27 décembre 2007
Le Pardon
Le pardon est comme une prière adressée à soi-même, au « dieu qu’on porte en soi ». Avec, quand on l’éprouve, une sensation de vertige. Résilier la rancœur trouble le corps et l’esprit pour mieux les renforcer. Don parfait : le pardon peut brutaliser nos idées simples et plan plan, le confort de la détestation, le sentiment du tort subit. Il est énergique. On voit que c’est un acte, puis un état d’esprit graves. Nécessaires autant qu’austères, autant que porteurs d’allégresse.
Le pardon n’est ni l’oubli ni la pitié. Il est le signe de vos retrouvailles avec vous-même, de la restauration de votre amour-propre brisé. Il est puissance et gloire. Il faut savoir se reconnaître au sein même de ses propres affects :
La surnaturalité du pardon consiste en ceci que mon opinion au sujet du fautif n’a précisément pas changé :mais sur ce fond immuable, c’est tout l’éclairage de mes relations avec le coupable qui se trouve modifié, c’est toute l’orientation de nos rapports qui se trouve inversée, renversées, bouleversée.
Vladimir Jankélévitch, Le Pardon, 1967.
Surnaturalité… Le pardon nous mène au-delà de l’humain. Pour les croyants, il est un rapport à Dieu. Dans certaines religions, il fait partie des devoirs. Fort surprenant est le cas de Tenzin Tcheudrak, le médecin du Dalaï-Lama. Il passa 21 ans dans les prisons chinoises et y fut torturé. Il pardonna à ses tortionnaires. Pour cela, il « chercha à comprendre leur comportement ». Cet homme hors du commun alla même jusqu’à soigner et guérir un de ses bourreaux malade… Sans aller jusque là, et puisque certains peuvent y aller, nous pouvons, et devons, à notre mesure, pardonner.
Cependant, le pardon n’est pas seulement un rapport à l’autre, coupable ou non, mais aussi un rapport à soi-même. Qui ne sait pardonner, ne peut connaître la paix intérieure. Le bonheur ne lui sera jamais acquis. En ce sens, le pardon, acte « gratuit » peut paradoxalement montrer un aspect égoïste, même si la recherche du bonheur ne l’est pas. Etre heureux, pour soi comme pour les autres, c’est, tout d’abord, vaincre l’écueil du ressentiment, du désir de vengeance…
Ne pas pardonner, c’est reconnaître la victoire absolue de celui qui nous a nui. Comme la vengeance, qui nous ronge avant et après l’acte vengeur, le refus du pardon peut avoir de désastreuses conséquences. Et ceci, quel que soit le degré de gravité du tort subi :
On n’en finirait pas de citer des exemples de maladies psychosomatiques liées à des pardons refusés(…) il demeure (…) impossible que la fermeture de l’âme induite par le refus de pardon n’affecte pas l’organisme.(…) Le non au pardon est source de tristesse.
Pascal Ide, Est-il possible de pardonner ?,1994.
Ce refus peut mener au désespoir, à la haine. Il amoindrit les capacités de raisonnement, perturbe l’intelligence, en conduisant à des ressassements haineux. Il peut « pourrir » la vie quotidienne sans que nous nous en apercevions : un état constant de tristesse, de dépression de mélancolie en est l’une des conséquences, avec les effets somatiques que de tels troubles induisent : insomnies, angoisses, sans qu’on ait forcément conscience des raisons de ces malaises, maladies cutanées, troubles digestifs etc. Dans les cas les plus graves, les ratiocinations haineuses peuvent engendrer une confusion mentale, des troubles psychologiques graves.
Bref, ne pas pardonner peut, dans certains cas, produire les mêmes effets que d’être la victime de scènes de ménage réitérées !
Mais attention : le pardon est un exercice. Un effort. Une quête. Il n’est pas facile et requiert parfois une aide. Un psy, un « coach » peut y aider. Mais c’est vous seul qui ferez le travail. Pardonner demande aussi cette solitude intérieure, cet espace en soi qui, seule, permet d’exister réellement. Même chez l’incroyant, c’est un acte mystique pétri de « surnaturalité ».
On voit que, si le pardon est un acte généreux, il procède d’une générosité bien ordonnée. Quel que soit l’offense, la douleur subie, celui qui recherche l’équilibre doit absolument accéder à une disposition affective, philosophique, morale, permettant le pardon. Ce dernier produit aussi une joie intense. Une « illumination ». Une Epiphanie.. Il faut sans doute « y être passé » pour le comprendre…
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