Le Poisson qui se dépêche.
(pour Amel Zmerli)
Il va bien falloir reprendre un jour le geste interrompu. Lequel ? Je ne sais plus. Mais il demeure en suspens. Comme une mémoire endormie. Il suffirait d’un rien. Participons à l’autre chose. Il faut y revenir, souvent. Parce que c’est doux ? Pas seulement ! Le Roi pêcheur se tait parfois. La coupe est pleine. On ne sait ce qui la remplit. Un « vin de vigueur » ? Le Roi boit !
Nous jubilons grâce au geste ! Boire ? Quelle fontaine ?Quelle coupe ? J’aime lire de petits bulletins aux significations rares, mais imprécises. Même s’ils sont imprimés sur des papiers trop mous. Le roi pêcheur boîte toujours. Son geste de marcher demeure incohérent. Mais il est accompli. Boire le vin généreux !
Les petits bulletins sont parfois reliés à la colle de poisson : tout se lie, tout se lit. Sur chaque page, il y a un centre, mais il bouge. On ne le savait pas ! Mais le geste le sait. Regard ! Les yeux boiteux voient comme il faut. Empan tragique et tremblotant. Lire c’est boire à contre-larmes. Jusqu’au fond de la coupe, là où il y a la lie.
Le Roi Pêcheur connaît trop les soubresauts du poisson fraîchement capturé. Faux métal, faux liquide. Le Roi pêcheur lit le papier mou. Mais il ne sourit pas. L’œil du poisson voit mal le geste. A cause du souffle manquant parce qu’il n’est plus dans l’eau. Il s’égosille à vouloir boire de l’atmosphère, ce poisson qu’on vient de plonger dans l’air libre. Son cri silencieux est un geste de moins ! Il sera victuaille. Ô mourir pour nourrir . J’aimerais chanter une chanson neuve. Hélas, il n’y en a pas. Penser est un acte. Un geste mental. Le geste, lui aussi pense. Mais en quelle langue humaine ? Que nous chante t-il là ? C’est à lui de le dire. Dépêchons-nous de vivre, c’est le geste en pagaille, mais en soi-même aussi !