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orlando de rudder
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18 juillet 2007

Souvenirs d’avant la publication des érables.

En ce temps-là, Gertrude, on nous enseignait le manque de saucisses. On perdait notre temps à entendre des prêtres, même pas cinglés, prendre de  petits pieds à nous embasquiner les brusques.

On cultivait des cochons-rave dans nos pupitres en vieux bois rance. Mes joues en feu faisaient peur aux filles !  La seule que j’ai atteinte, je la connais encore. Nous sommes même côte à côte quand on boit de la bière. Quand on n’en boit pas trop, ça ne vaut pas le coup. Sauf que ça coûte plus cher, évidemment, pardon….

On se regarde toujours très amitieusement. Surtout l’été. Avec de grands sourires de boucherie rurale. On agite les  langues longuement sur les glottes. Ensuite on se met à parler. Sa grande jupe verte se soulève facile. Les mots suivent alors, comme des bagnoles pleines sur de grandes autoroutes. Nous sommes des pierres vives. Et la vie nous  enseigne à demeurer tel quel

Mes gentils cochons-raves mangeaient des feuilles d’érable crues. Avec la fille atteinte, on écrivait des poèmes sur chaque feuille. Ca raffermit la viande. Et ça fait très plaisir au gentils cochons-raves. Ca nous consolait, oui, des embasquineurs de brusques. On les a oubliés, n’en parlons plus Gertrude.

On s’attachait à nos bêtes. C’est très gentil un cochon-rave. Avec des yeux si doux, si tendres… Alors ça nous faisait chialer de les tuer. Tandis qu’on les égorgeait avec un grand couteau, On s’excitait quand même. Fallait voir leurs regards s’embrumer au fur de l’agonie. Notre joie contenait une tristesse intense. Tuer, c’est comme faire l’amour, on est tristoune après.  En plus le sang coulait et tachait les chaussettes.

On rôtissait ensuite nos mignons cochons-raves. LA fille atteinte priait pour eux, sincèrement. On les mangeait bien cuits en buvant de la bière. Ca produisait en nous  une douce amertume, On regrettait la bête, si racineuse, si tendre.  On en portait le deuil tout en la dégustant.  Même qu’on pleurnichait en gloutonnant, tous deux.  En même temps, la viande, putain, c’est vachement bon. Comme tu le vois Gertrude, nous sommes vraiment humains. On a aimé nos cochons-raves comme de vrais parents.

Depuis, vois-tu, Gertrude,  on a publié les poèmes inscrits sur les feuilles d’érables. Ca nous rappelle nos bêtes autrefois tant aimées. Et les délices suprêmes qu’elles nous ont accordées : la grande joie de bouffer, le regret nostalgique des amitiés perdues et la honte savoureuse d’avoir tant et tant tué. Et les chaussettes aussi, impossibles à ravoir sans un bon lave-linge.

Et c’est ainsi, Gertrude, qu’on s’aime, la fille atteinte et moi ! En buvant trop de bière et les brusques en paix. Tout en pleurant de joie : tristesse et plaisir construisent notre amour aussi gras que mafflu. En savourant la viande, je soulève sa jupe pour lui pincer le cul. Alors on rigole bien. Parce qu’on est très vulgaire. La tendresse est féroce, mais faut savoir y faire !

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