LE beau soleil de la saint Valentin

En notre temps où le mépris de la poésie laisse la place à la nunucherie des chansonnettes, avec sa tyrannie du vers clacissisant, il est bon de rappeler qu'il y a d'autres inspirations, d'autres profondeurs et d'autres façons, plus goûteuse de vivre sa vie que l'auto-affirmation d'une sensibilité d'andouille à la sincérité éperdue d'amour, d'amour, d'amour à la "m'as-tu-vu-comme-j'aime-et-comme-je-suis-sensible-et vraiment-quelqu'un-de-bien-puisque-j'aime-comme-ça", et d'amour à la con (voir les chansons et les "poèmes" d'amour courants sur le net!!!!); LA poésie est action, elle est force, y compris dans le lyrisme. Et Charles d'Orléans, fêtant glorifiant le jour de la saint Valentin montre la vraie rigueur du poète, sa clarté, sa précision, sa grandeur. Charles d'Orléans, dans son exil, put se plaindre.Mais jamais avec l'attendrissement sur soi-même que l'onvoit pour tant de choses moins graves aujourd'hui. Sa ferveur nous montre la simplicité sereine de l''un des lus grands poètes français,inspirateur de tous les autres, de Villon à Rimbaud jusqu'à Jean Tardieu qui préfaça une édition des rondels du "Prince des poètes". La "clarté française" de Tardieu, d'ailleurs, et que revendiquaient surtout les musiciens de son entourage, n'est pas sans rappeler la force subtile de Charles d'Orléans. Voici un poème pour ce jour de Saint Valentin. Si,l'on aime la poésie, si on a le courage de lire à haute voix, de savourer els mots, le moyen français (apellation stupide) ne pose guère de problème: c'est notre langue, mais d'une autre façon. Ecouton-la dans sa tendresse et dans sa vigueur: Le beau souleil, le jour saint Valentin Le beau souleil, le jour saint Valentin, Qui apportoit sa chandelle alumee, N'a pas longtemps entra un bien matin Priveement en ma chambre fermee. Celle clarté qu'il avoit apportee, Si m'esveilla du somme de soussy Ou j'avoye toute la nuit dormy Sur le dur lit d'ennuieuse pensee. Ce jour aussi, pour partir leur butin Les biens d'Amours, faisoient assemblee Tous les oyseaulx qui, parlans leur latin, Crioyent fort, demandans la livree Que Nature leur avoit ordonnee C'estoit d'un per comme chascun choisy. Si ne me peu rendormir, pour leur cry, Sur le dur lit d'ennuieuse pensee. Lors en moillant de larmes mon coessin Je regrettay ma dure destinee, Disant : " Oyseaulx, je vous voy en chemin De tout plaisir et joye desiree. Chascun de vous a per qui lui agree, Et point n'en ay, car Mort, qui m'a trahy, A prins mon per dont en dueil je languy Sur le dur lit d'ennuieuse pensee. " ENVOI Saint Valentin choisissent ceste annee Ceulx et celles de l'amoureux party. Seul me tendray, de confort desgarny, Sur le dur lit d'ennuieuse pensee.