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orlando de rudder
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12 janvier 2006

Poupée de Marc Hortemel 3 e livraison

MOINS UN Une année s’était écoulée sur Terre. Mario venait de terminer son repas et s’ennuyait ferme à table, les yeux fixés dans les yeux secs de Drucilla. La maisonnette qu’il habitait près d’une casse automobile lui semblait de plus en plus petite et le vacarme des épaves écrabouillées chaque jour par les mécanos n’était plus qu’un bruit lointain, un bourdonnement morose. Il songeait aux beaux jours, aux soirées en tête à tête avec Drucilla dans la chaleur du feu à pétrole, aux ballades dans les prés au printemps, aux nuits torrides. Ah que la vie était belle ! Mais tout s’était envolé. Restait le quotidien absurde et pesant. Et par dessus-tout sa belle n’avait plus l’attrait de la nouveauté, le charme était rompu, il n’aimait plus, il ne l’aimait plus. Il avait toujours eu -et pour cause- l’habitude de faire les questions et les réponses avec elle (ça l’arrangeait de ne pas avoir à subir l’éternel bavardage des femmes, de ne pas avoir à se fatiguer avec les éternels rapports de force, quoiqu’il ne se souvenait pas d’ailleurs avoir jamais eu de vraie femme...) mais cette fois, le mutisme de Drucilla lui fit péter les plombs. Il envoya valser son assiette et se mit à jouer du lancer de couteau. Drucilla reçu le missile en plein coeur. D’un pas bondissant Mario fonça sur sa belle, se saisit du couteau et s’acharna, comme pris d’une fureur assassine. Il passa tout le jour et toute la nuit suivante près du corps dans un état d’hébétude profonde. Lorsqu’il refit surface, ses muscles étaient endoloris et sa bouche avait un goût de sang séché. Il décida d’une veillée mortuaire et installa Drucilla au milieu de la pièce principale de la bicoque dans un cercueil de métal qui ressemblait fortement à un coffre de Peugeot 504 blanc. Il enterra sa défunte dans la plus stricte intimité dans le fond du jardinet, pleurant et jurant qu’on ne l’y reprendrait plus. Il était temps pour lui se disait-il de plier bagage et d’aller voir ailleurs s’il y était. Parce qu’au bout du compte il n’avait pas oublié Alain Congel, son pote de toujours. * Il attendait sur le quai, une cigarette au bec, l’arrivée du T.G.V. Assis à côté de lui un autre voyageur fredonnait un air, un air qui plaisait bien à Mario. - Dites, s’cusez-moi, c’est quoi ce que vous chantez ? - Du Clapton. - Drôlement chouette ! Et c’est quoi le titre ? - Lonely Stranger... la chanson dit je suis un étranger solitaire, je dois être invisible etc... - M’ci... Le train avait du retard. Mario en alluma une autre et se mit à fredonner... Il lui revint en mémoire un drôle d’anniversaire, il fêtait ses treize ans. Il était assis tout heureux à côté de sa belle-mère, d’un cousin et d’une cousine lorsque son père arriva avec le gâteau couvert de bougies. Tous en coeur ils chantèrent Joyeux anniversaire... Le père posa le gâteau. Mario gonfla les poumons et souffla. Applaudissements. Grands sourires. “Allez, maintenant on distribue les cadeaux” dit le père sur un ton jovial et associant le geste à la parole il balança une sévère mandale au fils. Ouais c’était un drôle d’anniversaire... comme cette étrange aventure dans un bois où d’autres gamins s’étaient amusés à le ligoter à un arbre... Bizarre ces souvenirs qui lui passaient maintenant dans la tête. Il n’arrivait pas à en saisir la signification profonde. Mario avait toujours rêvé de visiter la côte d’Azur et c’est avec un soulagement qu’il vit le train arriver. Direction Nice. Le voyage fut morne et la compagnie des autres passagers indifférente. À la descente du train, il fonca vers la sortie de la gare : soleil, palmiers, chaleur (nous étions en juin), traffic, touristes, badauds et bruits de klaxon, asphalte luisante. Quel changement de décor ! Mario prit le bus. Il voulait sans perdre de temps voir cette fameuse promenade des Anglais et la mer qui la borde. Il ne fut pas déçu. C’était beau, il y avait des hôtels luxueux, de grosses bagnoles, et la mer si calme et ce bleu du ciel si intense lui faisaient l’effet d’un paradis. Il marcha et remonta toute la promenade jusqu’à la terrasse d’un troquet près du port. Après avoir descendu trois Pastis il se mit en quête d’un hôtel pas cher. Il s’arrêta devant le Modern Hôtel, un endroit tout juste fréquentable avec ses fauteuils défoncés et ses peintures décrépies. On lui demanda s’il comptait prendre ses repas sur place, mais vu la tronche du taulier et vu la couleur des vitres il s’était dit qu’il valait mieux renoncer et ne pas mourir empoisonné dans la fleur de l’âge... Après avoir défait sa petite valise et s’être rafraîchi la nuque il descendit flâner en ville. Il déambula dans le vieux Nice, fit une halte pour savourer un pan bagna, regarda longuement les jets d’eau de la place Garibaldi puis remonta l’avenue Jean Médecin pour ne s’arrêter qu’à la terrasse d’un café près de l’avenue Gambetta. Tout en avalant à petites gorgées sa Kronenbourg, il songeait à son pote Alain, et devisait sur les moyens de retrouver sa trace. Fallait-il passer un coup de téléphone à la fermette ? Ils n’avaient pas le téléphone, c’est vrai... Passer une annonce ? Trop compliqué... Internet ? C’était quoi ça déjà ? Décidément, il regrettait d’être parti bille en tête... Plusieurs jours passèrent, Mario avait déjà visité plusieurs quartiers de la ville, et le troquet près du port où il s’était arrêté boire un verre le jour de son arrivée était devenu son point de chute. Il fit même connaissance avec d’autres habitués. C’était le soir, le soleil avait fini de cogner dur et une douce moiteur s’était installée. Les quelques putes remarquèrent Mario assis à la terrasse, comme envahi d’une sombre langueur. L’une d’elle, de corpulence moyenne, les cheveux teints en roux vif, de larges traits noirs sous les yeux, toute habillée de cuir, la quarantaine bien sonnée, vit en Mario un client potentiel. - Je pourrais m’asseoir à vot’ table ? - Hein ? - Je peux m’asseoir ? - Ah ouais si vous voulez... - Je m’appelle Catherine, mes amis m’appellent Cat. Vous avez l’air bien seul on dirait, je me trompe ? - Ben... ouais... j’suis à la recherche d’un copain. - Quel genre de copain ? - Un grand copain. - Je vois... Vous me payez un verre ? - Pourquoi pas. - C’est quoi ton p’tit nom ? - Mario Plastoc. - Plastoc ? Z’êtes parent avec Plastic Bertrand ? - Qui c’est celui-là ? - Laissez tomber... Dites en attendant, vous avez pas envie de passer un p’tit moment avec moi, j’suis pas chère... - Ben ça m’est jamais arrivé... - Oh n’aie pas peur chéri, ça va aller. Dis-moi, t’as pas peur des femmes au moins ? - Non... C’est que j’ai perdu quelqu’un... j’ai du mal à oublier... - Je comprends ça, moi aussi j’en ai vu des vertes et des pas mûres... Le bon remède tu vois, c’est de laisser passer un peu de temps, de plus y penser et après ça va mieux. Mario et Cat discutèrent encore une bonne demi-heure, histoire de faire connaissance, histoire de passer le temps, histoire que Mario se sente à l’aise, lui qui avait pourtant baisé une pute de poupée ! Ils se levèrent et remontèrent jusqu’à l’hôtel de Cat, le Sirius Hôtel, à deux pas de là. L’endroit ne changeait guère de l’hôtel de Mario, c’était peut-être même pire... ils prirent une douche et s’allongèrent sur le lit recouvert d’un simple drap d’une blancheur irréprochable. - Cat... - Ouais... - Ça t’dérange pas si je t’appelle Drucilla ? - Euh, ben non si ça t’arrange... - Super ! - Dis donc t’es long à la détente mais on dirait que ça va mieux ! - Ouais ! Mario était requinqué. Il ne comprenait pas très bien ce qui se passait mais il avait la TRIQUE ! Cat-Drucilla commença par lui faire une bonne pipe goulue puis elle roula sur le côté et Mario la prit par derrière et la tringla comme un fou. - Ah Drucilla ! ah que c’est bon ! ouarrrrrrouaaaaah ! ohhhh la bougresse ! - Vas-y chéri, BOURRE-MOI ! - OUARRRGGEGGEARRRRGGEURRRARRREUARRRGGEUZOUIIIIIIIIIII! Ils ruisselaient de sueur. Un coup de bol pareil c’était pas permis ! Cat s’étonnait d’elle même : elle avait du métier et pourtant cela faisait bien une heure qu’ils baisaient et ça signifiait moins de clients et moins de pognon. Bizarre.... Les deux corps jouirent enfin de concert dans une ultime convulsion suivie de trémolos extatiques... Ils s’endormirent comme deux amants le jour de leurs noces. Le lendemain matin la gêne avait cédé la place à la fougue vespérale : que fallait-il faire ? D’autant plus qu’une légère secousse sismique de magnitude 3 sur l’échelle de Richter -dont l’épicentre était situé à la frontière palestino-israélienne- les fit profondément réfléchir à la fragilité des rapports humains... Ils allumèrent la télévision. Entre les dernières infos sur le tremblement de terre et les publicités toutes plus débiles les unes que les autres, était intercalé le lancement d’une émission qui avait pour but la recherche de personnes disparues. Ce fut l’illumination pour Mario qui s’écria “C’EST ÇA ! C’EST ÇA QUI M’FAUT ! FAUT KEU J’PASS DANS C’TÉMISSION ! CAT ! REGARDE ! VITE ! PRENDS LE NUMÉRO DE TÉLÉPHONE ! UN CRAYON UN CRAYON !” Mais je connais cette émission, jubila Cat. Ah bon ? Mé c’est super renchéri Mario. Faut que j’passe absolument là-dedans, faut que j’passe dans SALEMENT PERDU DE VUE ! Énorme coup de bol, concours de circonstances, calcul précis et quelque peu cynique des producteurs de l’émission, hasard littéraire, on ne sait pas, mais Mario fut RETENU pour la prochaine émission qui devait avoir lieu une semaine plus tard en proche banlieue parisienne. Pour l’occasion, Mario s’acheta un costard et une chemisette rose bonbon chez Carrefour et se fit faire une coupe de cheveux années 80. Comme qui dirait un sérieux relookage... Il s’était même laissé tenté par une nouvelle paire de chaussures noires et une nouvelle montre imitation Rolex directement tombés du camion selon Cat et le type qui les lui avait vendus à vil prix dans une rue tranquille du quartier Ariane de Nice. On pouvait encore faire des affaires dans le coin, le marché parallèle avait de l’avenir... Les jours qui le séparaient du jour J rapetissaient lentement, comme pris dans la chaleur du climat. Mais Mario se sentait revivre. Il allait sûrement avoir des nouvelles de son pote Alain. * C’est dans un état d’instense fébrilité que Mario entra dans le studio. Il fut très impressionné par toute la machinerie que requiert une émission de télé. Des gens qui grouillent dans tous les coins, stressés mais cool en même temps, c’était dingue. Mario n’aurait jamais pu imaginer un tel bazar, autant de trucs cachés, même sur les côtés des hauts-parleurs de l’écran de télé... Enfin l’émission débuta. Dès que le générique -sobre et presque funèbre- fut achevé, le présentateur, un certain Jacques Praline, prit un ton doucereux et posa ses yeux de chien battu sur Mario Plastoc qui se retrouva illico sous les feux de la rampe. - Bonjour, aujourd’hui est un jour un peu spécial puisque nous diffusons cette émission en direct pour la première fois... Nous espérons ainsi pourvoir aider plus rapidement nos invités... Nous recevons ici Monsieur Mario Plastoc, à la recherche d’un ami d’enfance, un Monsieur Alain Congel, que vous n’avez pas revu depuis 2 ans et que vous aimeriez revoir c’est bien ça Monsieur Plastoc ? - Ben ben ouais... tout ça à cause d’une femme... on s’était comment qu’on dit on s’est fâché... - Oui nous vous comprenons, et depuis votre vie est un cauchemar... - Faut pas exagérer. - Oui je vois, je voulais dire que vous étiez très affecté... A quoi ressemblait-il votre ami ? - Ben, un grand guars à la gueule -euh- la tronche un peu cassée, voyez genre légionnaire, mais avec des cheveux longs. On habitait dans une ferme près de Paris. - Oui... et que portait-il le jour où vous l’avez vu pour la dernière et malheureuse fois ? - Ben ça fait bien, sniff, sniff, un an et demi que j’lai pas r’vu m’souviens plus très bien. J’crois qu’il avait une salopette grise... sniff... - Nous comprenons votre émotion... bien... le standard est ouvert... si télespectateur peut nous aider à retrouver Alain, il sera à jamais remercié... Une vingtaine de minutes plus tard... - Bien, nous revenons à Monsieur Plastoc... vous allez mieux Monsieur Plastoc ? - Euh ouais merci... - Parce que nous avons un appel dans le val de Marne, c’est bien ça nous dit le standard ? Oui... une personne du val de Marne ? oui allô j’écoute, bonsoir c’est Monsieur Praline... - Ouais salut, bon comme j’connaissais bien le coin et k’j’ai habité un moment près de chez M’sieur Plastac euh Plastoc, j’vois bien Msieur Congel, j’lai vu y’a un an à peu près au bar tabac du coin en train d’peloter les nichons de mannie la mouche... AH LA PUTE ! SALOPE ! MARIO T’ES UN BATARD ! ALAIN S’EST TIRÉ AVEC UNE SALOPE ! MÉ CÉ MOI LE PLUS GRAND BAISEUR ! J’SUIS LE MAGICIEN D’OZ ! J’VÉ... EN RAISON D’UN PROBLÈME TECHNIQUE, NOUS SOMMES INCAPABLES DE DIFFUSER CORRECTEMENT CETTE ÉMISSION, VEUILLEZ NOUS EXCUSEZ. Two minutes later3 ... - Bien veuillez encore nous excuser pour cette malencontreuse dispute, mais ce sont les aléas du direct... Monsieur Plastoc il semble que votre ami n’a pas toujours été très estimé dans le quartier... - Mais BORDEL DE MERDE QUI C’EST CE FILS DE PUTE QUI VIENT ME FAIRE CHIER ? - Non, calmez-vous Monsieur Plastoc, c’est un incident de parcours... - Un inci-quoi ? - Nous comprenons votre émotion... - Mais PUTAIN DE MERDE je vous dis que c’est un encu... EN RAISON D’UN GROS PROBLÈME TEKNIC, NOUS SOMMES INCOMPÉTENTS DE DIFFUSER L’ÉMISSION, ON S’EXCUSE. Dix minutes plus tard ...
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