Jocelyne.

Le temps sème parfois des barrières. On ne les voit pas toujours. Parfois même, on fonce. Jocelyne me le disait encore avant-hier. Elle portait une très jolie robe bleue. Cette fille montre une élégance naturelle surprenante. Mais elle n'est pas assez fière: beaucoup de gens lui parlent comme s'ils étaient à la hauteur. Et, de ce fait, elle perd du temps en écoutant, avec sa gentillesse souriante, des inepties indignes d'elle. Jocelyne veut racheter la petite maison délabrée, là, du côté de Comagne. Oui, c'et joli par là, mais ça fera beaucoup de travaux. Les murs sont sains, c'est vrai. Hélas, le toit est à refaire complètement! Et ça, ça coûte cher, croyez-moi! Jocelyne a bien du courage. Sa mère n'avait pas conscience des barrières du temps. Elle cultivait des roses trémières. Le père de Jocelyne parlait peu, mais bien. Le temps lui est passé dessus, comme un train dans la nuit. Il s'est regardé vieillir comme de l'extérieur, comme s'il attendait à un passage à niveau fermé. Ainsi peut-on bien voir, c'est vrai, le temps et ses barrières. C'est une famille de paysans, de "censiers", comme on dit dans le Hainaut, qu'il soit français ou belge. Ils vivaient tranquilles, et puis la guerre, tout ça... Le père de jocelyne s'est montré courageux! Finalement, Jocelyne a réuni en elle le meilleur de son ascendance. Car sa mère, quoique excellente cuisinière, avait beaucoup de défauts. En revanche, son père buvait peu. Et rien que du bon! Mais il était trop faible, à ce qu'on dit, peu énergique. C'est tout de même curieux pour un homme qui s'est comprté avec honneur et courage durant l'Occupation! LE temps pose des barrières. C'est peut-être pour cela qu'il est devenu ainsi, trop tranquille, voire mou. Ce n'est pas le cas de Jocelyne. De toute façon, barrière du temps ou pas, Jocelyne aime bien jouer avec le petit chien roux qu'elle a trouvé! Car des salauds (on sait qui c'et!) l'avaient abandonné! Maintenant, il est heureux, avec elle. Cela dit, comme Jocelmyne est gourmande, elle a tendance à le nourrir un peu trop. Mais qu'importe d'être grassouillet, quand on est aimé? Sur la place de Bersillies-l'Abbaye, il y avait une rencontre de balle-pelote, avant-hier. Marceau, un gars de Louvroil, est fort bon joueur. Jocelyne n'a d'yeux que pour lui. Elle a raison: c'est un bon garçon. Ils seraient bien, tous deux, dans la petite maison de Comagne. Mais il y a le toit à refaire. Et ça fait beaucoup de frais. Surtout pour un jeune ménage. Oui, elle a raison, Jocelyne. Car je me rends bien compte que le temps sème parfois des barrières. Grâce à elle! CAr elle me l'a dit, pas plus tard qu'avant-hier!