Epiphanie.
Voilà ce que c’est : on
pense que, bon, c’est comme ça. Et puis ça va, quoi… On vit sa vie, on passe
des ponts. Il y a des chiens, des chats. On se dit, oui, eh bien, en effet…
Ensuite, on va boire un
verre à l’estaminet du coin de la rue qui tourne. De l’autre côté de la
rivière. Et là, ce n’est plus pareil ! Parce que les gens disent des choses !
On se demande où ils vont chercher tout ça. Et comment ! Parce que, vraiment,
ils en racontent des trucs !
Il faut dire que ces gens
sont des chasseurs, des pêcheurs. Les uns savent bien marcher, les autres rester
assis. Les premiers parlent à leurs fusils, les autres se taisent. Alors, forcément !
Car il y a deux manière
d’apprendre à dire des choses ! La première consiste à s’entraîner. A force de
faire des confidences à son arme, le chasseur prend l’habitude de dire bien,
vrai, net et définitif. Parfois, il se répète ou radote… En fait, il peaufine
son discours Le fusil, lui, il s’en fout. Mais là n’est pas la question !
La seconde manière ? Se
taire, pardi ! A force de la boucler, on a envie de parler ! Des fois même on
pense à ce qu’on dirait si on parlait au lieu d’observer le silence et le
bouchon. Et toutes ces paroles muettes, eh bien, pardi ! Elles ressortent
toutes crues quand on s’ accoude au zinc après avoir tr
aversé le pont sur la
Solre! Enfin, toutes crues… Parfois, c’est bien mijoté… Et puis le zinc, c’est
pas du zinc : c’est un comptoir en métal jaune. Ou alors je me trompe.
C’est normal de se tromper,
parce qu’en fait, voilà ce que c’est : on pense que, bon, c’est comme ça. Et
puis ça va, quoi… Les chiens de chasse sont las, quand il vont au café avec
leurs maîtres. Les asticots qui accompagnent les pêcheurs sont morts. Sauf ceux
qui grouillent encore. Le chat de l’estaminet semble voluptueux à souhait. Et cette fois, oui, et bien, en effet : c’est
comme ça !