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orlando de rudder
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3 octobre 2005

souvenirs d'écriture 2

Souvenirs: Instruments de l’écriture (1). Je tressaille en songeant aux paisibles soirées Sous les regards du maître aux devoirs consacrées Quand devant le pupitre ensilence inclinés Nous n’entendions parfois de ce calme étonnés Que, d’instant en instant quelques pages froissées Ou l’insensible bruit des plumes empressées. P. Lebrun, Le Bonheur de l’Etude La rêverie plume à la main ensorcèle. Au fond de la classe, le cancre déforme les lettres, se « distrait », pense à autre chose, s’étire et rentre en soi. Les pattes de mouches, le gribouillage s’éternise jusqu’à la sonnerie… Le désir d’écrire n’a pas eu besoin, pour moi, de devenir volonté. Il procède de ces griffonnages, certes, mais il vient de bien avant.De la toute petite enfance. A l’époque, mon père écrivait. Journaliste, il rédigeait à la main, avec une plume alésée par ses soins, traçant ses articles d’une écriture énergique, presque calligraphiée, quoique rapide. Cette énergie ressemblait à celle de sa peinture, de ses dessins. Hélas, il renonça à une carrière de peintre, lui qu’on disait fort talentueux. Ancien de l’Ecole Boulle, des Arts Décoratifs, il avait appris le dessin et, sans doute la forme de ses lettres s’en ressentait-elle. Bien avant l’ordinateur, et comme beaucoup d’écrivains, de journalistes, il pratiquait le « coupé-collé » au sens propre, avec des ciseaux, ôtant un passage peu satisfaisant, pour le remplacer par un autre sans avoir à tut recopier, éliminant un paragraphe et rapprochant ensuite les lèvres de la plaie, de la future cicatrice de cette opération. Moi, à côté de lui, j’écrivais sur un cahier… J’écrivais ? Pourtant, je n’avais pas encore appris. Je « griffonnais », je « gribouillais », traçant les lignes de mes « articles », heureux de me trouver à côté de mon père, heureux de faire comme lui, d’imiter ses gestes. Sans le savoir, je pratiquais la « contre-écriture », celles de Saul Sternberg, de Roland Barthes, de Klee… Comme tant et tant d’enfants, cela me pénétrait d’importance. Je m’en gonflais d’orgueil et me réjouissais de faire comme papa. L’autre modèle, grand mère, germaine Tailleferre, écrivait aussi. D’autres signes sur d’autres feuilles. Elle composait sa musique sur ds mains de papiers implacablement rayées. Des lutins bizarres parcouraient ces feuilles, portant en eux la mémoire du son. Bombes à retardement, elles pouvait éclater à tout instant avec la véhémence brutale d’un orchestre symhonique ou la gravité tendre d’un quatuor à cordes. Mon père lisait souvent ses articles à haute voix pour en juger l’effet. Germaine jouait au piano ce qu’elle venait de composer par écrit… Le silence du papier me fut toujours miroir du son. De ces faits, écrire, au sens de composer, de rédiger, de raconter une histoire ou depenser sur une feuille blanche m’ra toujours paru inséparable du geste tel qu’il fut, tel qu’il est et sera : La mémoire de Sargon, Scribe d’il y a vingt-cinq siècle, comme un sang d’autrefois roucoulant dans nos veines : mouvement lourd d’implicite, silence à huler. Mémoire au mutiçsme éloquent. Au fil des leçons d’histoire, j’ai réinventé l’écriture. C’est un jeu fréquent, beaucoup de gamins s’y sont essayés. Avec la cire du fromage de Hollande chauffée, coulée dans le tiroir d’une boîte d’allumette, je me suis fabriqué une tablette de cire. Ce qui amusa fort mon, professeur. Il parla de « travaux pratique d’histoire » avec contentement. Ce brave pédagogue ne s’état pas rendu compte que nous les pratiquions depuis longtemps en nous foutant sur la gueule durant toutes les récréations : l’histoire, suite de guerres se représentait dans la cour. Plus tard j’ai utilisé plumes d’oie et calame : mon père encouragea mon obsession graphique. Souvenirs : Les instruments de l’écriture.J’ai commencé, à écrire comme tous ceux de ma génération, avec la plume sergent-major. C’est un objet magique, un objet d’art, car susceptible de métamorphoses comme de sabotages. Avant de revenir à l’écriture, commençons par l’attitude résolument barbare du détournement de ses outils. L’étape de la farce, de la mise à distance des objets me semble hautement constructive et préparatoire. Initiatique ? La farce, en tant que révolte, procède de la mélancolie, dès qu’elle ne demeure pas seulement le résultat de l’ennui. Elle peut être le fait de bons élèves autant que de cancres inspirés. Elle peut se situer en même temps que l’écriture et que son apprentissage : Oui, les farces d’écolier sont innombrables. Celles qui touchent au matériel d’écriture indiquent à la fois la lassitude des apprentis scripteurs, et leur familiarité avec l’instrument de leur supplice. On peut, par exemple, tremper une plume dans l’huile. après avoir essuyé le surplus, elle ne ne retiendra plus l’encre. Une variante existait déjà au XIXe.s. : Elle consistait à verser quelques gouttes d’huile sur l’éponge mouillée pour décrasser les plumes. L’acier se trouvant ainsi enduit de liquide gras ne prenait plus l’encre.Guy de Maupassant, Contes et nouvelles, 1884. Et de rire en voyant notre victime ne parvenant pas à tracer la moindre lettre sur son cahier à réglure Siéyès ! Une autre farce consiste à frotter du savon de Marseille sur une feuille de papier. On n’y pourra plus écrire. Notons que ce procédé peut servir à escroquer l’administration : en savonnant ainsi à sec un timbre poste, on empêche la fixation de l’encre de son oblitération. Le destinataire d’une lettre, peut ainsi récupérer le timbre, s’en servir de nouveau. Il y aurait eu ainsi des timbres quasi-éternels… Et des correspondances gratuites, quoique interdites entre lycéens et lycéennes… La plume Sergent-Major, associée à la studieuse calligraphie des apprentis scripteurs a plus d’un tour dans son sac. Bien sûr, elle permet de tracer la belle anglaise d’école, cursive délicate aux pleins bien contrastés. Parfois,maniée trop énergiquement, elle égratigne l’alpha blanc, papier scolaire bleui ou grisé par la réglure Sieyès, marqué verticalement par la marge imperturbablement rouge, comme le sera la note, parfois rageuse, de l’instituteur. Ou alors, la maladresse de l’élève produit-elle un pâté que le buvard boira difficilement. Ce n’est pas tout. L’ingéniosité d’un écolier de jadis, jointe à une étonnante intuition balistique eut pour résultat une utilisation déviée de la plume. Déviée, mais ludique. Et interdite, évidemment… Il faut d’abord casser l’une des deux parties du bec de la plume. Ensuite, il faut en fendre la gouttière, la jointure lui permettant de se fixer au porte-plume, dans la rainure d’une porte, par écrasement dosé. Après quoi, on formera un carré de papier. Le côté en sera de quatre carreaux Siéyès. On pliera ce carré deux fois en diagonale.On insérera la pointe du triangle obtenu dans la fente de la gouttière avant de déployer cet empennage qui assurera un bon équilibre. Ainsi, nous obtiendrons une petite fléchette fort bien équilibrée. Il n’y a plus qu’à tracer une cible sur le mur de la classe, et à engager une compétition. Elle sera certainement interrompu par un enseignant en colère. Il s’ensuivra des heures de colle. Mais n’est-ce pas durant ces mornes heures que l’imagination des élèves, stimulée par l’ennui, découvre des trésors d’ingéniosité, comme, justement, cette fléchette parfaitement équilibrée ?
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