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orlando de rudder
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10 août 2009

oeufs frits du matin

 

Il y a le bruit, la déchirure. Le moment intense où tout se joue. Quelque chose de poignant, d'inquiétant, presque... comme un cri... Un cri sans voix, sans accent. Un cri de matière pure qui ne sera jamais bête. Même pas bête... Une force d'amour vrai et de salivation. Des gonflements hirsutes comme des poils adipeux. Le grésillement s'enfle avec quelque chose de tellurique, évoquant au poète quelque naissance du monde ou quelque cataclysme abominable et beau. Odeur olivâtre... L'oeuf!

L'oeuf frit du matin.D'abord le calme plat du plein d'huile dans la poêle. Toc! le bris de la coquille sur le coin de ce vaisseau pourtant circulaire. En couronne. Et que je mets les oeufs dans un petit bol... Et j'attends, suspense, plaisir... Puis, v'lan! je te fais tout glisser dans la, poêle en me méfiant des brutales éclaboussures! Ah ! le mélange odorant d' huile d'olive ordinaire, la seule apte à cuire ainsi et de manteca de cerdo, de bon saindoux, albe axonge qui révulse les chichiteux inanes!

Joie! Pied!

Il surgit, le cri! elle fend l'air, la déchirure! Voici le supplice instantané du blanc qui se boursoufle... On y mettra du chorizo tandis que tout gonfle et que la clameur s'enfle. C'est cruel, on aime ça... Oeufs frits comme en Espagne et, pour parfaire la cuisson, on prend l'huile dans le récipient en furie, à la cuiller, pour arroser les oeufs, pour leur donner encore plus de brûlure et de cuisson; t'es foutu, l'oeuf. Ce sera si bon... Fort, gras, puissant !

Un peu de Vadepeñas...

- Tu n'y penses pas, Orlando! Au petit-déjeuner?

- Bien sûr, que j'y pense! Le jeune Louis XIII, très espagnol, se tapait du vin rouge dès le matin. pourquoi pas le vieux Ruru? LA nuit du 4 août a aboli les privilèges!

La dégustation demande un recueillement extatique digne de la grande Thérèse d'Avila! il faut apprécier le croustillant du blanc cuit, grillé par endroits et moelleux, tendre, légèrement élastique à d'autres... Une petite résistance sous la dent, très légère de Dulcinée du Toboso jouant la farouche mais ne demandant qu'à être... consommée... Ensuite, le jaune se répand, maroufle les papilles et c'est pur bonheur... tant de douceur!

Et paf! voici le chorizo, brute hidalga qui apporte sa force conquérante mais ne peut tout à fait vaincre la feria d'onctuosité ambiante. Ca croque , ça onctue, ça pique et arde. La lampée de Valdepeñas qui fait passer tout ça y ajoute un frisson hautement délectable. Voici un plaisir noble comme ces vieux aristocrates fauchés (aux autos qui furent somptueuses et cahotent durement, fument comme des Carmen et ne fonctionnent qu'à coups de banderilles), qu'on trouve encore en Ibérie, don Quichotes modernes aux châteaux délabrés mais quand même en Espagne. Car c'est un régal abordable qui devait déjà combler Lazarillo et les mendiants de Ribera.

Anda! Luz! En avant la lumière! Le jaune d'oeuf fait soleil, le chorizo planète rouge, constellation tranquille dans une voie lactée aux bords noircis: Le sentiment parfait d'une présence au monde pour tout dégustateur à l'ego affiné!

 

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