaires
J
Ancêtre d'un troubadour, chaînon de la transsmission de "la chanson de Roland" qui a martyrisé tant d'écoliers?<br /> Je serais pas fier... :)<br /> Merci pour le clin d'oeil, si jamais, j'ai donné les réponses exactes dans les commentaires.<br /> Au fait, ce billet me fait penser au "dicateur et le hamac " de Pennac, ou la doublure de la doublure d'un dictateur rencontre Charlie Chapli.<br /> Excellent livre d'ailleurs.
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