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orlando de rudder
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31 juillet 2006

Les cigarettes du bord de mer.

Mon vieux présent sera un jour plat, pour qu’on puisse voir loin. Un jour comme l’océan avec de l’air, du large, et peut-être un soir d’embrasement frisquet ! L’incendie du crépuscule me glacera les os. Je fumerai alors une cigarette de bord de mer. De celles que l’on trouvait encore jadis, dans les coins à rareté touristique. Paquets de vingt cibiches restées là depuis longtemps, cigarette blondes honnies des autochtones mais qu’une dame anglaise achetait autrefois. Elle était peintre avec des robes à fleurs idiotes mais d’une rare élégance. Mais elle fumait trop. Elle buvait du vin rouge avec solidité. Même, elle impressionnait les matelots du port ! Faire vieillir le présent tient d’une magie noire que la nuit escagasse : il faut du jour touffu, tout poilu de soleil aux rayons qui défrisent, des nuages alcooliques aussi vicieux qu’obèses. Mais… Attention la pluie. La dame anglaise est morte. Elle avait aimé une jeune fille d’ici qui est partie jadis pour Paris. Les paquets de cigarettes restèrent là, à côté des goldos et des gitanes maïs. Stoïques et bonnes filles, toutes ces demoiselles respirèrent longuement les vapeurs de pastaga mastoc, de schnick dru au comptoir, de p’tites côtes en ballon, de Picon-bière tranquille. En plus de quoi, malgré l’emballage, l’iode et le sel s’ajoutèrent tendrement pour parfumer la solitude des encore infumées. Sauf que j’en achetai par un matin quelconque entiché de présent qui ne vieillirait pas. … Quand le présent vieillit, il prend un jolie teinte, comme de l’ambre ou du miel que le futur jalouse. Mais le futur le sait : il est toujours vaincu. Certes des gens y croient mais, patatras boum-boum ! Dès qu’il vont vers demain le passé leur fait face ressurgit et se marre juste avant de les mordre. La jeune fille d’ici, une de ces flamandes brunes, voulait jouir autre part, ce qui et de saison à ces âges impudiques. Et c’est au bras d’un homme bien plus con que son père qu’elle pleura la mort de sa tendre Milady. Et ce mâle imbécile ne sut jamais, bien sûr qu’il s’agissait d’amour avec du sexe aussi ! Et pas qu’un peu, pardi! Parce que, la dame anglaise, faut pas lui en promettre ! C’est comme le présent, quand il vieillit, salaud ! Il sait comment s’y pendre, insidieux, malicieux : il drague son vivant, avec quelques morsures là où ça peut faire mal, mais là où ça excite. Ca fabrique des douleurs douces comme des griffures et des suaves baisers à vous faire plus mal que des tartes dans la gueule ! La dame anglaise peignait des paysages sans fin et des nus assez chic de son amante locale. Les cigarettes du bord de mer se mêlent au présent indéfini. Elles ont pris le goût du sel, celui de la bonne taverne tandis que l’arôme somptueux du tabac d’Egypte fait résonner des souvenirs d’errances fausses. Moins herbeux, plus mielleux, celui de Virginie rêvasse un peu plus mou. Au fond de la présence il nous faut des parfums des mélanges vitaux qui nous font de l’histoire. Voilà pourquoi mon vieux présent sera plat pour qu’on puisse voir loin .Les nuages adipeux auront les yeux oranges mais le ventre bien gris, couleur acier terrible, scalpel dur de Sheffield comme autrefois les yeux de cette dame anglaise qui, alarmés de désir, brillaient de larmes libres quand elle contemplait la belle jeune Flamande toute nue devant elle. Et parfois même aussi parce que la fumée drue des cigarettes blondes lui piquait le regard sans ferveur ni passion. Le présent qui vieillit est une peau de vache.
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