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orlando de rudder
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22 mai 2007

Andersen est épatant!

Voici un beau texte d'Erwin andersen que je publie sans commentaires!

LA NORME JUBILATOIRE

Décret portant mesures d'application de la loi sur le bonheur obligatoire. Publication au Journal Officiel du Pays sans Chiens.

Pour ma femme, mon amie, ma complice ? Un fondement essentiel de ma pensée est la « norme jubilatoire ». Cela étant dit, je me trouve aussitôt tenu de préciser que c?est ici de ma pensée de poète qu?il s?agit et ce n?est pas innocent. La fonction de la pensée poétique, dès qu?elle apparut, dans la plus haute antiquité, fut, notamment, d?organiser et « mettre en musique » le ballet des divinités, de conseiller sagement les maîtres avisés qui y recourraient, d?éloigner les ténèbres sans pour autant exposer aux coups de soleil. C?est à quoi j?aimerais qu?elle retourne et c?est parce que malheureusement elle s?en éloigne que la remarque est d?importance. C?est pour ça que je crois nécessaire de vous préciser comment je vois les choses et comment je fonctionne?. La « norme jubilatoire » règle le souci permanent de ne prendre, le plus souvent et posément possible, pour repères pérennes fiables, soient-ils moraux , éthiques, philosophiques, politiques ou autres que ce qui n' exige ni efforts, ni sacrifices, ni renoncements, ni soumission, ni abandon, ni auto mutilation tout en participant harmonieusement au grand concert du renouvellement infini de la vie dont l' homme est partie, mais partie seulement, fondamentale bien sûr, mais pas davantage que la fourmi, que le saule, que le tungstène, etc ... Nos règles de vie, selon cette norme (qui ne risque guère d'être publiée au journal officiel), doivent être souples et intimement adaptées à la volatilité de notre existence éphémère pour la faire resplendir jusqu' à fascination. Chaque vie doit devenir, par son éclat, une invitation réitérée à l'éternité. Avant de vouloir le bonheur des autres, nous aurons soin de prendre notre pied et, surtout, nous le garderons. Car il est grand temps, non seulement de rompre avec la morale du ressentiment et de la culpabilisation que nous tenons du judéo-christianisme, mais aussi de peaufiner et diffuser nos valeurs païennes aussi paillardes puissent-elles paraître. Nous pourrons alors, et une fois pour toutes, aimer, vivre et mourir comme il est bon de le faire : follement, sans retenue, à pleine bouche, à pleins poumons ! J'aimerais que l'on enseigne à l'homme le "souci raisonnable de soi" (la raison n'étant en l'occurrence qu'un "grand bon sens incarné" dicté par l'enivrant breuvage de nos "sens" et de "nos chairs") avant le "souci fallacieux, souvent misérabiliste ou hypocrite de l'autre". J'apprécierais davantage encore et dans le même esprit, que soient organisées, en forme de pieds de nez, de fréquentes saturnales afin de restaurer peu à peu le sens de la fête qui s'est disloqué chez nous au fil de siècles d'acculturation monothéiste et que l'on y rie symboliquement, avec des claquements de mains cadencés, du petit prophète galiléen à l'esprit étroit qui déclara "nous sommes tous frères". Nous ne sommes pas frères. Nous sommes le même corps ... et il ne peut être souffreteux. Là est l'amour, ce que je sens être l'amour. Il faut que cette injonction à l'homme "sois heureux" devienne sa seule litanie et, une fois pour toutes, que les chants désespérés cessent d'être les plus beaux. 15 Il faut définitivement s'imprégner de ceci : lorsqu'un comportement entraîne de la souffrance c'est qu'il peut être suspecté d'hostilité à la vie. Il faut y réfléchir et le proscrire s?il récidive. Saint-Exupéry a écrit "on va toujours vers où l'on incline". Et c?est vrai? Le Christianisme nous a toujours intimé l'ordre de fuir ce vers quoi l'on va, ce vers quoi l'on incline. Moi j'ai choisi et je conseillerais aux "autres" de m?imiter : ne faites jamais l?économie de vivre et vous, travailleurs obstinés, ne « perdez pas votre vie à la gagner ». La seule leçon que l'on puisse donner, sans se poser trop de questions, sans réflexion stérilisante et inhibitrice est celle-là car si « penser » n?est certes pas une pathologie, trop penser est nécrogène. Il faut "prendre et créer du bonheur", un bonheur simple, situé aux antipodes de la boulimie consommatrice, le bonheur du guépard paresseusement allongé sur une branche d?arbre dans une nature intacte, le bonheur du pêcheur à la ligne, et le faire voir, le manifester, en concevoir une légitime fierté et souhaiter qu'il provoque chez l'autre le désir d'y goûter à son tour. Il faut user du comportement mimétique de l'homme pour répandre "la joie de vivre". Il est grand temps que se vident hôpitaux, hospices et mouroirs de tout ordre dans lesquels s?accumule une humanité aigrie et rancie de n?avoir pas « vécu » lancée dans une course démente à la longévité, à l?espérance de vie que nos statisticiens mettent en exergue flatteur du « système »? Nous arriverons à la soixantaine perclus de bonheur, usés de jouissances, les yeux brûlés par la beauté de nos visions, le sexe inébranlablement dardé vers toutes les Marie-Madeleine passées et à venir... Je suis un camelot du bonheur. Camelot parce que je ne vends pas du diamant mais distribue de petites choses, minuscules (pour tenir dans mes poches et en avoir toujours) mais combien nécessaires : une main sur l'épaule de l'autre, un sourire en croisant quelqu'un dans la rue, des attitudes engageantes comme la chaleur du soleil sur la peau ou celle du coeur pour calmer nos arthroses cérébrales. Je suis un camelot et je cherche une tribu. Je danse en cercles concentriques qui me rapprochent du coeur des choses et du soleil éternel. Mon refrain est celui des quasars et des pulsars, des étoiles qui meurent ou enfantent dans les maternités neuronales de ma mémoire d'homme. Venez à la fête ! Christian Erwin Andersen Avec Werner LAMBERSY , à Paris, en mars 2004. Avec Marcel MOREAU, à Paris, en mars 2004. 16 Christian Erwin Andersen LA FONCTION POETIQUE à l?heure du retour aux valeurs païennes A Paris, mars 2004. Marcel Moreau et Nicoletta Gossen, philologue, musicologue, médiéviste et traductrice de C. E. Andersen. On peut raisonnablement penser que la première fonction de l?art poétique, dès qu?il est apparu sous sa forme orale, dans la plus haute antiquité, fut de moduler la danse innée des corps qui n?est rien d?autre que le prolongement du battement cardiaque des systèmes solaires, des galaxies, des étoiles, des acteurs et corps célestes, de toute dimension, visibles ou invisibles, qui nous composent, nous traversent, nous défont et nous recréent ensuite, à l?infini. Bien sûr, les preuves matérielles manquent à l?appui de cette affirmation. Mais pas les indices de sa pertinence. Ils sont nombreux et, de surcroît, le phénomène est universel et transculturel . Musique, danse et chant ne sont pas de simples manifestations culturelles, des produits de la création artistique. Ils ont façonné l?homme de façon déterminante et, à travers lui, toutes les civilisations. A des degrés divers, sans doute, mais en profondeur toujours et durablement. Il n?est pas, en effet, un seul événement important, triste ou gai, de la vie de l?homme dans lequel n?interviennent musique, danse et chant. Nous n?y reviendrons pas. 17 C?est donc de la poésie que l?homme brut a reçu sa première leçon de « mise en corps ». Le verbe, et avec lui l?esprit, sont nés de cette danse initiatique nécessaire à la mise sur pieds des corps et à leur lente transformation. Il fallait accorder progressivement à l?univers, cette chair première et brute de l?homme, pour qu?elle cesse de n?être que quelconque barbaque et festin pour les fauves. Ce prodige seul l?art poétique pouvait le réaliser et lorsque, par un privilège de bienheureux, il nous arrive encore de ressentir intimement les mouvements aériens de notre propre pensée, nous ne faisons ainsi qu?entendre nos tamtams internes, suivre nos métronomes biologiques et vivre les transes qu?ils suscitent dans le grand concert de la vie. L?art poétique a pris sa source dans ces turbulences, dans ces flux et reflux, ces violents brassages essentiels et ces décharges électriques colossales des premiers temps de la vie. Il est né des vibrations de l?univers, de ses puissantes contractions de parturiente, des spasmes de son ventre. Autrement dit, il est enfant de la matière en gésine constante. C?est à cet accouchement sans forceps mais cependant cataclysmique qu?il prit part. A sa faveur, sans doute, qu?il naquit et prospéra dans un prodigieux orgasmovagissement de commencement du monde. C?est à cela que l?art poétique a ?uvré sitôt que l?homme apparaissant dans sa nudité lumineuse sur la scène de l?histoire lui eut dit : chante-moi la vie et je t?aimerai. Et ils se sont aimés. Follement encore. De leurs jeux d?enfants lubriques sont nés des dieux, jeunes, joyeux et beaux. Des millions de dieux, et d?autres encore, en devenir, demandant à l?homme un peu de son souffle pour les animer et qu?ils se dressent. Nous les connaissons ces dieux débonnaires qui nous suffisaient bien ; les mêmes qui éblouissaient notre enfance et nous émerveillaient sans que jamais nous les nommions. Ceux-là même qui nous faisaient la vie douce et insouciante d?avant l?âge de raison. Nous les avons entendus souvent, qui disaient à l?homme, dans une sorte de chant d?exhortation : « Fais lever la beauté, dis-lui de marcher, qu?elle soit ton guide. Ni le soleil, ni les étoiles, ni la lune, ni la voie lactée ne le peuvent ; toi seul, Homme, connais la beauté et peux la séduire parce que tu n?ignores rien de la noirceur de ton être. Nous les dieux n?avons pas ton pouvoir parce que nés imparfaitement de toi nous ne connaissons pas notre dimension, celle même que tu nous as donnée, que tu gardes secrète et qui t?effraie parce qu?elle t?est nécessaire. Le temps des prêtres et de leurs affidés est révolu. D?autres dieux vont naître par milliers, de nouveaux géants précaires et vous vous réconcilierez au nom de cette fragilité commune. Vous vous y reconnaîtrez enfin ». L?art poétique est né de cet amour. Il s?est mis à chanter les étoiles, leur lactescence, leur lumière, la terre, l?air, l?eau, le feu, qui sont part de notre chair elle-même part du ciel. En d?autres termes il a été la voix des paroxysmes fondateurs en même temps que de la raison avant qu?elle ne devint exécrable. Le poète, quant à lui, est né de la nécessité de l?art poétique. Armé de sa seule sensibilité de vierge il a été, est devenu et s?est affirmé le grand médium des origines. Il l?a fait en favorisant les échanges entre sphères du connu et de l?inconnu ; en organisant et « mettant en musique » le ballet des dieux et divinités qui les habitaient à cette époque où profane et sacré ne faisaient qu?un, où l?on trinquait avec Odin et prenait appui sur l?épaule de Bacchus. Il convia le peuple effrayé qui tremblait dans sa nuit existentielle à ces festivités dans les halles du Walhalla ou autour des autels de pierre du Machu Pichu et conseilla les maîtres avisés qui recourraient à son éclairage. Il éloignait ainsi, peu à peu, les ténèbres sans exposer à ces coups de soleil brutaux que la science contemporaine, atomiquement parfois, nous assène aujourd?hui. L?art poétique ne pourra esquiver, sans se trahir, une bonne part de cette fonction essentielle réactivée, revisitée, actualisée par l?effondrement du christianisme et le retour aux valeurs ancestrales du paganisme. La tâche est immense. Obérée par quasi deux millénaires de servage monothéiste, la poésie est devenue d?une vacuité effarante, faiseuse de beaux mots mais rarement de sens et de bon conseil. Remuez dans vos tombes, ô grandes voix réfractaires désormais muettes : Nerval, Poe, Coleridge, Prevel, Robin, Duprey, Artaud, Giauque, et tant d?autres. 18 Le poète aujourd?hui n?est, trop souvent (et pas toujours de son plein gré) que le comptable de la surenchère verbeuse d?une usine à mots fonctionnant a flux continu : on y fabrique de tout, de nouveaux vocables incongrus, des concepts relookés, des légions d?honneur et des rosettes pour revers ? de veston ? il n?y manque que la poésie ? embarquée sur les routes du flux médiatique, gonflée par l?idéologie anthologiste, captive de contraintes économiques. La poésie, les poètes, l?art poétique, se trouvent pourtant confrontés aujourd?hui à un défi de taille : réinjecter la vie dans la coquille du verbe laissée vide par deux mille ans de monothéisme. C?est à cela que devrait ?uvrer le poète ; c?est là que la poésie est nécessaire et attendue . Mais : « Anne, ma s?ur Anne, ne vois-tu rien venir vers Sainte Anne ? » ? . C?est malheureusement parce qu?elle s?en éloigne que j?interviens ici, en parfait iconoclaste et sans scrupules, sinon celui de n?engager que moi. C?est pour cette raison que je tiens à préciser comment je vois les choses et comment je fonctionne? comment doit , à mon avis, s?exprimer le poète libertaire et païen pour ne pas se nier, pour ne pas connaître l?infamie du militantisme ? Car, pour demeurer crédible, la démarche libertaire ne peut s'inscrire entre des marges inviolables. Elle doit prendre des risques, exiger un libre parcours sur la pleine page ainsi que la latitude permanente de se déployer tous azimuts, voire même dangereusement jusqu?aux extrêmes. Son encre doit être et rester délébile. Que les choses soient nommées, soit ! Encore faut-il ne pas les figer : l?infinitude (infinité ³ ou « infinité au cube ») sera donc le guide, le garde-fou auquel nous accorderons , magnanimes, de longs repos dilatoires et le droit au plein exercice de la paresse. Voyons de quoi il s?agit. Sachant que c'est dans les silences que niche la liberté le libertaire aura soin de n?écrire sa saga qu?en y multipliant les interlignes. Il aérera son propos comme on le ferait d?un brassin à l?aube des bacchanales afin que capiteux il procure la plus grande félicité. Le flou du discours libertaire est sa seule auréole. Il sera son unique nimbe. L?approximation est sa coquetterie et sa vertu. Pour l?affirmer nous partons du principe que les bons comptes ne font pas les bons amis ; que seuls les comptes approximatifs ont cette vertu parce que, précisément, ils ne sont déjà plus des comptes et que l?amitié vraie, celle justement qui se prodigue sans compter, s?en trouve confortée. Le souci d?une authentique démarche libertaire postule le refus permanent et ferme de cerner les choses et de consacrer tel mode de pensée plutôt que tel autre, de célébrer l?illusoire triomphe du sophisme. L?essentiel n?est pas empaquetable et même l?urgence de prendre position ou de riposter à l?agression, en situation de crise ne le fera pas oublier : on ne le trouve pas dans les night-shops. La vitesse est ennemie de la liberté, elle tue et rien jamais ne justifiera, dans un univers infini, où même la vitesse de la lumière est une naine, qu?on l?érige en « moteur de progrès ». Ce que nous ne pourrons achever (et qui d?ailleurs, en y regardant bien, est proprement inachevable) d?autres l?achèveront ? ou ne l?achèveront pas : qu?importe. Le rejet définitif de tout précepte sera la norme. Il ne peut y avoir de catéchisme libertaire, de mantras anarchistes. L?enfermement dogmatique est plus lourd de conséquences que la geôle : l?alcoolémie qu?il provoque exclut la remise de peine pour « bonne conduite ». Lorsqu'elle se détache du corps, s?en évade ou fonctionne en « sur - régime » la pensée hypertrophiée est estropiante. Elle conduit à l'antichambre de la mort et le libertaire la tient pour suspecte. Il y voit l?indice de notre lente déchéance, de l?état famélique de nos sens usés. Il retient que Antonin Artaud, à juste titre, parlait des « puantes bestialisations de l?esprit » et se demande, intrigué, pourquoi « il n?y a rien de plus logique qu?un délire ». Il ne s?inquiète cependant pas de l?absence de réponse et s?offrira même, à l?occasion, le luxe d?ignorer la question : l?exercice bien compris de la liberté inclut un soupçon de paresse voire de frivolité. Il s?offre aussi cette latitude. Car le libertaire fuit comme la peste les nécropoles principielles et le sacre de toute pensée. Il sait que le champ du sacré, par son détachement du profane, est précisément le lieu négateur de toute liberté. 19 Tout au plus se hasarde-t-il à avancer des hypothèses, comme je le fais ici, avec d?autres flèches dans mon carquois, comme celles de Cupidon, par exemple. Car la pensée libertaire si elle n?était pas copulatoire, si elle ne pénétrait la matrice de l?être, si elle n?était sexuellement transmissible, si elle ne se lisait pas à jambes ouvertes et ne se proférait pas sur le mode éjaculatoire serait mort née ? chez le libertaire le sexe parle même encapuchonné : on ne le fait pas taire. La quête libertaire implique une attitude sceptique et infiniment nuancée. L'enfermement conceptuel, dogmatique, langagier ou autre serait sa négation. L'écriture, le langage, qui inscrivent et circonscrivent, peuvent, si l'on n'y prend garde devenir de parfaits garde-chiourme, les vecteurs de nouvelles églises, ligues ou fronts unanimes dans l?intolérance. Le langage que nous allons restaurer et réinventer sera le garant du pouvoir fécondant du verbe. Soyons en dignes. Il le mérite. Il nous a tout donné. Charleroi, le 16 mars 2004.

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