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orlando de rudder
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31 janvier 2006

Le Miroir et le masque 12

Photographie : Masque ou miroir ? Mortelles images. Faute grave, faute graphique, la photographie ne parle de mort : Littéralement d’une photo on ne revient jamais. Jamais. D’où les albums, sans doute. Jean-François Bory, « Personnage dérisoire en contre-jour devant un alphabet », in Françoise Janicot, Poésie en action, 1984. Par exemple la mort de qui contemple dans son camion la photo de ses enfants, jette un coup d’œil dans le rétroviseur, ne voit pas le sagouin qui lui refuse la priorité et décède dans un froissement de tôle sanglantes. Photographiez le vif : il sera bientôt mort. Un peu de temps suffit pour qu’il ne soit déjà plus ce qu’il était. On fige les masques, on antidate le reflet dans un miroir licite, mais à retardement. Par anticipation, puisqu’on verra plus tard. Le révélateur ne révèle rien, la photo montre. Cliché. Verre Au début, les photographies s’exécutaient sur des plaques de verre. L’esprit du miroir demeure. Déchirer une photo ne porte pas malheur : nos images sont innocentes lorsqu’elles demeurent, quand elles sont fixées. Sur un miroir, elles ne se fixent pas. Sept ans de peine pour une vitre vide ! On a piégé la lumière. Mais les bris du miroir reflètent tout de même ce qu’ils ont devant eux. Le miroir n’est pas puzzle. La photo déchirée en constitue un fameux. Une vitrine du temps déjà passé. Mais le sujet n’est plus, si l’apparence se voit. Car il n’exista que durant un moment. Son instance est morte, comme telle chandelle. Il n y a plus de feu, de flash, de spot. La photo est une rose qui fane les instants, en fait durer l’image et me rend un peu sombre. Naguère, Daguerre, nostalgie de photos de verre à l’opacité triste. On a piégé la lumière… aucune nuit ne la venge. Monsieur Niepce se prénommait Nicéphore. C’est-à-dire : « qui porte la victoire », en grec. Défaite du regard. La photographie n’est pas une victoire. Elle a envahi le monde au point que toutes les photos existantes couvriraient sans ne doute plusieurs fois la surface de la terre. Pourraient la masquer. La photographie représente trop souvent qu’une défaite du regard. Elle le remplace et le tourisme n’est souvent qu’un prétexte à photographier. Le tourisme est toujours colonialiste : il vole quelque chose, exploite ce qui est en soi. Lui donne un sens déplorable, celui de la consommation. Le voyage de masse a tout détruit, même l’altérité, au nom des différences. Le tourisme masque la réalité, la profondeur des choses tout en croyant en saisir l’apparence. Le cliché n’est pas un miroir. Il ne reflète que son intention : prendre. S’approprier. De toute façon : Le voyage n’est nécessaire qu’aux imaginations courtes. Colette, Belles saisons. Admirer. En revanche, le voyage prend son sens lorsqu’on a quelque chose à faire autre part : Travailler, découvrir, rechercher, aimer, fuir en exil pour survivre. Ou encore s ‘émerveiller, admirer : Avec ses quatre dromadaires Don Pedro d’Alfaroubeira Courut le monde et l’admira Il fit ce que je voudrais faire Si j’avais quatre dromadaires Guillaume Apollinaire, Bestiaire. Art. A part quelques artistes photographes, on ne peut admirer avec un appareil photographique. L’art demande des vertus plus hautes, si l’on veut aimer ce qu’on découvre. Un voyage, en ce sens consiste à briser la glace des faux-semblants. C’est être au monde autrement. Mais en soi. Sans masque ni déguisement. Sans oripeaux Voyager c’est aussi se démasquer : le touriste a l’air d’un con. Il l’est plus que parfois : souvent. Le vide. Pourquoi se déplacer lorsqu’on n’a rien à faire, lorsqu’on est en vacances. Ce mot signifie : « vide ». Le voyage ne saurait se justifier comme but en soi ou comme distraction Se distrait-on sur le dos des autres ? Le tourisme participe de l’exploitation, de l’appropriation, du vol… Et la photo en constitue le meilleur auxiliaire. Droit à l’image. On sait que, dans certains pays, les gens ont peur du photographe. Saisir leur apparence serait leur ôter un peu d’eux-mêmes. Ce serait un miroir retardé qui consommerait ce qu’il reflète. La législation du droit à l’image semble conforter ce sentiment de dépossession, comme de possession par chacun de son apparence propre. Qu’elle soit le miroir de son for intérieur ou masque trop avisé de sa duplicité. Abrutissement. La multiplication des images, photogrammes divers, vidéos, etc. fait qu’on ne voit plus rien, qu’on ne distingue plus rien. Elle est parallèle à l’invasion effroyable de la musique omniprésente qu’on ne saurait plus écouter. Qu’on peut encore danser. Mais qu’on ne sait déguster dans un silence vrai, avec la gourmandise de celui qui distingue la saveur de chaque son. De celui qui sait encore voir les formes et les couleurs. Nos yeux et nos oreilles sont ivres de stimuli nocifs. Qu’on se retrouve muets, abrutis de visions, de sonorités tandis que cette profusion nous a fait perdre la voix. Celle des gens de parole. On « ne se parle plus », on ne lit plus. Et c’est un homme d’images, un dessinateur qui nous incite à la méfiance : Une image sans texte est inutile. Tardi, « Tardi et Vautrin, La Commune en commun » Synopsis, n° 16, Novembre/décembre 2001. Guitare. Et, puisque nous parlons de musique, rappelons que les guitaristes aimant la musique ancienne connaissent les tablatures. Le fameux traité de guitare de Don Gaspard Sanz (1640-1710) nous les montre sans ambages. La guitare, alors, avait cinq cordes, ou cinq « chœurs » de deux cordes. La tablature montre ces cinq cordes comme si l’on se trouvait face à la guitare. La tablature moderne, popularisée par Marcel Dadi montre les six cordes d’une guitare actuelle. Seulement, la chaterelle, la corde la plus aiguë est en haut sur le papier, à l’inverse de la tablature de l’époque de Gaspea Sanz. Se pencher. On voit les cordes comme si l’on était en train de jouer et que l’on se penchait pour les regarder.Ou comme si la guitarer était posée sur nos genoux. Qu’en dire ? Simplement que les tablatures modernes s’adressent particulièrement à ceux qui apprennent tout seuls l’instrument, en autodidacte. Autrefois, on regadait la méthose et on la voyait dans la situation de l’élève qui se trouve en face du professeur. Miroirs et face à face ? Ou façon de voir, comme deux photographies prises à paetir de deux différents points de vue. ? Communication et persécution. Le cinéma muet semble plus bavard que notre temps d’ « incommunicabilité ». Cette dernière est devenue trop pesante. A tel point que nous sommes obsédés par la communication. On ne pense qu’à ça tandis que la connivence et la communion disparaissent. Plus on communique moins on en dit. Moins on lit. Plus on représente, moins l’on est. L’art résiste du fait même qu’il ne représente pas. Tout au plus il transpose. Mais l’art a pour fonction que d’être lui-même : en-dehors. En avant. Derniers remparts de la tendresse. La peinture, la littérature, la danse, la poésie, le théâtre seraient-ils les derniers remparts des tendresses humaines agressivement bafouées par la crudité, la cruauté photographique et musicale omniprésentes? Ils ne sont plus savourés que par quelques-uns, happy few que d’aucun nomment « élite ». Or ce sont des opprimés, voire des persécutés… l’amateur, l’érudit, l’artiste l’intellectuel, le poète sont objets de la haine du commun. Et ce sont eux qu’on tue dès qu’un régime est dur. Dès qu’un gouvernement abrutit un peuple qui ne demande que ça par des images brutales et des musiques claironnantes… Aujourd’hui, pas besoin de dictature : l’image et l’industrie de la chanson les remplacent, isolant les cœurs purs. C’est commerce et c’est fric. Et la photo fait sens en tant que vol de soi par l’œil de Big Brother. Elle est allégorie d’autres oppressions. Le miroir de la servitude volontaire. A quoi servent les photographies ? A quoi servent les photographies ? Certaines sont à vendre, d’autres s’affichent. D’autres encore dorment ou meurent dans des albums que l’on ouvre rarement. Et, lorsqu’on les consulte, on ne sait pas toujours qui l’on voit sur tel ou tel cliché ancien ; un ancêtre oublié, quelqu’un qui fut des nôtres mais dont on a oublié le nom autant que l’apparence. Ce n’est plus qu’un fantôme, une ombre. Un reflet oublié. Et qui figure sur une photo jaunie. Le monde vomit des clichés, s’en submerge. Sont-elles miroirs du monde ou masques le cachant ? Angoisse ! Que faire ? Que faire ? Demandait Lénine. C’est une bonne question. Elle est le titre d’un ouvrage paru en 1902 qui annonçait l’avenir du bolchevisme. C’est là que l’on trouve bien exprimée l’idée de dictature d’un parti unique… Mais Lénine a plus d’un tour dans son sac : ce titre, Que faire ? est celui d’un ouvrage autrefois fort célèbre de Nikolaï Tchernytchevsky. Il s’agit d’une utopie romanesque à dessein politique. On y trouve l’un des plus fameux rêves de la littérature : Vera Pavlovna, héroïne profonde, voit en songe un palais de glace, une translucidité totale qui représente la clarté à venir, l’humanité réconciliée. Pour le reste, il s’agit d’un récit exaltant l’égalité entre les hommes et les femmes, sur fond « d’égoïsme raisonnable ». Ironie. L’intention de Lénine en s’appropriant ce titre était à la fois de contrer l’aspect idéaliste du roman, et de se servir de son succès pour créer ce « bréviaire de plusieurs génération », Que faire ? Devenu plus célèbre que l’ouvrage dont il est un étrange reflet, un contrepoint à l’ironie cachée, mais presque sadique. Aucune idée. Reflet ou négatif ? Tchernytchesky-Lénine, beau match. Y a pas photo : Autrefois, quand on ne pouvait exercer aucune profession, on se faisait photographe ; aujourd’hui on se fait député. Guy de Maupassant, Les Dimanches d’un bourgeois de Paris, rééd. 1988. Un photographe est-il un plagiaire du réel alors qu’un député représente ses électeurs ? Je n’ai aucune idée sur ce qu’on peut dire de cette phrase. Sinon que Maupassant n’appréciait pas la photo. Néanmoins, il doit bien y avoir du masque, là-dessous. Mais franchement, ça m’est un peu égal… C’est dommage. Passons à autre chose. Télévision. Ne pas être. Bien qu’éloignée de toute réalité, en constituant une en elle-même, quasi-exclusive de toutes les autres, la télévision doit se voir ici mentionnée. Même si elle n’et ni masque ni miroir, ni reflet ni voile, ni écho ni voix. Elle ne montre que son propre rien. C’est déjà quelque chose. Hélas, elle ressemble à de fort beaux miroirs à des jolis masques. Il s’agit d’une contrefaçon. D’une tromperie. C’est en ce sens d’abus de confiance qu’il faut en traiter. En fonction de ce qu’elle n’est pas plutôt que de ce qu’elle pourrait être, si elle était quelque chose d’autre, voire d’un peu vrai. Machine d’oubli. D’une invention géniale, le commerce habituel a fait une machine à s’oublier. Comme les jeux vidéo, et toutes les compulsions, la télévision sert à ne pas être, à ne pas exister, à ne pas communiquer. Elle passe le temps, le sasse, le ressasse. En ce sens, elle n’est pas même masque : un masque ça signifie et ça renvoie à une familiarité pseudo-festive sans grandeur, mais réelle. Familles. On l’a accusée de rompre les liens familiaux. C’est vrai. Mais particulièrement dans les familles prédisposées, réfractaires à la culture, la lecture, méprisant les « intellos », ne « comprenant » pas l’art, « n’y connaissant rien », etc. Car la lecture, activité paradoxalement solitaire, ouvre vers les autres. La télévision, jamais. Elle sert aussi de garde d’enfants aux parents qui n’ont pas le temps. Aux non-parents Etre parent, c’est avoir le temps, l’écoute, l’amour. Le sacrifice humain. Mais au lieu de se perfectionner pour trouver un travail enrichissant, épanouissant, fécond et qui laisse le temps, beaucoup préfèrent le sacrifice humain du boulot déshumanisant et destructeur de marmaille. C’est toujours un choix, puisque d’autres font autrement. Le destin social est affaire de représentations et de mentalité. Et c’est sur cela même qu’agit la télé en déformant souvent l’image même qu’on a de soi. Mon vieux. Peut-être faut-il rompre les liens familiaux. On souffre d’abord de sa famille, pour peu qu’opn veuille souffrir. Une chanson monstrueuse de Jean Ferrat, que chantait Daniel Guichard, Mon vieux le démontre. Elle représente ce qui est encore admis comme image acceptable. Tranche de vie. Cette chanson veut être «une « tranche de vie », elle prétend à un certain « réalisme ». Elle raconte du quotidien, de l’ordinaire. Du réel : Usé par le boulot, ce père « avec son vieux pardessus râpé » n’a jamais parlé à son fils. Ne l’a jamais aimé, tout simplement. Il s’agit vraisemblablement d’une famille à télé continuellement allumée. Ce genre masochiste, au masque de souffrance va, résigné, au sacrifice humain du boulot. On est apparemment dans le « vécu », le « vrai ». La vraie vie est pourtant ailleurs ! Un mode de vie. Autrefois un tel homme s’emmerdait à la maison comme au travail et ne disait rien. Maintenant, il regarde la télé et se tait toujours. C’est bien plus facile que de vivre, d’essayer de comprendre et de connaître, et d’aimer. Sans la télé, la vie demande d’être vécue : Quand on n’a pas la télé, on est obligé de développer tout un mode de vie. Anna Gibson, Cet Eté, 1997. Et, pour vivre, il faudrait pouvoir de regarder vraiment dans une glace. Mais ce genre d’homme n’y verrait que son masque ! Un masque qu’il n’a pas choisi et qui lui ronge le visage ! Cette chanson aurait fait le point de départ d’une très bonne « série » télévisée ! Qui finirait bien ! Le père et le fils finiraient par se parler ! Ca ; c’est du réalisme ! On se fout du mondse, turlututu ! Et le monde aime ça ! Ondes alpha. L’état hypnotique du téléspectateur doit pouvoir devenir un moment d’émission d’ondes alpha, de douce détente. Il est possible que l’attitude contemplative veule déclenche les sécrétions de substances corticales particulières, analogues aux endorphines. Ce serait une drogue intériorisée. L’écran entre en nous, investit, viole, possède… Mais ensuite, la télévision finit par déclencher la dépression. Le tain. Les téléspectateurs « addicts » ne sont ni masques ni miroir. Tout juste le carton du masque ou, pire, le tain : ce qui ne réfléchit que derrière le verre ou devant l’obscur : rien. Il cultivent passivement un mais souffrance cachée, qu’ils subissent tout de même en croyant pouvoir la fuir : Un jour, cependant, la culpabilité rejoint le vif, celui qui s’est trahi. Le face-à-face avec soi-même arrache tous les masques… Le crime d’être absent de soi-même est révélé : Il n’est pas un de nous qui ne soit coupable d’un crime: celui, énorme, de ne pas vivre pleinement sa vie. Henry Miller, Sexus. Miroir ? chair à vif ! Masque ? Peau crevée ! Encore y a t-il des degrés : comme l’amour, vivre pleinement sa vie n’est pas à la portée de tous. Mais l’on peut exister avec une certaine joie d’être au monde. Sans fuir la tendresse, l’amitié. L’amour peut-être… Violence. La télévision permet de voir une représentation de la mort des autres. Pas forcément directe ; on censure les images trop vives. Mais elle permetfascination antique de meurtriers qui, voyant couler celui de l’autre, peuvent se persuader qu’ils sont encore vivants : voir la mort, c’est vivre. C’est être sûr que nous ne sommes pas notre semblable défunt ! C’est pas moi, c’est l’autre qui a vécu ! Le masque de la mort s’est posé sur lui. Punition. Cette fascination est une sorte de punition en elle-même : quelque chose du désir qui se cache et dont on cherche le reflet dans une image funeste. L’ennui est que cette hypnose abrutit. Au point de ne même plus reconnaître les réclames dont on nous bassine : La violence dans les fictions rend spectateurs agressifs et hermétiques aux pubs Brad Buschman,, in Psychologies, Fév 99. Aussi les codes moraux contre la violence télévisuelle pourront être appliqués. Puisque les téléspectateurs ne sont plus les seul à le vouloir. Puisque ce sont les publicitaires qui le demanderont. Au nom du public, bien entendu. L’ennui. Le téléspectateur qui s’ennuie ne procède ni du masque ni du miroir : il n’y a rien. Il n’est que possibilité de malheur pour les autres. L’ennui constitue un égoïsme masochiste. Pour se désennuyer, on fera forcément quelque chose de bas. Ce nombrilisme raisonné savoure sa souffrance d’une façon maussade. Ca l’occupe à plein temps, mais d’une façon plus intense certains jours la semaine : La scène naturelle de l’ennui prévisible se déroule donc plutôt, mais non exclusivement, un dimanche après-midi éloigné du crépuscule comme du matin ,dans une saison éloignée du printemps et aussi du cœur de l’hiver, avec comme décor la pluie et comme couleur dominante le gris Véronique Nahoum-Grappe, L’ennui ordinaire, 1995. L’ennui n’est qu’une décision volontaire et maussade. Délinquance. Combien de crimes sont commis par ennui ? La « délinquance des jeunes » dont on nous rabat les oreilles ne vient-elle pas aussi du désoeuvrement de ceux qui ne se cultivent pas, qui végètent ? Et se maquent toute possibilité de plaisir profond. Il y a bien peu de lecteurs, d’amateurs de poésie dans les prisons. Mais on y regarde la télé. On y voit un reflet de l’extérieur. Une évasion ?… Ce faux miroir ? Un masque de la réalité ? Lundi matin, à l’école. Il est vrai qu’on voit, les lundis matins, en classe, des mômes abrutis, quasi- masqués de cernes, somnolents ou excités, hargneux, irascibles pour avoir regardé la télé jusqu’a une heure trop tardive, le film du dimanche soir.. Ces pauvres mioches seraient mieux élevés, et aimés par n’importe qui plutôt que leurs géniteurs ou quiconque ne sait pas éteindre un poste. Aimer, c’est autre chose. Masque. La télévision est-elle masque ou miroir ? La réponse va de soi : elle procède du masque, mais n’en est pas un. Elle est un faux miroir. Elle ne montre pas, de révèle pas, n’informe pas, ou peu. Lorsque qu’elle montre quelque chose, c’est pour n’en pas montrer d’autres : elle célébrera sur toutes les chaînes le même chanteur à la mode. Aucune chaîne ne montrera d’autres chanteurs au même moment. Si elle parle d’une guerre dans un pays donné, c’est pour faire oublier ce qui arrive ailleurs. Elle choisit ce qu’elle montre. Et n’en montre qu’une image donnée, ni masque ni miroir : un autre chose. Parce que le masque et le miroir, eux, signifient vraiment. Inconscience. Ceux qui organisent les programmes n’ont pas toujours conscience qu’ils s’acharnent à éviter ce qu’il ne faut pas montrer. elle masque la réalité, d’une façon parfois cocasse : si l’on vous informe d’une grève des postiers, le discours sera illustré par des images d’archives montrant des postiers en train de travailler… Cet exemple est quasiment une définition de la télévision. Maquillage télévisuel. On est maquillé, lorsqu’on participe à une émission de télévision. Comme l’acteur qui jouerait son propre rôle. On est maquillé pour se ressembler mieux. Mais personne ne se maquille pour regarder l’écran. Même pas celui qui se verrait lui-même, en différé, dans une émission pour laquelle on l’aurait maquillé. Ce n’est pas nécessaire : le masque du maquillage n’en est pas tout à fait un. Regarder son image maquillée sans l’être nie le miroir. Se reconnaître suffit. Même si l’on s’imite soi-même : rôle. Personnage… Acting. Modes. La télévision peut agir en miroir prémonitoire : elle lance des mode. Les gens suivront. Et ressembleront à ce qu’on voit sur l’écran. Masque, elle engendrera des masques. Vivre heureux, c’est la regarder peu. Et de choisir ce qu’on voit. Opium. Opium du public, ce nouveau nom du peuple, la télévision rabaisse l’être humain au rang d’assisté mental : elle développe des imaginaires appauvris. L’allure générale des personnes s’adonnant à ce vice ou à l’abus de jeux vidéo le démontre aisément : pas besoin de faire un dessin… Peu semblent épanouis. Il est très difficile de garder sa dignité lorsqu’on regarde la télé .Il faut au moins rester debout- ou alors être plusieurs, faire autre chose en même temps, parler plus fort qu’elle, couper le son, la mépriser de fond en comble. Surtout ne jamais rester seul avec elle. Anna Gibson, Cet Eté, 1997. En dire plus. La télévision masque le masque et aveugle le miroir. Elle est devenue quelque chose en soi : ni cinéma, même si elle passe des films, ni théâtre, ni journal, ni radio – A la radio, même durant les programmes les plus niais, l’absence d’image oblige à en dire plus. Sauf, bien entendu lorsqu’on balance à jet continu de la musique à subir. Et que les auditeurs croient sincèrement aimer. Et encore : il faut bien ânonner les titres ; il y a parole humaine non sabotée par une image la plupart du temps inutile. Prime anti prime-time. Il serait vain de vilipender la télévision et ses effets dévastateurs sans essayer, même malhabilement, d’envisager une solution. Démasquer ne suffit pas ! Peut-être que l’Etat, par le biais, par exemple des Caisses d’Allocations familiales devrait encourager à ne pas abuser du petit écran. Une mensualité serait versée à ceux qui le regardent peu ou raisonnablement. Au prorata des heures passées devant le poste. Avec, évidemment une large franchise. L’inadmissible. Ceci ne nuirait pas aux libertés, puisqu’il ne s’agirait pas d’une contrainte : on ne peut obliger qui que soit à devenir de plus en plus libre. Ce serait aussi utile pour la santé publique qu’une prime d’abstinence destinée à ceux qui ont le courage de réduire progressivement leur consommation d’alcool… Ou, évidemment, une aide à la lecture-plaisir, thérapie on ne peut plus efficace… Il va devenir urgent de financer la joie de vivre, le bonheur de devenir soi-même : trop de manipulations médiatiques renforcent la dépression, la soumission, l’ « à-quoi-bonisme », empêchent l’allégresse au quotidien. Qui peut être heureux s’il ne sait savourer son propre silence? S’il a besoin de masques fallacieux et de faux miroirs trompeurs ? L’équanimité ’pataphysique traite des solutions imaginaires. Ceci ne suffit pas ! Il nous faut des solutions pratiques, certes, mais surtout inadmissibles en l’état actuel des faits et des choses. Ne pas subir. La télévision n’a rien d’une glace, puisque la vie c’est ce qui semble se passer sur l’écran. Et rien d’un miroir puisqu’elle ne ressemble à rien, ou seulement à elle-même en temps que reflet sans sujet reflété. Elle ne peut pas refléter celui qui la regarde : il n’existe pas, ou si peu… Elle n’a rien à voir, si tant est qu’un miroir puisse regarder. On ne peut pas même lui masquer cette occurrence du vide ! Il n’y a rien à voir. A moins que, quelquefois, on ait l’opportunité d’y trouver quelque chose à regarder. A ne pas subir. Alors, les yeux sirotent au lieu d’engouffrer. Ils deviennent gourmands… (à suivre)
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