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orlando de rudder
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28 janvier 2006

Le miroir et le masque 9.

Le miroir d’une ombre. La caverne. Le miroir n’est pas le seul à refléter ou à réfléchir. Enormément de surfaces sont aptes à porter ombre. L’ombre a son histoire depuis au moins la fameuse caverne de Platon. Ainsi, qui dans une caverne tournerait le dos à l’entrée et verrait s’agiter des ombres sur la paroi du fonds croirait qu’il s’agit du monde, du réel. C’est déjà une sorte de cinématographe. Ou plutôt, de théâtre d’ombres. Passé de mode en Europe, ce spectacle vit en Amérique latine. On l’appelait jadis « ombres chinoises » car la tradition du théâtre d’ombre est diverse, internationale. Que ce spectacle puisse encore exister à l’époque de la télévision, du cinéma peut paraître étrange. Le théâtre lui-même, avec ses conventions semble archaïque à certains. Ombres et reflets. Or ce sont justement ces conventions qui font le charme et l’intérêt de ces représentations. Le réalisme, tromperie constante, n’y a pas cours. L’ombre est à nu, ne masque que la lumière, s’y creuse et s’y installe en reflet sans détails. Elle et pourtant de l’homme même et l’aventure de Peter Schlemil, qui perdit son ombre peut encore faire peur. En vendant son ombre à Thomas John, avatar du démon, il croit pourvoir jouir de sa richesse. Mais on se détourne de lui du fait qu’il n’a plus d’ombre. Pleine lumière. En fait, il demeure en pleine lumière, vulnérable et gênant pour ceux qui conservent disons… leur « par d’ombre ». Et, pendant ce temps, son valet qui l’escroque fait plus ou moins fortune sur son dos. L’ombre représente peut-être, par son absence quelque « démon de » la pureté » dévoyée par l’idée d’absolue transparence qui, aujourd’hui, gâche les vies autant qu’il abêtit. Un jour, un « vendeur d’ombre » fera peut-être fortune. Un psychanalyste, par exemple, qui enfouira le latent et le refoulé au plus profond de l’inconscient au lieu de les en exhumer ! Serait-ce enfin un confort « moderne » ? Théâtre d’ombres. La Merveilleuse histoire de Peter Schlemil n’est pas seulement un roman fantastique, mais déjà quelque chose d’un apprentissage dans doute spirituel, un Bildungroman détourné, avec toute une symbolique contradictoire. Il serait judicieux d’en voir une adaptation pour théâtre d’ombres. Que serait l’ombre d’une ombre en image spectaculaire ? Le miroir d’une ombre. Ce que nous sommes, peut-être, ou encore son reflet : L’homme est le miroir d’une ombre. Pindare, 8e. Pythique. Ce miroir complète l’ombre puisqu’il présente des détails que seule la lumière nous permet de voir. Elle sculpte l’ombre et le reflet montre ses reliefs. Le miroir masque la noirceur et la platitude de l’ombre en l’inondant de couleurs et de volumes. Peter Schlemil, orphelin de son ombre, a pour correspondant le vampire, être sans reflet. Ou encore le héros de Jean-Claude Silbermann angoissé par la perte de son image réfléchie dans sa psyché : Il se jeta dans la rue à la recherche d’une seule flaque d’eau qui voulût bien lui rendre son reflet. Jean-Claude Silbermann, « L’Eponge » Le Jour me nuit, 1999. Les Mémoires d’une ombre. Quel reflet, quelle psyché, quel homme à l’ombre de lui-même. Dans Les Mémoires d’une ombre, Marcel Béalu réinspecte ces données : Poésie, miroir d’encre. Non, remise en question de la poésie, tranquillement, sous l’égide d'Aloisyus Bertrand, le plein de doubles, le plein d’ombres en réserves pour… vivre. Est-ce donc l’ombre qui écrit ses Mémoires ou bien quelque reflet de cette ombre, nègre de la noirceur, sous une dictée impérieuse? Nous revoici dans ce « je » hypothétique, romanesque ou poétique qui se situe à l’ombre de lui-même… Silhouettes. Comme le miroir, l’homme est mobile. L’ombre et le reflet ne peuvent s’arracher de leurs supports. Ce qui agaça Monsieur de Silhouette, il y a déjà quatre siècles. Etienne de Silhouette (1709-1767) était contrôleur général des finances. Voilà qui ne plaît guère! Etienne de Silhouette. Etienne de Silhouette, connaissait la valeur des représentations. Existe-t-il un rapport entre sa douce manie et l’argent manipulé ? Ou percevait-il les intrigues nombreuses qui se jouaient durant son époque, complots dans l’ombre, agiotages, spéculation. Il prit l’habitude, tout d’abord, d’entourer d’un trait l’ombre de ses proches projetée sur un mur. Il en fixait ainsi le contour, créant une ombre vide. Puis il se servit de papier découpé pour reproduire ces ombres que l’on appela de son nom, silhouettes. Aujourd’hui ce mot désigne ce qui se profile, la forme générale de quelque chose ou de quelqu’un. La silhouette en papier découpé, qui peut devenir objet théâtral se doit de forcer certains traits, comme le masque pour que l’on puisse distinguer les personnages, en anglais characters, ce qui en dit long sur l’adéquation du masque et de son porteur dans l’illusion scénique : les deux jouent. Et s’embrasent en brûlant les planches. Et le théâtre d’ombre nous ramène à la caverne de Platon : nous voyons, au spectacle, des silhouettes représenter le monde, des ombres qui sont les miroirs des hommes et qui racontent les aléas de la vie, de l’amour de la mort : chi va tutti va quanti. Capturer une ombre, un reflet, une image n’est pas une chose que l’on doit prendre à la légère. Et l’on sait combien, dans le monde islamique, certains se méfient des photographes. Et du réalisme tant vanté par certains régimes ! Qu'on en juge par cette petite merveille: Si un écrivain reflète fidèlement la réalité dans ses œuvres, alors c’est essentiellement un réaliste et sa méthode est le réalisme. S’il s’agit d’un écrivain qui soutient le programme du régime soviétique, cela veut dire que c’est un écrivain révolutionnaire et que sa méthode est révolutionnaire. Si cet écrivain s’efforce de participer à la construction du socialisme, de créer une littérature socialiste, alors sa méthode sera socialiste. Voila pourquoi, camarades, la méthode qui devrait tous nous guider, il faudrait l’appeler réalisme révolutionnaire socialiste. Koulik Literatournaïa gazeta, cité par Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, 1999. Véritable reflet. A chacun son réel, à chacun son miroir. Encore faut-il savoir si, à l’intérieur d’un système donné, ce qu’on voit dans le miroir est réel. En tant que reflet. En tant que reflet d’une chose réelle, comme en tant que véritable reflet de n’importe quoi : une chose fausse, illusoire, etc. Bien joué. En 1636, Corneille donna le Cid, Mélitte, Clitandre et L’illusion Comique. Si Mélitte et Clitandre représentent une certaine idée du baroque, avec meurtres sur scène et autres friponneries non « classiques » ou aubignaciennes, l’Illusion comique mélange les genres, nous fait voir plusieurs pièces en une et joue l’ambiguïté. Clindor a quitté sa maison. Son père le fait chercher. Un magicien lui montre ce que fait son fils au loin, grâce à un miroir magique. Et le père désespéré voit son fils commettre des actes curieux ou coupables, puis mourir. Et le dénouement nous montre que Clindor est en réalité devenu comédien et que sa mort est purement scénique… Bien joué ! Morphée à l’ombre de Narcisse. Le miroir a montré le réel. Mais il ne fut pas intelligible. Qui ça ? Le réel. L’apparence se joue de ce qu’on croit prendre sur le fait. Et Morphée s’organise à l’ombre de Narcisse : comédiens ? Illusionnisme. Le problème d’une telle pièce est qu’elle pose l’idée d’un théâtre sans conventions. D’un théâtre au réalisme tel qu’on ne le distingue pas de la réalité. Or, on ne peut confondre le spectacle et le réel, même s’il y a ressemblance. L’adhésion du spectateur ne se construit pas à partir d’un illusionnisme. Mais par le fait même que ce qu’on voit n’est ni le réel ni son reflet objectif dans un miroir. Par la représentation. Par la distance qui permet de mieux voir : recul nécessaire et constant. Le masque de la mort. Flibuste. Le masque de la mort n’est pas seulement d’os mis à nu, comme sur le pavillon pirate nommé Jolly Roger par l’ancienne flibuste. Quiconque le voyait voyait sa propre image, son futur masque comme dans un miroir prémonitoire : le pavillon noir annonçait le pillage, les supplices, la mort. Masque du destin, porte-malheur… Le masque de mort peut se décliner en moulage d’une face défunte. Oui, le masque mortuaire, de cire ou de plâtre se plaque sur le visage de celui ou de celle qui ne ternit plus un miroir de son souffle. Il s’y applique. Il représente. Mais quoi ? La mort ? Non pas : ces gens ont souvent l’air de dormir paisiblement… Le masque de la mort. Avant la mise au tombeau, on ôtera le masque qui, d’abord mou, aura durci. Ce sera un masque intérieur, un masque en creux, une matrice. La surface intérieure nie l’extérieur sans le dépasser. Vilém Flusser, Les Gestes, 1999. Dans le cas du masque mortuaire, du moulage en général, cette surface intérieure est la condition de l’autre. Elle permettra de redonner l’illusion de la vie en remplissant son vide, en créant le relief, en l’extériorisant. D’un côté à l’autre comme pour le miroir, du relief au creux, le masque est affaire de limites. De frontières. Celles de l’en deçà et de l’au-delà : …mais une observation plus attentive du geste de tourner les masques peut découvrir derrière ce geste un autre geste qui s’ébauche : le geste de donner du sens. Vilém Flusser, Les Gestes, 1999. Tête de mort. Le masque mortuaire représente celui qui, non seulement n’embuera plus la surface d’un miroir, pas plus qu’il ne s’y mirera, mais aussi les prémices d’une mise à nu osseuse. Tête de mort, face de masque ! A Dieu vat à la vie opportune ! Face aux yeux caves, substrat de la chair, l’ensemble facial des os crâniens ne nous en apprend guère sur l’identité de ce reliquat. Pour le non spécialiste, un crâne ressemble à un crâne, et sans joliesse excessive. Et même que ça fait peur. Vanité, contemplation du destin… Contempler des ossements, c’est se regarder dans un miroir. Villiers de l’Isle-Adam, Axel. En dessous. Mais alors, à quoi servent ces visages, gains de temps de la reconnaissance ou stigmates d’une sale gueule ? Ou encore, sièges de la ressemblance et de l’identité ? Gain de temps ? Ce n’est pas suffisant. Etre soi c’est se démasquer devant la mort. Obligatoirement : La mort m’attend quelque part Si mon temps n’est que mensonge J’en veux la meilleure part Suis-je pas le lieu, le centre De mon être souverain. Liliane Wouters, « Ego », L’Aloès. Saint Barthélemy. Se démasquer demande une précision vitale, Réagir à la conquête de soi : prendre son temps, meilleure part si possible, et les autres, s’il y en a. Devenir. Régner sur soi-même, comme Ronsard voulait que Charles IX le fît. Ce fut un beau ratage. La saint Barthélemy démasque les mystiques : ce n’étaient que de vulgaires brutes aux paroles d’évangile, masqués par Jésus-Christ et tuant leurs semblables… Tabassons le réel lorsqu’il est incomplet ! Revenons à l’entreprise du temps qui passe en nous : Prendre son temps, sa vie ? Miroir, les montres et les cadrans solaires ? Reflets de style, exactitude…S’insurger contre la représentation, rechercher l’authentique, masqué par nos propres masques ? Il faut que le temps m’ensemence. Philippe Jaccottet, « J’ai de la peine à renoncer aux images ».. Renoncer aux images : travail forcé. Pénible. La culture, le savoir ; la Connaissance : Semences du temps. Qui fleurira ? Qui fructifiera ? Renoncer aux images, briser les idoles… Dérouillons les images ! Dérouillons les images ! Les gogos nous le bichonnent, on les taquine et même les embrasserait-on, si l’on n’avait pas peur du ridicule mortel. Comme on l’aime, le réel supposé des inadvertants. On le violente, on le dorlote : c’est tout à tour et de l’alternatif, de l’un, de l’autre et du garanti brut. Le réel supposé qu’on nous masque pour voir, en l’exhibant, factice, à la télévision qui se voudrait psyché, faisant croire qu’on y voie sans encombre dans le monde qui nous suffit à celui qui est ombre, à tout ceux qui sont nombres ! Qui ne sont que nombres ! A vif. Mettez vos cœurs à vif. Ca vous fera très mal ! Démasquez vos entrailles : vous ressemblent-elles ? Faut-il les cuire au micro-ondes ou dans un four à force de bon gré, mal gré Actualité ? Blé en herbe, ensemencement gâché ; rien ! Ce qu’on croit voir est vu. Ce qu’on sait voir est out : Une image sans texte est inutile. Tardi, « Tardi et Vautrin, « La Commune en commun » Synopsis, n° 16, Novembre/décembre 2001. Démasquer, c’est penser ! En effet : Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Alain, Propos sur la religion. Un cœur à vif dénie son enveloppe : au centre des choses se trouve le vide. Le miroir au centre du labyrinthe. Détruire, c’est aussi penser… briser la glace ? Oripeaux. Rien n’y fait, cependant : les images résistent, imago mundi. Et spectacle du monde. Il faut se dépouiller d’oripeaux maléfiques : masque des religion, du travail, de l’info. Jouir de la connaissance et savoir qu’on nous hait. Qu’on nous hait dès qu’on dit le vrai : votre réel ? De la blague, plein de carabistouilles. L’information, exacte en cache une masquée plus exacte encore. Mais incorrecte. Apolitique : crue, féroce, avec du temps. De la durée mortelle au masque de torture. Politique, puisqu’on ne sait pas savoir autrement : on s’informe, on s’en fout. Politique, si tout le monde se piquait d’exigence (serait-ce la démocratie). Pesticide. L’information est notre pesticide. De ce fait on nous le vaporise infiniment masqué. Sinon, le rien qui vaque et fait ce que l’on croit s’étoufferait avec ce produit vénéneux. Et l’on croit y découvrir le reflet de la vie, l’ombre de la vérité. Alors, les masques… Danger imminent ! Les masques ?… Indices d’altérité feinte. Parfois universelle, comme celui de la mort. Un masque qu’on voit au Mexique, par exemple, mais un peu partout. L’image du pavillon pirate en pleine gueule ! Le signe du danger imminent ! Car le crâne stylisé est l’icône du péril). Et puis, oui, notre visage de dessous. L’"en-dessous" de nos faces. L’au-delà aussi, en deçà de l’image. Subversion du sens. A-t-on la connaissance de l’en-soi du sujet, si le masque exige l’altérité malgré tout, même si c’est de la blague, en carnaval gras et qui sent la friture ? Et le sucre rougi des pommes d’amour. Donc, on en remet une couche. ! De quoi ? De masque. Du même ! On recouvre son visage de l’image de ce qui se trouve derrière lui, en dessous. Et ça fait rigoler les copains, striduler les trouillards parce que c’est la fête… Un masque de mise à nu ! Chacun sa nuit. Il existe aussi des oripeaux vulgaires, des plastiques moulés en forme de tronc féminin, avec d’énormes seins, un bide à rigoler. Il s’agit, cette fois d’une mascarade ventrale et pectorale. On rajoute. Rigolade assurée, quand la bière coule à flots parmi les flonflons des radieuses ducasses ! Mais ce ventre ne représente que ce qu’il y a, grotesquement déformé, sous les vêtements, sous les dessous : chemisier, soutien-gorge. Il ne montre ni côtes, ni clavicules, ni soutien gorge : il ne singe que la couche supérieure. Superficielle ? Ce qui n’est pas le cas du masque tête de mort. Il existe néanmoins des combinaisons noires sur lesquelles on dessine un squelette. Fluorescent. Ce que les vrais os ne sont guère. Chacun sa mort, chacun sa nuit. Yorick n’est pas brillant, dirait Tristram Shandy. Sterne ou Shakespeare : l’être intime ou le dévoilement ? Crâne… Masque intérieur qui est au chef ce que pourraient être les « chaussettes du dedans » de Walter Benjamin . Il s’agit de voir sous la surface des choses. Des êtres, qui le sont parce qu’ils pensent être et se posent la question de n’être pas ou plus : Cogito ego, sum ego. Ergo… ego ? La question du moi ne se fait pas attendre ! Ventre. Le masque ventral obscène et thoracique ci-dessus mentionné n’est pas neuf. S’il fait rigoler les imbéciles, les groins, les mufles et les beaufs, il vient aussi à son heure, au moment où l’on se muscle méthodiquement pour aplanir son abdomen, chemin de séduction. Mais transformer à ce point ce qu’on est d’apparence évoque tout aussi bien un résultat d’amaigrissement obtenu par liposuccion. Ou encore une poitrine féminine style megavixens obtenue par la chirurgie esthétique. On enlève, on ajoute, on implante, on greffe, on développe, on change et tel qu’en soi-même quelque chose demeure de l’être initial. Apparemment ? Le « nouveau musclé » ou celle qui en a « gros sur le cœur » grâce aux silicones (interdits, puis autorisés, puis interdits, puis…) sont-ils les mêmes à l’intérieur ? Leur apparence n’est-elle pas une sorte de miroir déformant les changeant comme par diffraction, tandis qu’ils sont gros, gras, adipeux à l’intérieur, comme ces obèses qui se sentent « toujours maigres » dans leurs têtes ou ces vieux qui se croient encore jeunes ? Ils sont. Ils existent. Ventre cuit. A l’intérieur ? Tout peut arriver ! A en croire des « légendes urbaines », des rumeurs tenaces et mensongères, il serait advenu qu’une employée de fast-food ait mal au ventre. A l’extérieur, rien de changé. Rien de nouveau. Mais voilà : elle était, disait-on, cuite à l’intérieur. Un médecin aurait découvert qu’à force d’être exposée aux micro-ondes d’un four à réchauffer les hamburgers, Elle serait devenue ainsi, tripes en boîte à peau d’andouille. Les fours de ce type n’étant pas toujours étanches. Miroir d’entrailles, utérus cuit, matrice du monde où se forment nos petits frères et sœurs humains, nos fils, nos filles, ceux qui nous ressemblent et sont, encore et toujours d’après la Genèse, « à l’image de Dieu ». Fritures d’âmes. D’autres rumeurs parlent de cerveaux cuits, toujours au micro-onde et de la même façon, ce qui transformerait intellectuellement leurs porteurs en …légumes. Les consommer nous rendrait-il végétariens ? Incarnation de la tripaille ! Emboîtement dans l’occiput d’un abat appertisé ! Les muscles, eux, ne cuisent pas, selon ces rumeurs ! Le cerveau cuit ? Le crâne ? Est-ce la punition de Narcisse ? La victime se mirait-elle dans la brillance de la porte vitrée ? Un lac, un four, toujours Narcisse : onde pour ondes. Les entrailles ? Le cerveau ? Morts aux gros, mort aux intellos. Et vive la démocratie. Celle que nous vivons et qu’allégorise ces cuissons à ondes fort ténues, toutes petites, mais qui font d’étranges vagues ! A quand la friture d’âme ? Le mica du Mirus. Entrailles cuites, ou cerveau…Cette vitre décorée du four à micro-ondes me rappelle le mica, miroir feuilleté, translucide des poêles à bois ou à charbon d’autrefois. La marque la plus célèbre était : Mirus. Il y a là toute une série de mots à revoir qui se mirent les uns les autres. Ce mica fait partie de la vaste famille de mirari, le verbe « viser », au moyen d’une ligne de mire, « regarder », y compris « être voyant », comme un poète, vator, ou un prophète qu’on appelait parfois « mire », le tout, à l’origine de nos miroirs comme des mireurs d’œufs, des miracles… Mirari, c’est aussi le fait d’être surpris, comme Margueritte qui rit en se mirant, en s’ad-mirant, parce qu’elle est belle. Ou, du moins, son reflet ! En soi. Le stade du miroir nous fait prendre conscience de notre image. D’un peu de soi. De soi-même. Qu’en pensait Basil Sidney ? Et si, un beau jour, on ne se reconnaissait pas dans le miroir ? Encore faudrait-il s’y connaître. En miroir ? Non : en soi. Noir. Un miroir noir serait le masque originel, la suie masquant le visage de guerriers antiques ou de minstrels blancs imitant les musiciens noirs aux tout débuts de l’histoire du jazz. On y voit l’émergence d’un étymon ; *maska signifiant « noir », radical préroman ayant donné mascara, tout autant que mascotte, tandis que le masque évoquant cette ombre se voyait assimilé aux démons, aux sorciers, à la magie. Aux flammes de l’enfer… Fer. Le masque se fabrique souvent à chaud : résines à élévation de température, carton bouilli et même le Masque de fer, s’il y en eût un. Cette fois, pas de micro-ondes : du feu, comme celui qui aveugla provisoirement Michel Strogoff. On a marqué du criminel au fer rouge, sur le front, sur le visage, pour qu’ils fussent partout reconnus, démasqués… Combustion. On a aussi brûlé le corps des ennemis. Ainsi, à Rome, il exista un busta gallica , lieu où furent incinérés les Gaulois adverses. Malheur à qui se trouve egena sepulchri busta , sans sépulture… Bustum signifiant « lieu où l’on brûle les morts ». « Représentation au vrai ». Mais on peut vouloir conserver les traits d’un défunt. Ainsi embaumait-on les cadavre en Egypte avant de les placer en sarcophage (littéralement : « mange mort)… Au XVe.s., on montrait les rois défunts embaumés sur un lit d’apparat. Mais l’embaumement ne suffisait pas toujours. Aussi remplaça t-on souvent le cadavre une effigie dite « représentation au vrai », pour que la foule puisse défiler et se recueillir, prier pour le monarque défunt. « Vitaliser ». Aujourd’hui, on « vitalise » les morts, on les maquille, on remodèle le visage… Comme pour l’embaumement, la « représentation vraie, il faut qu’une ressemblance avec le mort soit évidente, plus vraie, peut-être que lorsqu’il vivait ! Moins abîmé, sans doute, par la vie, serein en éternel repos. C’est du travail. Peut-être moins que de faire exécuter un buste du défunt. Buste. Un buste ? Oui, la représentation de celui qui fut mis au cimetière, puisque le mot bustum ne signifia plus seulement lieu où l’on brûle les morts, mais tout simplement « sépulture » ou, comme on dit plaisamment « champ de navets », là où ne sont pas seulement enterrés les acteurs, que d’ailleurs on ne pouvait enterrer en terre chrétienne, ce qui est une autre histoire… Bustum s’est éloigné du feu originel, de la com-bustion. IL ne s’est plus agi de brûler un cadavre, mais de le représenter. En bronze, par exemple, art du feu, en le fondant, après l’avoir ardé, enflammé, incendié, crémé… ou en marbre, à froid. Mots. Mais qu’est-ce qu’un buste, ou plus généralement un portrait ? Un miroir ou un masque ? La représentation de ce qui n’est plus, comme un rétroviseur, ou la conservation d’une réalité abolie ? Au Carnaval de Binche, on brûle les bosses des Gilles. Mais les masques ? Y a-t-il des bustes à chefs de crâne, à « tête-de-mort », expression qui définirait aussi bien la représentation de la face d’un défunt comme s’il était vivant. Ce qui est le cas général du buste, de la statue qui représente rarement un vivant. « Tête-de-mort » ! Quels mots pour quels miroirs, pour quels masques ! Cinq sens. En résumé, le masque tête de mort représente une certaine inversion du sens dessus dessous en miroir acceptable un jour de Carnaval, fête de bonne chère et de chair cuite. Masques est saucisses : Ceci procède de la charcuterie et de l’incarnation. Voire de la danse macabre. Sauf que la mort abolit les cinq sens. L’odeur des frites, la vue des masques, le toucher poisseux des pommes d’amour, la gluance étudiée des mayonnaises en pot et les flonflons pour sourdingue : Les Ibos disent : Saluons les sourds car si le ciel n’entend pas, la terre entendra . Vraie icône. Masque du Christ ? Telle image dont on parle : celle qui s’imprima sur le voile de Sainte Véronique. Vera icona, la « vraie image », ainsi se nommait la patronne des photographes. Or il est du propre de l’image de n’être pas l’objet dont elle est, justement, l’image. Le Christ allait mourir et ce masque mortuaire précéda celui de la tête de mort, non-masque, objet réel qu’on nomme aussi Golgotha, puisque c’est ainsi qu’on appelle le mont des crânes. Il mourut là. Le suaire et l’ossuaire. Que dévoile un faux voile portant trace ou reflet d’une vraie image fût-elle reconstituée ? Voyons le suaire de Turin. Voici un faux. Ancien mais faux. Mais on ne sait pas comment on falsifia, au Moyen Age, l’image antique du Sauveur que sainte Véronique recueillit en son temps, mais sans traces aujourd’hui. Voilà ; Ecce. Suaire, enveloppe de ce qui se décharnera, sac d’os… Enjeu de catacombe, destination tombeau. Flash. On dit que le corps qui fut enveloppé dans le suaire de Turin s’imprima sous l’effet d’une forte lumière. Qu’il propose l’apparence d’un négatif. Un flash en serait-il la cause? Ainsi verrions-nous une parenté avec Véronique, reporter malgré elle, fixant la lumière et le juste bafoué en cliché de tissu. Carton bouilli ? Image de la mort…Même si quelqu’un incarne le réincarné à Obergammergau, ou durant d’autres jeux de la Passion, personne n’oserait porter un masque représentant le Christ. En plastique ? En carton bouilli ? Fi ! Souffle. Mais tous les masques anthropomorphes représentent des créatures que Dieu, paraît-il fit à son image : En miroir contemplons Sganarelle en commedia dell’Arte, en masque et bergamasque et de quoi sommes nous, nous autres, images de nous-mêmes, les déguisements fantasques luttant à toute vie en souffle récurrent contre la mort qui traque et démasque le vif ? Intermède : Dialogue de part et d’autre. Y a-t-il quelque chose de central ? John Ashberry, Autoportrait dans un miroir convexe. L’ombre n’aima pas du tout ça. Quoi ? Ca ! Alors, elle beugle. Normal : Ombre : Baisse les yeux, enveloppe à lumière, tu ressembles à du fer dès lors que tu es vide, moi, sans chose, je n’existe pas, j’ose être sans objet. Et je n’ai pas de reflet, de semblable à toi, qui n’existe pas plus que moi ! Reflet : Je ressemble à la mer, toutes les robes sont miennes… Ombre : Quelqu’un qui sera soi devra se placer là devant… s’il bouge je serai là. Reflet : Tu fais peur à midi, toute chose est injuste et le diable vomit de la noirceur pareille à ta silhouette : tu n’es que ça ! Ombre : Je fais peur à midi ! On ne m’attrape pas ! Et je ris de me trouver belle, sans nul besoin de toi Tu peux narguer, je me gausse ! Arrive le Miroir. C’est d’être ce qu’on est, peut-être, qu’on n’aime pas. Objets animés, les hommes le sont. Ce serait leur sujétion. Mais ça n’intéresse pas le Miroir. Le reflet se sent mal à l’aise : il a peur d’être capturé par le miroir. Mais ce dernier ne semble pas avoir faim. Il veut parler. On ne parle pas la glace pleine. Alors, il ne se préoccupe pas du reflet : Miroir : Je cherche un interlocuteur. Je suis seul, je n’ai pas faim : j’ai mangé une marquise… L’Ombre et le Reflet n’ont pas du tout envie de parler avec le miroir. On les comprend. Tiens ! Voici le Masque ! Il tombe à pic ! Il est grognon. Il regarde le miroir par les trous de ses yeux, et même s’il fait la gueule, il rit. Enfin, peut-être… Masque : Ma nature est concrète, je suis une chose vraie, je n’ai qu’un seul visage et je me fous de toi ! Miroir : Serais-tu dérision ? Je peux t’envisager. Tu ne me séduis pas. Tu ne me fais pas rire. Masque : Ta gueule ! Je respire par derrière. Miroir : Souffle au cul, plutôt pet ! Le silence s’installe. Pas pour longtemps car une oreille affinée entendrait, dans un instant, à la fin de ces lignes murmurer deux compères d’immatérialité commune, sinon semblables. Enfin, s’ils sont pareils, ce n’est pas en apparence. : Reflet : ils m’agacent. Ombre : Ils nous possèdent… Reflet : Nous ne sommes pas sas eux. Ombre : Où est donc le visage ? Reflet : On ne peut pas le voir ! Ombre : Pourquoi ? Reflet : il est derrière le masque, pauvre conne ! Ombre : Evidemment… Je n’y avais pas pensé ! Reflet : Andouille ! Ils se taisent. Ca vaut mieux. Masque : Je vois à travers moi. Miroir : Tu n’es pas même toi. Masque : Rôle, tu le deviens parfois… Miroir : En quelque instant je crois que tu me ternira : ta sale face s’approchant voudra se mirer, et le souffle aviné de ce carnaval posera sur moi une seule fétidité. Tu as bu, tu m’embueras. Tu devras m’essuyer pour te voir: Masque : Ce n’est pas moi, c’est lui ! Miroir : Qui ? Masque : Celui qui est derrière moi ? Le visage ! Notre raison de vivre ce que nous vivons… Ce qui nous donne vie… Miroir : Un dieu ? Moi, je ne suis pas comme toi, on m’affronte face à face. Entre quatre yeux. Les tiens sont vides. Vainement, vainement, tu existes. Masque : Je ne suis qu’un accueil. Toi, tu renvoies les gens, comme si tu les chassais, leur crachant leurs visages en pleine gueule ! Le masque est rigolo, je ne l’avais pas dit. Mais il fait la gueule en-dedans. Dénué de visage, il se sent infirme ; sans âmes ou quelque chose comme ça. Evidemment, c’est ennuyeux. Pendant qu’il fait la gueule, le miroir triomphe. Tandis que l’ombre reprend, un peu plus fort, parce qu’elle n’a pas peur. On ne sait pas pourquoi. Ni de quoi elle aurait eu peur. Peut-être d’elle-même. Ombre : Je pais sur l’herbe sans me nourrir Reflet : Homme ou rien, c’est tout noir… Ombre : Pas rien, toujours quelque chose ou quelqu’un… Reflet : Moi aussi. Et je peux te refléter… une reflet n’a pas d’ombre. Ombre : Ma pureté se passe de ton aide mesquine tu es trouble parfois, indécis, tremblant lorsque sur l’onde agitée… Reflet : Pas sur un miroir. Ombre : Mais sur la mer ? On ne rince pas l’onde, pas plus qu’on ne l’essuie Reflet : Je me moire… Ombre : Heureux ? Reflet : Ca va. Ombre : Menteur ! L’autre nuit, j’étais tranquille, c’était tout noir. Sans lune et sans étoile. J’aime les nuit profondes. Autrement, j’ai l’impression que des milliards de shérifs le surveillent. C’est la peur du gendarme. De fait, je suis très sage. Ténèbres ne sont pas ombre. Alors je n’ai rien vu. C’est ainsi. Laissons donc s’exprimer ceux qui en savent plus. Moi, j’ai très bien dormi. Des rêves ? Je ne m’en souviens guère. Ce n’est pas comme des amours mortes, parce que ça, ça reste… Mais enfin, on s’y fait. Le chagrin, c’est l’habitude, quand on se pique d’aimer d’une façon idiote. Il y en a d’autres, paraît-il. Bref, j’ai passé une très bonne nuit. Je porte la barbe, désormais. J’en n’ai rien à foutre d’un miroir pour me raser… Alors, pendant que j’ai le dos tourné, il dit ceci : Miroir : Grotesque avidité, sarcophage, tu manges les visages, tu les digère mal, on te déchausse, et c’est la purge. Ta déjection est l’homme, ce qui peut faire face. Masque : Ta projection est tout. A moins qu’on ne te casse… Miroir : Je multiplie alors l’occasion de se voir. Et toi-même si tu veux… Masque : Quel est ton beau côté, celui du labyrinthe. Miroir : JE suis le labyrinthe si, moi, je me regarde ! Je multiplie l’espace en triangle assemblé, j’en vois de toutes couleurs en kaléidoscope. Des vertes et des pas mûres, des chemins d’abondance, des symétries hargneuses auxquelles on ne peut rien, à moins de les secouer, mais ça se ressemble vite. Masque : On ne me donne pas des brisures… Des brisures, voyez-vous ça ! Sept ans de malheur ! Ca inquiète, non ? Alors, puisque c’est comme ça, laissons tomber le miroir. On peut rompre la glace. On peut tomber le masque. Mais j’aimerais plutôt revoir Madame Claire, qui est si jolie, et que j’ai tant aimée, jadis…On n’oublie pas, disais-je. Je ne sais pas pourquoi…Ce qui n’empêche pas le reflet de parler, enfin, pas trop fort, à cause du miroir : Reflet : Une ombre, ô mère noire fait naître au côté de l’ombré ce qui n’est pas trop lui, ça s’éloigne et s’allonge…. Ombre : IL faut se déplacer pour me démesurer. Reflet : Si nous parlions plus bas. Ecoutons les objets, tous deux n’en sommes pas ! Ombre : Mais nous ne parlons pas ! Reflet : C’est vrai, c’est impossible ! Ombre : Pas plus qu’on ne pleure. Reflet : Crois-tu que c’est dommage ? Ombre : Nous sommes partout… Ombre : La nuit n’est que moi. Reflet : Non, ce sont les ténèbres aux leçons fatidiques. Ombre : Je n’ai pas de mémoire toi non plus, et pourtant… Nous faisons comme si, c’est bien notre habitude. Reflet : Des femmes chantent devant moi Ombre : On s’en fout, des femmes… Reflet : On nous peint. Où est passé le visage ? Peut-être aurait-il des réponses. En plus, il peut parler, lui. Les autres, là, Ombre, Reflet, Miroir, Masque ? On ne fait que les entendre. Ils n’articulent rien. Continuons notre écoute … Miroir : Tu bois le vin d’un autre, celui de son gosier, que tu caches à loisir… Masque : J’intrigue en bal masqué, en carnaval galant. Ni vu ni connu, la belle marquise… Miroir : Encore elle ! Masque : La belle marquise retrouvera son tel… Miroir : Untel ? Masque : Un homme. Miroir : Une femme ? Masque : C’est selon. Miroir : Pour quoi faire ? Masque : L’amour en catimini. Miroir : L’amour masqué ? Masque : L’amour sorcier. Miroir : La ronde ? Masque : Chacun sa chacune ou voici l’heure de tout… Miroir : Allez, nous n’irons plus au bois… tombe le masque, masque, tu regrette de ne pas être la chair elle-même, celle que tu recouvres. Masque : On voit les yeux des femmes par mes pertuis idoines. Miroir : Imbécile, les femmes je les vois même rires, dévoilées, voire nues… Parfois nue, sauf moi, en orgie galopante, incognito salace et autres galipettes ! Miroir : Mais avant de te vois par derrière, avant de ne plus te voir, avant, de voir à travers toi, que crois-tu qu’elle fassent tes marquises, tes Merteuils ? Elles se mirent en moi pour se trouver belles. Elles s’arrangent les yeux qu’elles ombrent à la coquine… Même pour se cacher, elles se fardent longuement. Avant de te chausser… Tu n’es qu’une godasse à trogne, un soulier recélant quelque mignon peton, un brodequin contraignant et serrant deux joues… Rien qui vaille ! Masque : Tu n’es qu’un menteur vrai. Miroir : J’avoue, je te l’accorde. Tout se qui représente n’est que faussement art s’il n’y pas quelque écart donnant une vérité bien plus vraie que mon vrai. A moins qu’on veuille passer de l’autre côté. Tu n’as pas de la symétrie dans un tel espace. Masque : Il est feint. Miroir : Il est faux, mais réel, obligatoirement présent, inévitablement… si tu étais un rêve, et si, moi, je rêvais, tu te placeras sur moi comme sur n’importe quelle face, et tu me voilerais ? Arrive le Visage. Lui, il ne dira rien. Pourtant, il a une bouche. L’ombre et le reflet se sentent moins seuls. Moins inexistants. Plus probables. Alors, ils hurlent, joyeusement : Ombre et reflet, ensemble : Ils ont le dernier mot, ceux qui n’existent pas ! Bisquerage ! Ceux qu’on est nous, pas vous, et que tralala, merde ! Nous qu’on n’est pas des objets, pas non plus des idées ni des ab-str-a- cti-ons ! Nous qu’on est là, pourtant ! Même qu'on ne nous saisit pas. (à suivre)
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