Ode ontologique.

Il n’est pas si facile de creuser dans la masse molle d’un cerveau jaune-chamois. Et, pour en extraire les fluides qui peuvent toujours servi : endorphines ou moutarde, adrénaline, vin blanc, on n’a pas trop de mains. Mais une fois décervelé, on ne sait  rien en faire.

Un jour j’aurai des dents. De solides, comme des murs. Avec des muscles aux gencives. Et ça fera très mal quand je mordrai les tracassiers.

En attendant, il faut exprimer le cerveau sur le cône cannelé du presse-citron. A cause des bons sucs, endorphines ou moutarde, adrénaline, vin blanc, vétiver, vieille prune qui rendent intelligents. On les recueille dans une sébile. Ordinaire, la sébile. Le luxe, c’est d’être là !

Ensuite, on mélange. D’abord un parfum simple, verveine voire cannelle. Puis du bicarbonate, aussi. Un peu de fluor, et hop ! De l’alun ? Pourquoi pas : on en trouve en pains blanchâtres, chez Match, à Erquelinnes. On mélange, on s’amuse, on peut même patauger !

Voici un dentifrice à nul autre pareil. Pour aller plus vite, j’utilise une brosse électrique. Eve me l’a offerte pour mon anniversaire. Je mange trop de fromage. C’était il y a longtemps.

Ainsi, au jour le jour, je constaterai le progrès judicieux de ma denture. Plus que des crocs : des créneaux aiguisés, des chevrons de scie mate en acier plus que dur. Oui, un jour, j’aurai des dents. Des dents sagaces, incapables de rendre des vessies pour des lanternes ! Mordant à bon escient, avec discernement. Tout ça à cause des substances du cerveau, qui rendent intelligent : Endorphines ou moutarde, adrénaline, vin blanc, vétiver, vieille prune, eau de pneu…

Avec ces dents ainsi, solides comme des murs, je me sentirai mieux. Elles seront peut-être jaune-chamois, la couleur du cerveau. Ca déteint quelquefois. Mais certains sont plus blancs .Il faudra voir le mien. C’est vrai que je fume trop. A cause du tabac, peut-être est-il plus brun.

Et je mordrai les tracassiers. Ca leur fera très mal. Parfois, j’arracherai des morceaux de leur chair. Ca saignera, c’est drôle. Je pourrai, aussi bien, trancher leur sale viandasses avec mes incisives, tranchantes comme des scalpels.

La viande de tracassier est assez gouleyante. Parce qu’ils sont soumis, comme des bœufs, des chevaux, des agneaux ou des veaux. Plus l’animal est veule, cauteleux et servile, plus sa chair est fondante, même les bas-morceaux quand on les cuit longtemps

Et je serai heureux, et si, par hasard, il m’arrive de me mordre les dents, ça fera des étincelles et j’aurai la mâchoire comme un arbre de Noël ! Ou une belle voiture avec des clignotants, des warnings, des phares et des feux de croisement!