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orlando de rudder
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8 février 2010

Rencontre avec une pâte à pain.

J’aime cuisiner, j’aime pâtisser, J’aime pétrir la pâte. Vive la farine ! Gloire à la levure ! je fais souvent du pain. Alors j’ai écrit cette petite amusette il y a déjà longtemps.Je la republie . Juste pour faire comprendre à ceux qui protestent à propos de mes posts sur le pain industriel que je connais la question. De plus, dans une vie déjà longue, j'ai travaillé dans une boulangerie! C'est ça, un intello, ça bosse un peu partout pour payer leurs études, ça travaille alors plus que les autres et ça connaît la diversité des métiers et des milieux...Ca ne s'enfermed pas dans un  milieu clos, la tour d'ivoire du travail au même endroit, hors du monde... Depuis, je possède un petit pétrin électrique.

Quand le pâton ne colle plus aux doigts, tout commence. On pétrit. on saisit la pâte,on la chamboule. On presse,, on détend. Puis on se lasse du jeu. Alors, on déchire. on saisit la masse blanche à deux mains, on tire, on joue de l’accordéon, ça arrache, ça déchire encore. on fait ça une trentaine de fois pas séries de dix. On s’arrête un peu .On boit un verre d'eau ou de bière. Un thé, selon l'heure. Tendresse forte, caresse écrabouillante, la main s’acharne ! Ô quel amour ? On pelote à la dure,on cajole méchant, ça réagit déjà…

Quelques secondes de repos. On regarde. On repend… Et tout recommence. On malaxe la pâte, on en a mal aux doigts, comme une mogigraphie, une crampe de l’écrivain. … On appuie et l’on déchire encore. On fait de longs boudins, on les tord comme un linge sauf qu’on va jusqu’à la rupture, jusqu’à l’aspect granuleux des déchirures. Si des enfants sont là, on les fait jouer avec la nourriture, avec la pâte à pain : On leur en donne un bout à chacun. ils forment des boules, les pressent, les divisent, les redivisent puis se lassent et s’en vont.

On reprend cet entretien sérieux avec la farine à l’eau, avec la vivante levure. On la maltraite, on la margouillaude… On la tourmente, on la retourne. On la masse…Cruelle, ô ma force, farouche tendresse. On s’acharne, on se prend au jeu.. La pâte bouge, commence l’enflure comme un désir sournois .Tu vas voir, tu vas voir…On saisit,on écrase, on plie, on déplie, on roule, on tourne, on met à plat, on tourneboule. On est là. Avec la pâte. On lui cause pas, na ! si, salement, tiens, non mais des fois… Je t’ai créée, tu es à moi. Je suis un dieu mauvais !

Alors c’est l’amour vache à la vas-y-mon-gars ! Holà, calmos, on n’est pas dans la guerre ! C’est la saison du catch et des gnons sur la gueule ? Non c’est de la tendresse en négatif tout blanc ! On joue à l’assassin, à l’étrangleur sadique, au brutal obscène, au cruel frénétique… Oh ! Ça fait mal, pardi ! Ca escagasse ! On broie, on gâche, on tord... On n’est pas là pour rigoler mais s’esclaffer mauvais en torve tourmenteur… On roule des bourrelets, on broie, on, foule, on lamine…

Et puis non. On, s'attendrit. On déchire toujours mais avec une cruelle douceur .C'est l’aventure hautaine du dédain simulé, du « comme en passant »,légèrement, pour voir.. On tripatouille, certes,mais avec distance, sans trop regarder, sinon du coin de l'œil. Petit round d’observation… Ça dure. Tension de la pâte. On modèle comme des mômes avec la plasticine… Un petit coup de bière ?Ben oui, c’est pas de refus !

Et d’un seul coup, v’lan, les mains se resserrent, étau furieux, et que je te pogne, et que je t’agrippe, et que tiens ! On y va de bon cœur, violence délibérée….On se clame petit à petit. La brutalité se ralentit, devient imperturbable, sereine. Méthodique. Imperturbable. CA défrise un peu : on fait comme si, comme ça,la pâte bouge. C’est la vie qui va. Sera-ce pain blanc ou bien pâte à pizza (alors il y aura eu de l’huile d’olive avant… De la simple, celle pour la cuisson, l'ordinaire ).

On rejoue de l’accordéon, en tirant, ça se casse, ça tombe sur la table. Ça réagit. Si,l’on pose le tout, ça bouge, ça vit. Ça gonfle déjà…On continue impitoyablement. On a chaud. Vingt minutes ont passé.

On recouvre d’un linge après la scarification rituelle. Ça va lever. On lui fou la paix,à l pâte. Elle vit sa vie. Pas fière, après ce qu'elle vient de subir. Elle ne sait pas encore que dans une heure, tout recommence : Hé ! hé ! Elle se croit quitte ! Mais non ! Ainsi passe t-elle un peu de bon temps, lézardant, s’enflant….Tout est calme sous le linge. Et le repos, bonnard, quelle tendre moment de solitude rêveuse à ventre qui s’arrondit,à tête qui fait le chou… Estimable zymase, petite magie commune. Et puis voilà que ça reprend ! Que ça remet ça ! On n’est jamais tranquille ! Ça va courbaturer ! Et ça petit encore,misère du monde ! Malédiction du pain qu’on torture et qu’on cuit ! Avant de le manger. Avec du beurre ? Souvent ! Et du fromage ? Aussi. De la confiture ? Ben oui.. Tout ça.

On met en forme. En boule, avec les estafilades au couteau en croisillon. Ou en miche, en platine, pain oblong que l’on strie à la lame comme à coups de rasoir, le un voyou dans une rue malfamée. On continue, ça vit. Ça a vécu. Tant pis : Il ne reste qu’à cuire dans le four préchauffé. …

Et plus tard, tiens,le pain...

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