quand tout était bio par nécessité

Avant l'agriculture moderne, en Inde:

"Quelquefois nous mangions de l'herbe sachant qu'il en résulterait nécessairement des crampes d'estomac et de violentes nausées. La faim est une curieuse chose: au début elle est tout le temps avec vous, que vous soyez éveillé, endormi ou en train de rêver, et votre estomac réclame avec insistance et vous sentez au fond de vous une morsure et une douleur comme si une bête féroce s'attaquait à vos organes essentiels; il faut arrêter cela à tout prix; et pour un moment de répit vous êtes prêt à affronter les conséquences,même quand vous les connaissez et qu'elles vous font peur. Puis la douleur s'émousse, mis elle ne vous quitte pas, si bien que, maintes fois dans la journée vous pensez à la nourriture et chaque fois vous êtes saisi d'un terrible malaise; comme vous le savez, vous essayez d'éviter de penser mais rien à faire, la faim est en vous. Et puis ce second stade est aussi dépassé; il ne subsiste ni souffrance ni désir, rien qu'un grand vide, comme le ciel, comme un puits à sec et c'est alors que la force abandonne vos membres: vous essayez de vous lever et vous vous apercevez que vous en êtes incapable; vous tentez d'avaler de l'eau et votre gorge s'y refuse; l'effort qu'il vous faut faire pour avaler et pour garder le liquide vous épuise."
Kamala Markandaya, Le Riz et la Mousson, 1956 (édition française)