26 février 2006
LA Mort de mon père
Le lendemain de la mort de mon père, j'avais un rendez-vous, pris depuis longtemps, chez mon médecin. Je lui ai parlé de mon deuil et il m'a trouvé, évidement, pas en forme du tout. Même, il m'a proposé un médicament, un anti-dépresseur ou je ne sais quoi...
Il ne faisait que son travail.Mais j'ai ressenti une sorte de douleur honteuse... Une révolte. Ainsi, nous vivons dans un monde où l'on peut ne pas souffrir, ou souffrir moins à un moment crucial, "l'invention de la solitude", selon le titre de Paul Auster. J'ai refusé le médicament...
Qu'aurais-je été, moi, le fils de Jean-Luc, si j'avais réussi à m'éloigner de lui, par un produit chimique, à m'éloigner de moi et de l'amour? Mon père: je lui devais ma tristesse.Je lui devais ma douleur. Et j'allais la vivre droit, tenir, debout, fièrement, en souvenir de lui... Je lui devais cette douleur... Elel était ma vie, la senne autant que sa mort. Et j'ai pleuré, dame! Que pouvais-je faire d'autre?
J'ai quand même bu un verre d'alcool fort -pas deux-.J'ai marché dans la ville...
Penser l'amour, penser le respect... Aujourd'hui, les gens DEMANDENT ou EXIGENT le respect...Pas plus que l'amour il ne se commande...Cé s'impose, ça s'inspire...
Mon père et ses principe "ô liberté chérie", ses longues récitation des poèmes d'Hugo... Cet athée convincu n'en connaissait pas moins le Cantique Spirituel de Racine, d'après Saint Paul.. Mon père me racontant les batailles antiques et recouvrant un fauteil en virtuose: derrière lui, des générations de tapissiers, des artisans exacts et Papa exigeait de lui même l'excellence, en bon ancien élève de l'Ecole Boulle où la main et l'esprit (mente manuque) vivent en amour...
Oui, je devais souffrir, puisqu'il venait de mourir. Je lui devait ma peine et je l'ai assumée. Que fussé-je devenu, pour moi-même, en moi-même si j'avais osé prendre une pilule qui m'aurait enlevé un peu d'humanité?
Mon père, vieil allumé, son amour en désordre, son bordel affectif, ses femmes et ses livres, ses dessins, sa cuisine et le vieux ramponneau à panne aimantée, marteau à tête fine dont usent les tapissier pour planter les semences, ces petits clous d'acier rapide et bleu... Ainsi suis-je un vieux clou! D'acier bleu. Trempé!
Et de ce dur adieu, il reste ce que je suis...
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