Des entournures chez le coiffeur...
S’il y avait des entournures chez le coiffeur des habitudes nous serions chauves à tout le moins. Aimerions-nous cette aventure ? Pour moi ce sont des souvenirs, des choses en silence si l’on veut. Mais ce n’est pas tout à fait ça, il s’en faut s’assez peu, ma foi…
Gestes en vrac : On dirait bonjour. Avec un peu de froid au crâne. Les vagues de mains se serreraient, sursauts étranges, salutations. La liberté se réfugierait dans un bel éternuement glabre. Une moutarde épaisse et dense nous monterait au nez tandis que le coiffeur cliquetterait de tout l’acier de ses ciseaux. Fer croisé !
Geste immobile, geste pensé : le coiffeur prend la pose ici pour qu’on vienne le photographier. Cadrage raté, coupant la tête et les cheveux même pas en quatre. Les entournures sont dépassées, ce sont des oiseaux migrateurs.
J’aimerais dire. Mais pas de voix. C’est l’angine ou le désarroi. Le silence s’endort parfois. Il ne ronfle jamais. Je m’assoupirai sur le fauteuil tandis qu’on rasera ma tête ! dormir, ce n’est pas soumission et moins bruyant qu’une toux sèche.
Si le coiffeur voulait parler, il aurait tant à raconter, mais motus et secrets sournois, pas d’entourloupes à déchirer. Il m’a coiffé à la Romaine. Comme la salade près du ruisseau. Essorée dans un panier de fer. Les gouttes sont tombées sur la pierre miliaire. Celle qui borne la fontaine. Et la frontière en même temps.
Immobile au fond de moi-même je bouge même chez le coiffeur et mes cheveux tranchés tout net joncheraient le sol comme les feuilles d’automne. Il y a du repos dans mon cœur, des entournures, de petits songes, c’est un endormissement mineur. Voilà cette journée qui advient.
Ainsi perd-on ce qu’on a pas, une vie d’autre avec des gestes. Et le coiffeur travaille bien. C’est un homme de bon métier. De gestes précis et certains. Des gestes qui ne sont pas à moi, faute d’entournures appropriées…