Encore et toujours! on ne le dira jamais assez!
IVRESSE, FOOTBALL ET IDENTITÉ La Chine La célébration de l’identité nationale est totale, plus de classes ni sexes, plus de riches ni pauvres, plus d’universitaires ni recalés du primaire, ni couleur de peau, Le patriotisme ludique se porte au secours du patriotisme civique à l’agonie. Les animaux emblématiques s’affrontent : on compte sur le dragon pour venir à bout du lion, à tout le moins pour bien digérer le coq, cocorico compris. Les paraplégiques et les agonisants, en cas de victoire, célèbrent leur vitalité recouvrée. Les Américains sont interloqués; comment ne joue-t-on pas le football avec un ballon ovale comme tout le monde ? Le Pape est sommé de se brancher, à tout le moins de ne pas allumer hypocritement des lampions derrière un paravent. En Iran les femmes se déguisent en hommes pour avoir le privilège d'entrer dans le stade et de communier à la célébration. Au-delà du tribalisme, du gangstérisme, buveurs de champagne, de bière, de vin ou d’eau minérale célèbrent tous leur identité récupérée par un score de 1-0. Ils sont tout à coup quelqu’uns. Aucun poète, aucune manifestation, aucun projet n’auront autant le don d’exciter la fierté et la fièvre nationaliste. Et si le ballon manque de classe, refuse de jouer son rôle, la détresse est totale et nationale… Et dans certains pays le gardien de but responsable se met à envier le sort de Eichmann face à ses concitoyens… qu’il a précipités dans la défaite et la honte. Certains arbitres ont eu parfaitement raison de craindre pour leur vie. Et ont même fourni la preuve par neuf. Les victoires ou les défaites sont remémorées, commémorées, ponctuées de larmes de joie ou de sanglots récapitulatifs. De ce temps-ci, le seul moment de fierté ou de deuil partagé par tout un peuple est l’adoration du ballon rond. La religion de la balloune sacrée comporte ses traîtres, ses assassins, ses philosophes, ses théoriciens et ses théologiens. Des théologiens y voient une ultime confirmation de la Trinité Consécration suprême, les psychanalystes s’y sont mis aussi: « The neurotic genius of Dutch football » ; « Le coup de pied sur le ballon comme phantasme inconscient du coup de pied au cul du paternel » (Gus, admire le double sens ou la double direction) ; « Un art de vivre : prendre son pied collectivement »; « La peste émotionnelle comme soupape », « Résorption du complexe d’Oedipe : le ballon comme sublimation du sein maternel » etc. « Quand nous les Uruguayens subissons une défaite humiliante, c’est la confirmation que nous ne sommes rien de plus qu’une fiction dans l’histoire, une erreur de géographie, une mauvaise farce de Dieu ou du Diable » Eduardo Galeano, ("Soccer in Sun and Shadow ») Des nations sont stoïques dans la défaite, d’autres adoptent le style de pleureuses grecques. C’est l’occasion de réconciliation ou d’animosité ou de rivalité savamment entretenues où journalistes et piliers de bar s’ébrouent indéfiniment… … Gus, remarque au moins les progrès de la civilisation : les victorieux ne ramènent pas chez eux les perdants, esclaves potentiels, attachés à queue leu leu par des câbles pour parader en territoire ennemi sous les hués de la foule qui les attend. L’art de temporiser est cependant de mise : pour les quatre années à venir animosité et rivalité doivent se reporter en mode mineur sur la ville voisine ou le canton d’à coté ou sur le conjoint disponible en attendant de remettre l’honneur national en jeu quand la compétition sera redevenue urbi et orbi selon le vœu de Benoit xvi. Une jeune fille de 18 ans, Amelia Biolanios, se suicida avec le pistolet de son père quand le El Salvador subit la défaite face à l’Honduras. Elle ne pouvait pas supporter de voir sa patrie à genoux titraient les journaux. Et, consacrée héroïne du football, cette Juliette du Ballon Rond a eu droit à des funérailles télévisées, quasi nationales. C’est à chaque époque d’inventer ses martyrs. Gus, tu te souviens de la question que ton Prof te posait il y a déjà quelques années ? A quoi joue-t-on quand on joue ? Et ton prof s’inspirant de On peut imaginer que des gens aimeraient connaître le « thril » de vivre un cancer, en éprouver toutes les émotions,… si on pouvait décider, à notre gré, d’arrêter l’expérience… On peut jouer avec la vie, c'est le sport, mais la vie, malheureusement, elle, ne joue pas, elle n’est pas sportive. Parfois, Gus, la réalité vraie, celle qui n’est pas sportive pour deux sous, resurgit sous tout l’artifice du jeu maintenu en place par des milliards de regards et quelqu’un peut recevoir un de ces coups de béliers dans le plexus ! Le ballon rond ou ovale, la rondelle plate ou le panier percé deviennent des substituts de la vie, remplissent le vide de nos vies et nous consolent de l’adversité qui nous menace. La France Les adolescents dans leurs jeux video, tuent, déciment les populations, à qui mieux mieux. Et il y aurait longtemps que la surpopulation ne serait plus une menace. La planète serait en train de se vider si… d'autres ne se livraient à des pseudo-copulations pour maintenir l’équilibre naturel. |