31 janvier 2006
Comme ça, pour voir...
J'ai relu ça. L'inacceptable . Et venant de la "réprouvée", de la "discriminée". De la "salope machiste" (sic) !!!!! De la "renégate"!!!!Qu'en pensez-vous? PAs de violence, SVP, ou alors que ce soit rigolo!!!!
La vérité sur les violences conjugales
Dans les enquêtes et discours sur les violences conjugales, le partage des
rôles sonne comme une évidence: les hommes sont coupables et les femmes sont
victimes. Un présupposé justifié par les faits, étayé par les statistiques,
quand il s'agit des violences physiques, coups, viols, meurtres. Mais, dans
la plupart des cas, incantations et travaux mélangent tous les types de
violence conjugale, celle des poings et celle des mots. C'est l'addition à
laquelle s'est livrée la seule étude sérieuse menée en France sur ce sujet,
l' «Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France»
(Enveff), rendue publique en 2001. De ses conclusions est sorti un «indice
global» de la violence conjugale: 10% des femmes s'en déclarent victimes. Ce
chiffre effrayant et la terminologie utilisée occultent le fait que les
trois quarts de ces «violences» sont des agressions psychologiques -
insultes, dénigrement ou harcèlement. Une question se posait: et les hommes,
massivement accusés à l'aune de ces agressions psychologiques, ne leur
arrive-t-il pas d'en être victimes, eux aussi? Selon l'étude réalisée par
l'institut BVA pour L'Express, hommes et femmes se déclarent à peu près
également victimes de cette guerre conjugale, qu'on doit hésiter à qualifier
de «violence», fléau trop grave pour être abandonné aux mots. Il faut s'en
tenir aux faits: c'est le sens du combat mené sur ce sujet par la philosophe
Elisabeth Badinter, dont nous publions le discours prononcé lors d'une
conférence-débat organisée, le 16 juin, à Lyon, par Amnesty International
Cette enquête est une grande première. Poser aux femmes et aux hommes les
mêmes questions sur les tensions qui peuvent exister au sein de leur couple
constitue une rupture avec le discours dominant sur les «violences
conjugales». Constater qu'hommes et femmes se plaignent à peu près également
l'un de l'autre (et, même, que les hommes subissent deux fois plus
d'insultes que les femmes) renforce le double malaise que j'ai toujours
éprouvé, d'une part à l'égard de la méthode habituellement choisie pour
parler des violences faites aux femmes et, de l'autre, à l'égard des
conclusions que l'on en tire.
D'abord, la méthode revendiquée par la plupart des institutions ou
associations est globalisante: la violence des hommes contre les femmes est,
nous dit-on, universelle. On lit, par exemple, dans la brochure d'Amnesty
International (2004): «Partout dans le monde, des femmes subissent des actes
ou des menaces de violence. C'est une épreuve partagée, au-delà des
frontières, de la fortune, de la race ou de la culture. A la maison et dans
le milieu où elles vivent, en temps de guerre comme en temps de paix, des
femmes sont battues, violées, mutilées en toute impunité.»
Une guerre à deux
C'est dit tout net, de tableau en tableau. La guerre conjugale se pratique à
deux. Sondés par l'institut BVA sur les tensions qu'ils ont pu vivre durant
les douze derniers mois de leur vie de couple, les Français de 20 à 59 ans
ont tous le sentiment d'avoir traversé au moins l'une des situations testées
dans cette étude. 44% des personnes interrogées ont essuyé, de la part de
leur conjoint, des remarques désagréables sur leur propre famille ou sur
leurs amis(es). 34% se sont sentis dévalorisés et critiqués. 30% ont été la
cible d'une jalousie questionneuse: «Où étais-tu, avec qui?» 29% ont vu
l'autre décider de dépenses importantes sans tenir compte de leur avis. Et
25% ont dû supporter de le voir «cesser de parler, refuser totalement de
discuter», bref, faire la gueule. Il y a pire, mais c'est un peu plus rare.
23% se sont entendu balancer des remarques désagréables sur leur physique -
«T'es moche!» - et 22% sur leurs performances sexuelles. 23% accusent leur
conjoint d'avoir méprisé leurs opinions en privé, et parfois en public
(13%).
Mais le plus intéressant n'est pas là. La surprise, ce sont les hommes.
Comme les femmes, ils se plaignent d'être à l'occasion rabroués, maltraités,
déconsidérés. Plus souvent que les femmes, ils dénoncent le harcèlement
jaloux de leur conjointe: 18% d'entre eux (pour 12% des femmes) déclarent
que l'autre les empêche de parler à d'autres femmes (hommes). 34% des hommes
(26% des femmes) déclarent que l'autre exige de savoir avec qui et où ils
étaient; 33% (27% des femmes) que l'autre décide de dépenses importantes
sans tenir compte de leur avis. Ce seraient les femmes qui hésiteraient le
moins à décocher des critiques sur l'apparence physique. Et elles ne
seraient pas les dernières à lancer des insultes ou des injures: 15% des
hommes l'affirment, alors que 8% des femmes en accusent leur conjoint.
Certes, il s'agit de déclarations. A manier avec précaution, donc. Mais il
n'est pas forcément facile, pour un homme, de se dire l'objet de pressions
psychologiques.
Sur quelques questions, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à se
déclarer victimes: leur conjoint les «dévaloriserait» plus souvent (37%,
contre 30%) et s'attaquerait en particulier plus facilement à leurs
compétences sexuelles (25%, contre 19%). A noter: sur certaines questions,
les femmes répondent de façon plus pessimiste que dans l' «Enquête nationale
sur la violence envers les femmes en France» de 2001. Le cadre de notre
sondage, moins sombre et plus léger, a sans doute contribué à dédramatiser
le sujet, et libéré la parole. S'il montre bien que les hommes et les femmes
sont aussi capables les un(e) s que les autres de «violences» conjugales, il
ne dit rien, évidemment, de toutes les querelles qui dérapent, le plus
souvent au détriment des femmes, dans le fait divers.
Cette approche fait un amalgame entre toutes les sortes de violences,
pourtant de nature différente: violences en temps de guerre et en temps de
paix. Violences d'Etat et violences privées. La violence du mari ou du
compagnon, celle du harceleur sexuel ou moral, du soldat ou du trafiquant.
Amalgame aussi entre la Parisienne harcelée dans les transports et la petite
Nigérienne victime d'un trafic sexuel ou la Jordanienne victime d'un crime
d'honneur. Violence psychologique et violence physique. Violence des Etats
totalitaires et patriarcaux, et violence des Etats démocratiques.
Cette approche admet aussi un continuum des violences en mettant sur le même
plan la menace d'une gifle conjugale et la lapidation d'une femme adultère:
«La main aux fesses dans le métro, les sifflets dans la rue, les coups, les
insultes, les humiliations du conjoint, les mariages forcés, les filles
violées, etc.» (Collectif national pour les droits des femmes, 2005). Faute
de distinctions, on additionne des actes hétérogènes qui ressemblent à un
inventaire à la Prévert, où tout vaut tout: l'agression verbale, les
pressions psychologiques et les atteintes physiques.
Enfin, il me semble qu'on est peu regardant sur les statistiques utilisées
et encore moins sur leurs sources ou leur interprétation. Ainsi, dans
l'opuscule d'Amnesty, on lit: «Au moins 1 femme sur 3 a été battue, forcée à
des rapports sexuels ou violentée d'une manière ou d'une autre à un moment
de sa vie» (Population Reports, n° 11, Johns Hopkins, School of Public
Health, déc. 1999). Que signifie «violentée d'une manière ou d'une autre»?
Faute de précision, on ne retiendra qu'une chose, à savoir que 1 femme sur 3
est battue ou violée.
Pis: sur Internet, on trouve que «près de 50% des femmes dans le monde ont
été battues ou maltraitées physiquement à un moment de leur vie par leur
partenaire». Selon le Conseil de l'Europe, la violence domestique est, pour
les femmes de 16 à 44 ans, la principale cause de mort et d'invalidité,
avant le cancer ou les accidents de la route. Propos lancés par les
féministes espagnoles en 2003, cités partout, notamment dans le rapport du
Conseil de l'Europe. Ai-je été la seule à sursauter en lisant cela? Les
statistiques de l'Inserm indiquent que, pour 2001, 2 402 femmes âgées de 16
à 44 ans sont mortes des suites d'un cancer!
L'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France
(Population & sociétés, janvier 2001) révèle un indice global de violence
conjugale à l'encontre des Françaises de 10%, qui se décompose bizarrement
ainsi: insultes et menaces verbales (4,3%), chantage affectif (1,8%),
pressions psychologiques (37%), agressions physiques (2,5%), dont répétées
(1,4%), viols et autres pratiques sexuelles imposées (0,9%). Les
journalistes et les politiques traduisent: 10% de femmes sont battues en
France. Tous les 8 mars, nous avons droit à cette affirmation erronée, sans
que jamais personne ne songe ni à consulter les chiffres ni, évidemment, à
les rectifier.
Quatrième illustration de l'utilisation publicitaire des statistiques: en
1980, deux chercheuses, Mmes Linda MacLeod et Andrée Cadieux, publient un
rapport sur la femme battue au Québec et annoncent les chiffres de 300 000
femmes battues et de 52 femmes assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint.
Durant vingt-quatre ans, les «300 000» deviennent le leitmotiv des
mouvements féministes québécois, jusqu'à ce que l'Institut de la statistique
du Québec publie une enquête digne de ce nom, en 2004, qui ne compte plus
que 14 209 femmes se disant victimes de violences conjugales. Quant aux 52
Québécoises assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint, les chiffres
publiés par la Sécurité publique du Québec en 2000-2001 donnent 14 femmes et
7 hommes assassinés par leur conjoint. Linda MacLeod a reconnu son erreur
dès 1994. Elle s'est défendue en disant: «Je me sentais sûre de ce chiffre,
parce qu'il reflétait une réalité corroborée par ceux et celles qui
travaillaient sur la ligne de front. C'était une supposition admise.» Je ne
mets pas en doute la bonne foi de ces chercheuses, mais je ne peux
m'empêcher de penser que c'est moins la vérité que l'on cherche que la
confirmation de présupposés. On charge la barque des violences masculines,
on gonfle les chiffres au maximum au point de les défigurer, comme si
s'exprimait là le désir inconscient de justifier une condamnation globale de
l'autre genre. L'enjeu n'est plus la condamnation des hommes violents, la
seule légitime à mes yeux, mais celle des hommes en général.
D'où ma stupéfaction devant l'utilisation par les Nations unies, reprise par
Amnesty, de l'expression «violence de genre». Expression tirée des travaux
des féministes anglo-saxonnes les plus radicales, publiés dans les années
1980-1990. Que signifie «violence de genre»? Faut-il comprendre que la
violence est le propre du mâle? Que la masculinité se définit par la
domination et l'oppression de l'autre sexe? Que les femmes ignorent la
violence?
L'enjeu des termes est considérable. Car, si l'on admet cette notion de
«violence de genre», on en revient à une définition duelle et opposée de
l'humanité: les bourreaux contre les victimes, ou le mal contre le bien. Je
pense, pour ma part, que l'on commet une double erreur. D'une part, le
concept de «violence de genre» ne me paraît pas fondé. D'autre part, en
globalisant la violence masculine, sans la moindre distinction qualitative,
culturelle et politique, on se condamne à n'y rien changer.
Les dérapages de la vie à deux ne suffisent pas à définir le «terrorisme
conjugal»
Pour tenter de convaincre que la violence n'est pas le propre d'un genre, je
m'en tiendrai aux violences conjugales dans les démocraties occidentales, où
l'on est censé avoir une approche plus fouillée et plus scientifique de la
question.
Premier constat: les enquêtes à notre disposition, tant en France qu'en
Europe, notamment celles du Conseil de l'Europe, me semblent trop souvent
partielles et donc partiales. Elles sont partielles parce qu'elles ne
concernent que les victimes femmes. On a choisi partout, délibérément,
d'ignorer s'il y avait des hommes victimes. La justification avancée de
cette omission est toujours la même. Elle tient en deux arguments: nous
n'avons pas de statistiques, mais nous avons de bonnes raisons de croire que
98% des violences conjugales sont le fait des hommes (cf. Marie-France
Hirigoyen dans L'Express du 25 avril 2005: «Les hommes? On ne les a pas
sondés. On leur confère par définition le statut d'agresseurs: ils le sont
dans 98% des cas»). Quant à la violence des femmes, elle ne serait qu'une
légitime défense contre la violence première des hommes.
Second constat: faute de travaux indiscutables, les chiffres les plus
fantaisistes circulent. Exemple: y a-t-il en France 6 femmes tuées tous les
mois par leur conjoint ou ex-conjoint, soit 72 par an, ou 400, comme on l'a
dit à l'émission de TF 1 Le Droit de savoir? Et comment évaluer l'ampleur et
la signification de ce phénomène quand les statistiques judiciaires et
policières ne distinguent pas entre les femmes mortes de violences
conjugales et les autres?
En attendant, je voudrais montrer que la violence n'a pas de sexe, en
mettant en lumière quelques aspects de la violence féminine dont on ne parle
que rarement. En ce qui concerne la violence conjugale féminine, comme
d'habitude, il nous faut recourir aux travaux du continent américain pour y
voir plus clair. En particulier, à la dernière enquête faite pour l'Institut
de la statistique du Québec par Denis Laroche, dont les statistiques ont été
entérinées par le très féministe Conseil du statut de la femme du Québec en
février 2005. A ma connaissance, c'est la première enquête francophone de
grande envergure concernant les violences conjugales, qui traite à la fois
de la violence masculine et féminine. C'est aussi la première enquête qui
distingue violence grave et violence mineure, en dressant une liste de 10
situations de violences physiques qui vont de la menace aux actes. D'où il
ressort quatre informations essentielles: dans les cinq dernières années qui
précèdent l'enquête, 92,4% des hommes et 94,5% des femmes se sont déclarés
exempts de violence physique. En 2002, au Québec, 62 700 femmes et 39 500
hommes se sont dits victimes de violence conjugale (toutes violences
confondues). Les actes d'agression subis par les hommes et les femmes ne
sont pas exactement les mêmes. Les femmes sont plus victimes de violences
physiques graves que les hommes. Parmi elles, 25% ont été battues (pour 10%
d'hommes), 20% ont failli être étranglées (4% des hommes), 19% ont été
menacées avec une arme (8% des hommes). Sept fois plus de femmes que
d'hommes ont été victimes d'agression sexuelle. En revanche, selon les
études canadiennes, hommes et femmes sont quasi à égalité face aux
«violences» psychologiques.
Les Canadiens ont repris du psychologue américain Michael P. Johnson (2000)
la distinction, qui me paraît fondamentale, entre deux types de violences
conjugales: le «terrorisme conjugal» et la «violence situationnelle».
La violence grave qui s'effectue dans un «contexte de terrorisme conjugal»
se définit par la volonté d'annihiler le conjoint, de toutes les manières,
psychologiquement et physiquement. Cette violence-là provient
majoritairement des hommes.
Alors que la majorité des hommes victimes de leur conjointe le sont dans un
contexte de «violence situationnelle», qui renvoie soit à l'autodéfense de
la femme, soit à la violence réciproque, soit à la lutte pour le pouvoir des
deux conjoints. Au passage est introduite la notion de «violence
interactive», essentielle pour comprendre une bonne partie des violences
conjugales.
On remarquera donc que, si les femmes sont majoritairement victimes de
violences, et en particulier physiques, il leur arrive à elles aussi
d'exercer cette violence-là, quand elles sont en position de domination
physique ou psychique.
Pour s'en convaincre, il faut se pencher sur la violence des femmes à
l'égard des plus faibles. D'abord à l'égard des enfants, sujet peu évoqué,
quelques études donnent à réfléchir. Le dernier rapport de l'Odas
(Observatoire national de l'action sociale décentralisée, dont dépend l'Aide
sociale à l'enfance), de décembre 2004, indique le chiffre de 89 000 enfants
en danger en France, dont 18 000 enfants maltraités.
Le rapport d'activité 2002 de l'Accueil téléphonique pour l'enfance
maltraitée indique que 76,2% des auteurs de mauvais traitements sont les
parents, dont 48,8% sont les mères et 27,4% sont les pères des tout-petits,
chiffres qui sont probablement sous-estimés. Enfin, le rapport de l'Unicef
2003, sur les décès d'enfants des suites de maltraitance dans les nations
riches, fait état de 3 500 décès d'enfants de moins de 15 ans par an. Le
rapport ne précise pas la proportion de pères et de mères infanticides, mais
il serait mal venu d'en accuser un seul des deux sexes.
Une enquête épidémiologique est en cours en France, effectuée par l'Inserm.
Les premiers résultats révèlent une sous-estimation des morts par
maltraitance d'enfants de moins de 1 an, qu'on aurait attribuées à la «mort
subite du nourrisson» (cf. Journal de l'Inserm, mai-juin-juillet 2003). Or
qui, majoritairement, prend soin des nourrissons dans notre société? Enfin,
je me contenterai de mentionner l'existence de la pédophilie féminine, qu'on
a semblé découvrir depuis à peine un an avec les procès d'Outreau et
d'Angers. Je rappelle que dans ce dernier, on comptait, dans le box des
accusés, 29 femmes et 37 hommes. Mais sur cette violence-là, nous n'avons, à
ce jour, aucune étude sérieuse.
Au demeurant, les enfants ne sont pas les seuls êtres faibles susceptibles
de pâtir de la violence féminine. La maltraitance des vieilles personnes est
un autre sujet qui implique cette violence féminine. En 2003, le ministre
des Personnes âgées faisait état du chiffre de 600 000 qui seraient
maltraitées. Maltraitance souvent d'origine familiale, à domicile. Mais, que
ce soit dans les familles ou dans les institutions, ce sont les femmes qui
s'occupent majoritairement des vieux, comme elles s'occupent majoritairement
des plus jeunes.
Reste un sujet toujours tabou qui n'a fait l'objet que de très rares et
parcellaires travaux - spécialement en France: la violence au sein des
couples de lesbiennes. Une étude de l'Agence de santé publique du Canada de
1998 conclut qu'il y a la même proportion de violence dans les couples gays
et lesbiens que dans les couples hétérosexuels. Toutes violences confondues,
1 couple sur 4 fait état de violence en son sein.
De tous ces chiffres fastidieux mais nécessaires, il ressort qu'on ne
devrait pas parler de «violence de genre», mais de «droit du plus fort». Un
seul crime est indiscutablement plus propre aux hommes qu'aux femmes, c'est
le viol, aujourd'hui puni en France aussi sévèrement que le meurtre. Reste
qu'hommes et femmes, lorsqu'ils sont en position de domination, peuvent
déraper dans la violence. Les photos d'Abou Ghraib en Irak l'ont démontré,
comme l'avait déjà démontré la participation des femmes dans les génocides
nazi et rwandais. Que les hommes aient été dans l'Histoire les grands
responsables de la violence physique est une évidence. Ils sont, depuis des
millénaires, les détenteurs de tous les pouvoirs - économiques, religieux,
militaires, politiques et familiaux, c'est-à-dire les maîtres des femmes.
Mais, dès lors que l'on assiste au partage des pouvoirs qu'appelle la
démocratie, il est inévitable que de plus en plus de femmes, en position de
domination, tendent à en abuser, c'est-à-dire à être violentes à leur tour.
Par ailleurs, il faut reconsidérer le concept de violence, utilisé
aujourd'hui pour désigner n'importe quel acte, hors de tout contexte. Le
même mot ne peut pas s'appliquer à un geste déplacé dans un lieu public et à
un viol. Ni s'appliquer non plus à de nombreuses situations qui figurent
dans les enquêtes de violences conjugales. Une remarque désagréable, une
insulte, un acte autoritaire déplacé ou même la menace d'une gifle ne
peuvent être, en tant que tels, assimilés à une atteinte destructrice de
l'autre. Les dérapages de la vie à deux ne suffisent pas à définir le
«terrorisme conjugal», qui est d'une tout autre nature et que de nombreux
spécialistes définissent aujourd'hui comme «une dynamique de couple où l'un
des partenaires porte atteinte à l'intégrité et à la dignité de l'autre par
un comportement agressif, actif et répété dont le but est de le contrôler».
Il me semble aussi déraisonnable de mettre sur le même plan la violence
contre les femmes observée dans les Etats démocratiques et celle observée
dans les Etats patriarcaux, non démocratiques. Dans ces derniers, la
violence contre les femmes est une violence fondée sur des principes
philosophiques, traditionnels et religieux qui sont à l'opposé des nôtres.
Ce sont ces principes qui doivent être combattus. Seules l'éducation des
femmes et leur mobilisation finiront par mettre fin à cette aliénation
systématique, qui donne tous les droits à un sexe et tous les devoirs à
l'autre.
En revanche, la violence à l'égard des femmes dans nos sociétés est tout à
fait contraire à nos principes. Elle appelle la répression de ses auteurs,
mais, contrairement à ceux qui disent que toute société est structurellement
violente à l'égard des femmes, je pense qu'elle révèle avant tout une
pathologie psychologique et sociale, qui nécessite des soins et une
réflexion sérieuse sur nos priorités. L'augmentation de la violence que l'on
observe dans les sociétés occidentales, quel que soit l'âge, le sexe, et le
contexte social, est peut-être à mettre en relation avec une incapacité de
plus en plus grande à supporter la contrainte des devoirs et une propension
inquiétante à confondre droits universels et désirs individuels.
L'hiver 2005 nous a appris qu'il y avait une forte augmentation de la
violence des jeunes, dans les écoles, les collèges et les lycées - jusqu'aux
maternelles - et qu'elle touchait toutes les classes sociales. Enervements,
incivilités, insultes et coups sont devenus l'expression d'une agressivité
banale, y compris à l'égard de ceux qui sont censés nous aider et nous
protéger, comme les professeurs ou les médecins. Entre 1999 et 2003, l'Insee
indique que le nombre de Français victimes d'agressions (injures, menaces,
coups) a crû de 20%. Dans ces conditions, on devrait s'interroger sur notre
incapacité de plus en plus grande à supporter les frustrations et à
maîtriser notre agressivité.
C'est notre éducation qui est en cause, et non nos principes. C'est elle
qu'il faut changer. Depuis une trentaine d'années, l'épanouissement
individuel et la satisfaction de nos désirs ont pris le pas sur le respect
de l'autre et de la loi commune. Cela concerne tant les hommes que les
femmes et n'a rien à voir avec ce qui se passe dans d'autres régions du
monde où, à l'opposé, la loi est un carcan et où l'épanouissement individuel
n'a tout simplement pas de sens. En vérité, nos sociétés ont autant besoin
de réapprendre la notion de devoir que les autres, de réclamer leurs droits.
En voulant à tout prix confondre les deux contextes, on se condamne non
seulement à l'impuissance, mais aussi à l'injustice. A force de crier à la
«violence de genre», on se rend coupable d'un nouveau sexisme qui n'est pas
plus acceptable que le premier.
Elisabeth Badinter
L'Express du 20/06/2005
Un peu de pub: j'ai parlé de tout ça dans mon livre Rhéhorique de la Scène de Ménage il y a plus de deux ans (il est disponible, on peu le commander chez un libraire, poil au blair) . A l'époque, l'enquête qui a brisé bien d es miroirs faux n'était pas encore parue. Et j'ai envoyé mon livre à Madame Badinter.Et je suis tout fier des compliments qu'elle a mis dans sa réponse. LA lutte continue et la nous devons, comme le disait Nora Mitrani, étudier sérieusement la "posibilité des amours réciproques"... ET cesse d'amocher le quotidien!
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