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orlando de rudder
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2 février 2006

Le miroir et le masque 14 et fin

Histoire du masque et histoire du miroir. Genèse. Au commencement était le miroir : ce que l’être put voir de lui-même à la surface d’une flaque, d’un lac ou de la mer étale. Il se regarda, se garda à nouveau et derechef. Et l’être devint humain. Il s’émerveilla de son immense beauté : il était gras, dodu, et accédait alors à la culture, puisque, en se regardant, il établissait une distance entre lui-même et son image. C’est qu’il n’avait plus faim. Autrement, il serait resté bête. Quoique les oies grasses ne soient pas toutes très malines. Rêvent-elles ? Se rêvent-elles ? C’eût déjà représenté un grand pas. Insuffisant, certes, mais grand : Rêver ne suffit pas pour s’inventer. Jean-Claude Kaufmann, L’Invention de soi, 2004. Inventions. Parmi les rejetons de l’être devenu humain par réflexion, certains furent moches comme des poux. D’autres ne purent supporter la splendeur de leur beauté humaine : ils inventèrent le masque. C’était alors une sorte de paratonnerre évitant le coup de foudre narcissique ou la haine tranquille de soi et, donc, des autres. Et le besoin d’autrui, ne serait-ce que pour en profiter, ou pour lui nuire : Quand on joue le jeu des apparences, on attend tout de l’autre. Yvonne Poncet-Bonnisol « Pourquoi faut-il que je frime avec les mecs ? », interview par Isabelle Thomas, Biba, Septembre 2000. Le masque est à l’origine du carnaval, cette angoisse rigolarde, de la guerre (manque d’admiration de l’autre), du meurtre (pour éviter de se suicider), du suicide (pour éviter de tuer soit l’autre, soit son propre reflet). C’e fut un bon remède contre l’amour, sentiment fort gênant, pesant, voire inoubliable… Locus solus. Le miroir, face au masque construit l’identité . Sauf que le masque se trouve au lieu même de la personne, au même endroit. La position du savoir est ailleurs… Encore pouvons-nous répondre comme tel personnage de roman, si l’on nous demande notre identité, (celle qui est ? celle qui nous fuit ? celle qu’on cherche ? Celle qui nous cherche ?) : Lorsqu’on lui demandait qui il était il répondait simplement: “ Je suis un état de fait”. Knut Hamsun, Mystères . Voire… Conséquences. La rigolade ayant remplacé le rire (le sport n’existait pourtant pas encore ), il n’y eut plus qu’à créer l’argent, le « rachat », la religion, la rédemption, la finance, la foi. Le miroir fut brisé et le masque refait. Et l’homme (l’humain) construisit sa prison intérieure, voire sa banque intime : il négocierait ses libertés, comme ses sentiments. Frimas oculaires. D’autres inventèrent le moi, qui n’est guère seulement l’individu. Par conséquent, il y eut de la poésie, de la peinture, de l’amour et de la beauté… tout ce qui avance à visage découvert, tout ce qui est nu. Et le regard aussi, qui est nu quand on n’a pas froid aux yeux. Et pourtant : Le regard, ce n’est pas les yeux. Nelly Kaplan, « Censure, je vous hais », propos recueillis par Jean-Marcel Bouguereau, Le Nouvel Observateur, février-2 mars 2005. Mais enfin, ce fut très onéreux : source vive, non stagnante, et qui ne reflète rien. Un courant vibre, bouge et n’est pas représentation. La tentation historique. Au désir de poser des limites (où s’arrête le masque, de quel côté du miroir choisissons-nous d’être ? Où commence le reflet ? Dans la glace, sur elle?) répond la tentation historique. La recherche du début des choses. Du moment où, après l’inexistence, soudain, les voici ! Qui fabriqua le premier miroir ? Le premier masque ? Essayons d’y voir clair. Même et surtout si : …d’inventer des histoires, ça doit rendre les écrivains un peu dingos. Albert Russo, Zapinette vidéo, 1996. Faux ! C’est faux : il plairait tant aux gens de peu que tout artiste soit fou ! Il n’y a qu’une folie : être ou vouloir être un peu trop comme les autres. Quels autres ? Encore une question ! Trop facile. Elle est de taille ! Bien sur, tout revient à l’identité que l’on ne cesse de poser en soi, et qu’il est si difficile de définir, mais trop facile à dire. Qui est celui qui dit ce qu’il est ? Aujourd’hui, il est fort question, un peu partout, « d’être soi-même », ce qui semble un corollaire à l’antique « Connais-toi toi-même », mais ce n’est pas la même chose : les distances ne sont pas les… mêmes ! Idéologie du moi. Se connaître soi-même doit mener, si l’on écoute ce qu’en disent les gens qui souvent, à « devenir » soi-même. Ce fatras ne manque guère d’intérêt : il s’agit de faits souhaités. De choses en soi. De rien. Mais on ne peut pas éviter ces riens de la vie, ces grands rien bassinants. Bref, comment dite : « je suis moi, le même » avec le je actif qui est un autre. Un autre qui ? un autre moi. Même ? Même ! Celui qui est moi ! Bref, le miroir s’impose, comme le masque, en tant que nécessité comme en tant que ressemblance ! Le tout constituant une idéologie bien organisée. Le miroir de Narcisse. A telle époque ancienne, on pouvait dire que : Le moi n’ai pas encore réfléchi son image sur le miroir de Narcisse. J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort, 1949. Voilà pourquoi Narcisse allait au bord de l’eau. A la recherche de lui-même. Du Dieu qu’on porte en soi ? Ou du reflet que nous sommes : Il n’y a que Dieu, l’homme est une illusion d’optique. Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu. Savoir qui l’on est, si l’on n’est pas l’autre, comme L’Homme Miroir de Werfel, reflet échapper qui agit à la place de l’homme reflété. Savoir qui l’on est, voyager dans le Labyrinthe de soi-même . Narcisse se contentait d’une image. Il se mire dans l’onde et s’adore à genoux Vainement…vainement... Paul Valéry, Cantate du Narcisse. Pourquoi scruter ce reflet ? L’inaccessible, c’est toujours soi. Autant s’en détacher. On ne se possède pas. Il y a ce peuple en nous qui nous construit en âme ! Non, décidément : On n’est pas seul dans sa peau. Henri Michaux, Qui je fus. Alors, aller vers l’autre c’est aussi parcourir sa propre recherche de soi. Cette recherche du soi servant de moi à ce je qu’il était, lui, ce moi, le je. Rencontre de l’autre et de l’autre en soi ? Savoureux savoir et complice Connaissance : Celui qui se connaît est seul maître de soi. Pierre de Ronsard, Discours « Institution pour l’adolescence du roi très chrétien, Charles, neuvième du nom ». Bref, Narcisse se pencha, il se vit, il s’aima. Qui peut en dire autant ? L’autre ? Non puisqu’elle va vers lui. L’autre ? La Nymphe ? Elle, au sexe disparate et complémentaire ? Elle ? Pourquoi ne la regarde t-il pas ? Elle est belle. Elle le dit : Mais souffrez que ce corps qui vaut bien quelque émoi Tente votre adorable et monotone MOI. Id. Ca et moi. Tenter le moi ? Qui ça ? Le corps. LA nymphe offre son apparence. Pour exciter le corps de Narcisse, certes. Mais surtout pour « interpeller » son moi : l’enjeu n’est pas égal. Quelque chose du paraître, de l’enveloppe équivaut-il à la partie de l’être personnelle dite moi ? Corps à corps, soit. Coeur à cœur, pourquoi pas ? Face à face ? Oui. Mais corps en émoi du moi tenté… Il y a du mou dans la bijection. Ou alors… Bon sang, mais c’est bien sûr : le moi de Narcisse ne réside qu’en son apparence ! Il n’est pas autre que ce qu’il voit. Et consent à donner à voir ! Il faut être au moins ça pour que le soi soit moi et que l’autre en émoi y accède en soi ! C’est au cours de l’histoire du moi, devenu inaltérable, que s’épanche le désir en angoisse de manque ! Le sosie du semblable. Pauvre Narcisse. Son admiration pour lui-même ne va pas jusqu’au bout. Elle ne s’attache qu’à l’apparence. Pauvre Narcisse, pourquoi ne regarde t-il pas le corps offert, peut-être paré de fleur de la nymphe au désir lui rosissant la peau… Et ses yeux à rendre jalouse toute belle marquise… Pourquoi ne la désire t-il pas ? Pourquoi ne l’aime t-il pas ? Il devrait puisque : Dans tout semblable, il y a un sosie. Georges Braque, Le Jour et la nuit. Mais c’est d’un amour plus serein, plus complet, qu’il faudrait savoir aimer pour ressembler à qui l’on aime…Cette ressemblance ne se voit pas forcément sur un miroir, ou sur l’onde d’un lac, d’une rivière. Voire d’une modeste flaque au portrait embourbé. Mélancolie d’Echo. Echo s’amouracha de Narcisse. Mais Narcisse préférait se célébrer en contemplation autoscopique. Echo se lamentait, radotant son malheur. Choquée du manque d’ardeur offerte à sa beauté, elle chignait tout le jour et peut-être la nuit. Horrifiée d’être seule, elle donnait à ses pleurs l’aridité mauvaise de réitération. Obnubilée d’amour, mais chialant tout le temps, sa vigueur pour la drague s’amenuisait encore. Invention de la cuvette. Tout en émoi de soi, Narcisse s’admirait. Puis il trembla. Peut-être faisait il froid. Las de se contempler tout trémulant, voire bleuissant, il récupéra l’onde dans le creux de ses mains pour se faire voir ailleurs, par lui-même, à moins que son reflet ne le regardât. Sait-on jamais le sens des choses qui arrivent ? Evidemment, une fois rentré chez lui, il n’en restait pas beaucoup, de l’eau. Et l’on ne s’y voyait pas si nettement que ça, il faut le dire. Alors, il inventa la cuvette. Ce fut d’abord un projet en l’air, une divagation, une rêverie. Etique Echo. Echo, pleurnichant en tristesse d’amour à peine perdue maigrissait. Elle se rongeait de l’intérieur. Elle devint squelettique un peu comme les roseaux, ajoncs sans embonpoint. Echo, de la mode friande, pensa que sa maigreur la rendait avenante. En femme pratique, elle l’augmenta au moyen d’une anorexie carabinée dont je ne vous dit que ça. Elle se trouvait belle, mais un peu seulement, car pas encore assez mince au regard de ses yeux miroitant sur l’eau claire. Narcisse eût-il été moins imbu de lui-même qu’il n’eût point regardé l’échalas éploré tout consumé d’amour pour ce grand imbécile. De la cuvette au miroir. Las de rêver, Narcisse décida de réaliser son invention. Il fit fabriquer par Héphaïstos une cuvette en acier poli. Le forgeron la rendit fort brillante. Le miroir était né. Anhydre. Déjà silencieux, sans clapotis. Narcisse apprit alors à se débarbouiller pour se voir encore plus beau. Après avoir vidé la cuvette. Jouir suppose la patience. Boulimie. Dépitée du dédain de Narcisse, Echo désespérait. Elle délaissa l’anorexie. Par conformisme, elle la remplaça résolument par une boulimie chronique symptomatique. Elle se gava de spéculoos, de frites, d’œufs au plat, de soupe au potiron, de « gâteaux-lunettes », d’oranges binchoises, de pommes biologiques garanties sans engrais ni conservateur toxique. Ce régime niais la fit engraisser. A quoi être belle quand on est délaissée ? Elle demeura ainsi, mangeant sans rien faire d’autre, pas même se laver. Le vent lui rapporta son odeur un peu forte. Sa fierté fut bafouée, elle décida d’agir. L’action seule nous grandit, puisqu’elle est pensée pure que l’on a mise au monde avec de l’énergie. C’est elle, la soeur du rêve, et si l’on sait y faire, elle lui ressemble comme deux gouttes d’eau ressemblent à leurs ombres. Voire même à leurs reflets. A bon entendeur… On sait qu’il faisait froid. Elle trempa son peton rondouillard dans la rivière. « Aglagla » ! s’écria t-elle, et le vent que frappèrent les syllabes de ce mot le lui renvoyèrent au centuple en miroir sonore. Echo n’entendit pas : Souvent, durant la nuit, avant de sombrer dans les bras de Morphée, elle contemplait Narcisse au miroir de ses songes. Elle le connaissait alors sur le bout des doigts. Ces ardeurs solitaires l’avaient rendue sourde comme un pot, une cruche, une citrouille, une cuvette, un miroir. A tel point que, n’entendant pas sa propre parole, elle la répétait en croyant s’être tue. Influence du vent sur le destin d’Echo. Une saleté de petit vent coulis souffla insidieusement tandis que, rassemblant son courage, Echo, l’encore puante, tâchait de s’immerger. De nouveau, elle prit son courage à deux mains. Pour tremper son orteil gauche dans l’eau. Ce qui créa soudain des cercles épanouis. Elle frissonna. Elle serra les dents, trempa l’autre orteil avec les mêmes effets. Elle s’arrêta là. Elle n’eut pas le cran de se baigner dans l’onde frigide, morne, triste… Echo soupira : comment faire pour se décrasser ? Gravidité du cul d’Echo. Alors, elle déroba la cuvette de Narcisse. Elle fit chauffer de l’eau au brasier dévorant de sa passion fiévreuse et s’en servit pour se laver le cul. Ca ne calma pas son désir effréné. En s’asseyant sur la cuvette, sans se rendre compte qu’elle avait fort grossi. Ce qui lui seyait, désormais, puisqu’elle venait de réagir : L’énergie nous embellit, la ferveur transfigure, l’enthousiasme illumine ; Epiphanies ! Le poids d’Echo écrabouilla la cuvette. Le miroir devint plat. Toujours silencieux : il essaya bien de crier lorsqu’Echo l’étouffa. Mais certains culs généreux nous laissent muets d’admiration. Surtout quand on ne peut plus respirer. Plus tard, on remplaça l’acier par du verre. Et l’eau coula sous les ponts sans qu’on ait à en prendre pour se mirer. Digression anecdotique. J’ai connu d’autres femmes qui aimaient s’asseoir sur un miroir. L’ennui, c’est qu’elles ne pouvaient pas se voir le popotin sans de multiples contorsions. Et qu’il fallait, pour cela, perdre contact avec le verre. Or, ça fait des choses, ce contact… Le rompre ? Adieu la sensation ! Comment pallier cet inconvénient? L’une de ces femmes, assez coquine, eut la bonne idée de demander son avis à Echo. Comme on le sait, cette foldingue aux formes rondouillardes ne peut que répéter indéfiniment la même chose. Aussi, quand on lui demanda : « Comment voir son cul tout en restant assise sur la glace ? », elle ne répondit rien, puisqu’elle n’entendait pas. On lui parla plus fort. Elle ne comprit qu’un mot sur trois. Alors, de guerre lasse, elle inventa la photocopieuse. Depuis, des millions de femmes s’en trouvent bien qui se posent sur ces machines. Non sans ferveur, il faut le dire. Ca ne brise pas forcément la glace. Mais ça part de bonnes intentions. La photocopieuse est un miroir à retardement. Comme la photographie dont elle procède. Evidemment. Imitation de Narcisse. Narcisse voulut récupérer sa cuvette aplatie. Mais Echo la trouvait bien confortable. Elle s’y mirait, riait de se trouver belle, puisqu’un peu plus ronde qu’avant : elle arrêta de suivre la mode. Par amour, elle imita Narcisse : elle apprit à s’admirer. Sans toutefois atteindre la virtuosité manifestée en cette matière par l’objet de son désir. N’empêche que Narcisse réussit à s’emparer de la cuvette. Echo, furieuse, s’approcha de lui en catimini tandis qu’il reluquait son reflet. Il chantait ses propres louanges, une cantate claironnante en bavant d’admiration. Echo n’entendit rien. Nous savons pourquoi. Dommage, il chantait bien. Echo se baissa pour n’être point vue derrière lui dans la glace. Puis elle se redressa, posa ses fines, mais fortes mains sur l’occiput de Narcisse et le poussa, comme pour lui faire boire la tasse. Révélation. Echo venait d’oublier qu’il s’agissait d’un miroir de métal, et non d’une cuvette remplie d’eau. Le visage de Narcisse, aidé en cela par certains fluides cupriques enduisant la surface du miroir se révéla. Un peu à la façon du voile de sainte Véronique. Après quoi, profitant de l’étourdissement de Narcisse, Echo se saisit de la cuvette ainsi anthropomorphe. Il semble qu’elle aussi ait voulu s’y mirer. Elle fut surprise de voir qu’un visage familier ne lui renvoyait pas son image. Narcisse, revenu de son étourdissement, furieux, voulut la frapper. Pour se protéger des coups, Echo se servit de la cuvette comme d’un bouclier. Gain de temps. Narcisse gagna du temps : il reconnut immédiatement son propre visage ! Pas besoin de présentations ! On comprend qu’il est bon d’utiliser des miroirs : qui ne l’aurait jamais fait ne se reconnaîtrait pas. Il devrait de présenter à lui même, pour peu qu’il se découvre, un beau jour reflété. Sauf s’il porte un masque. Mais là n’est pas la question : ce que contempla Narcisse ne fut pas un reflet ! La vie n’est pas si facile ! Ce serait trop commode ! Narrerais-je du simple que j’en serais déçu ! Oui : Devant le miroir de ses yeux, il découvrit sa figure à lui-même surmontant un corps de femme très avenant. Un peu rond, selon nos critères actuels, mais tout à fait gouleyant pour des gens de l’époque. On en jugera par le blason déclaré ci-dessous. Ecu du corps d’Echo. Ne parlons point des yeux de notre belle Echo, puisqu’on ne les voit pas en cette circonstance. C’est idem pour sa bouche et son nez fort mutin. Laissons-là ses cheveux qu’un miroir nous cache et descendons un peu, selon la tradition. De ses épaules découplées naissaient deux bras câlins, habiles à enlacer quelque gentil coquin. Ses mains fines et fortes connaissaient d’instinct la caresse et la griffe selon le bon vouloir de son exaltation. Mais toujours a tempo : elle a du répondant. L’autre en soi. Fort joufflue de deux seins, elle sait les onduler comme eux vagues roses à vous donner très soif. Ses tétons fort aigus semblent vouloir s’envoler. Son amant autophile les mordit pour les en empêcher. Vous parler de son ventre ? Ce serait difficile : mes deux yeux éblouis se fascinent et s’obsèdent jusqu’au point de non-retour de l’extase fervente : j’en bégaye et j’en bave. Essayons tout de même d’évoquer la douceur du voluptueux nombril, oeil unique décochant des œillades d’amour. Ses jambes solides eurent l’art de savoir s’éloigner l’une de l’autre. Sans fâcherie aucune, ce sont deux bonnes filles au caractère fort doux comme au toucher soyeux. En s’ouvrant de la sorte, elles voulaient découvrir, au regard de Narcisse, certaine fleur de peau : un crypsamen charnu, ébouriffé autant que melliflu. Cette roseur exquise rendit le beau Narcisse fou de lubricité. D’autant plus qu’il croyait se contempler lui-même. On l’a déjà dit : on est tous sosie, y a qu’a voir plus haut. Ôtons donc le bas, pense la nymphe allumée en accueil décidé de l’homme, le beau Narcisse. Qui ne cherche jamais un peu de l’autre en soi ? Fût-ce le trait d’union, cher à Grabinoulor, et qui est toute chair en tant que conjonction. Offrande ? Qui ne cherche jamais un peu de soi chez l’autre ? Emoi de Narcisse au visage imagé. Sauf que lui, c’était tout : tout lui qu’il voulait voir en cette chair dodue. Qu’il voulut vervignoler pour entrer en lui-même. En son for intérieur il s’extériorisa par quelques clameurs rauques que l’on sait inutiles. Il se jeta d’autor sur Echo-la-sourdingue. Elle laissa venir, ne demandant que ça. Futée, la mâtine eut soin de conserver l’image devant sa face. Je veux dire : la cuvette. Ou plutôt le miroir. Non : le portrait. Ou quasiment le masque… Coïre avec Echo. Narcisse, sans façons, la renversa sur le gazon –il y en avait déjà en ces temps reculés- et entreprit le fameux jeu de la bête à deux dos, cuidant se délecter de son propre corps. Et ne faire qu’un seul lui-même sur la femme vautré, fallacieux ego en fausse guise d’alter . D’un air pénétré il s’investit illusoirement, attentif à la joie génésique qu’il ne croyait qu’à lui. Echo manifesta un plaisir pas trop calme, en poussant de grands cris qu’elle n’entendait guère, Narcisse les crut siens et, même, s’en délecta. Illusion ! Comédie ! Masque : Quiconque s’autonique se retrouve baisé. Ubiquités Le masque était né. Il ne restait plus qu’à le perfectionner. A le désigner pour éviter toute confusion. Ce qui fut fait, au fil des âges par de fameux fabricants de visages. Vrai ou faux, le masque n’est pas rare. Le miroir persista. Il se répandit. Il se trouve partout. A tel point qu’il passe parfois inaperçu. Jumeau du masque ? C’est à voir… Conclusion. Les mystères du monde se dévoilent peu à peu dès qu’on sait y penser avec sens et raison. On ne saurait se voir vraiment que dans un regard autre. Fût-il le sien propre reflété ou masqué. Le miroir et le masque nous l’enseignent deux à deux. Ce qui sera ma conclusion, ainsi que l’ explicit de ce petit essai. Fin Montmorillon, novembre 2003- Maubeuge, août 2005.
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