La clôture
J’avais enfin réparé la clôture. Soledad buvait une bière. Elle m’a parlé du bouvreuil, de la grive. J’aime son langage. Mais je suis encore plus amoureux de sa mémoire. On dirait un soleil. J’y suis entré un jour. J’y resterai, dit-elle…
Le bouvreuil intrépide a fini sous les dents du chat. En plein réveil matinal. Avec la franchise du jour levé. Soledad me dit qu’il y a aussi, dans ça mémoire, des décombres crasseux .Un beau jour, j’irai voir.
La mémoire ne connaît pas le sommeil C’est pourtant charmant. Les yeux de Soledad, quand elle rit trop fort, ou parmi son plaisir, pleurent de l'encre noire. Elle s’alourdit le regard avec du mascara.
Souvent, quand elle pêche, au bord de la rivière, je la contemple de loin. Je n’aime pas la pêche. Même s’il y a du silence. De l’attente. Et du poisson bonnard à cuire sous la cendre.
Elle me dit qu’elle se sent beaucoup trop fille du temps. C’est pourtant le sort commun. Mais elle…
J’ai beau la câliner, la margouillauder, l’aimer, je n’entre pas dans sa mémoire. Je sais que j’y suis .Mais est-ce bien moi ? Ou une image lucide, comme celle que projette une lanterne magique, sur un drap, dans une chambre sans lumière ?
Le chat regarde souvent la lune. Mais il n’est pas certain qu’il sache lui parler. Soledad, comme moi , parle souvent au chat. Je ne pense pas que ça le dérange. Sauf après un bouvreuil, quand il l’a bien mangé. Il préfère dormir.
Maintenant qu’elle est réparée, je pense qu’il va falloir repeindre la clôture. Mais de quelle couleur ? Soledad hésite, elle aussi. Dans sa mémoire, dit-elle , on trouve toute sorte de clôtures, barrières et portes. Très peu sont de la même couleur. Il va falloir choisir… Et c’est toute une histoire.