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orlando de rudder
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1 novembre 2006

Encore et toujours! on ne le dira jamais assez!

IVRESSE, FOOTBALL ET IDENTITÉ

La liesse  qui accompagna l’arrivée  des alliés dans Paris ou la chute du Mur de Berlin n’est en rien comparable à celle qui s’empare d’une population à   la pénétration d’un ballon rond au moment approprié entre deux poteaux  qui momentanément  jouent  le rôle d’Arc de Triomphe. L’opération  consacre la domination d’une nation sur une autre et condamne l’autre à un pénible retour de Russie.  Une clameur monte du stade et de toutes les chaumières où les partisans sont  agglomérés autour du poste de Télé.

La Chine

doit conscrire  et mobiliser les écoliers pour arriver à fabriquer assez de drapeaux  pour  célébrer les Austerlitz ou les Waterloo des nations au gré de la cédule prévue

La célébration de l’identité nationale est totale, plus de classes ni sexes,  plus de riches ni pauvres, plus d’universitaires ni  recalés du primaire, ni couleur de peau, Le patriotisme ludique se porte au secours du patriotisme civique à l’agonie. Les animaux emblématiques s’affrontent : on compte sur le dragon pour venir à bout du lion, à tout le moins pour bien digérer le  coq, cocorico compris. Les paraplégiques et les agonisants, en cas de victoire, célèbrent leur vitalité recouvrée. Les Américains sont interloqués; comment ne joue-t-on pas le football avec un ballon ovale comme tout le monde ? Le Pape est sommé de se brancher, à tout le moins de ne pas allumer hypocritement des lampions derrière un paravent.   En Iran les femmes se déguisent en hommes pour avoir le privilège  d'entrer dans le stade et de communier à la célébration.  Au-delà du tribalisme, du gangstérisme, buveurs de champagne, de bière, de vin ou d’eau minérale célèbrent tous leur identité  récupérée par un score de 1-0.  Ils sont tout à coup quelqu’uns. Aucun poète, aucune manifestation,  aucun projet  n’auront autant  le don d’exciter  la fierté et la fièvre nationaliste. Et si le ballon manque de classe, refuse  de jouer son rôle, la détresse est totale et nationale… Et dans certains pays le gardien de but responsable  se met à envier le sort de Eichmann  face à ses concitoyens… qu’il a précipités dans la défaite et la honte.  Certains arbitres ont eu parfaitement raison de craindre pour leur vie. Et ont même  fourni la preuve par neuf.  Les victoires  ou les défaites sont remémorées, commémorées, ponctuées de larmes de joie ou de sanglots récapitulatifs. De ce temps-ci,  le seul moment de fierté ou de deuil partagé par tout un peuple est  l’adoration du ballon rond.  La religion de la balloune sacrée comporte ses traîtres, ses assassins, ses philosophes, ses théoriciens et ses théologiens. 

Des théologiens y voient une ultime confirmation de

la Trinité

: la divinité, assaillie par un nombre égal  de prières, de chandelles et de lampions entre les belligérants et par autant de signes de croix  ou salamalecs des deux gardiens de but,  est forcément partagée. C’est un cas de dichotomie profonde : d’où la nécessité d’une troisième personne pour faire pencher la balance… du bon coté.  Les partisans basculent de la foi à l’in croyance, de l’invocation au blasphème   au gré des arbitres.

Consécration suprême, les psychanalystes s’y sont mis aussi: «  The neurotic genius of Dutch football » ; « Le coup de pied sur le ballon comme phantasme inconscient du  coup de pied au cul du  paternel » (Gus, admire le double  sens ou la double direction) ; « Un art de vivre : prendre son pied collectivement »; « La peste émotionnelle comme soupape », « Résorption du complexe d’Oedipe : le ballon comme sublimation du sein maternel » etc.

« Quand nous les Uruguayens  subissons  une défaite humiliante, c’est la confirmation que   nous ne sommes rien de plus qu’une fiction dans l’histoire,  une erreur de géographie,   une mauvaise farce de Dieu ou du Diable »  Eduardo Galeano, ("Soccer in Sun and Shadow »)

Des nations sont stoïques dans la défaite, d’autres  adoptent le style de pleureuses grecques.  C’est l’occasion de réconciliation ou d’animosité ou de rivalité savamment entretenues  où journalistes et piliers de bar s’ébrouent indéfiniment… …  Gus, remarque au moins les progrès de la civilisation : les victorieux ne ramènent pas chez eux  les perdants, esclaves potentiels,  attachés à queue leu leu par des câbles  pour  parader en territoire ennemi   sous les hués de la foule qui les attend.    L’art de temporiser est cependant de mise : pour les  quatre années à venir animosité et rivalité doivent se reporter en mode mineur sur la ville voisine ou le canton d’à coté ou sur le  conjoint disponible  en attendant de  remettre l’honneur national en jeu quand la compétition sera redevenue  urbi et orbi selon le vœu de Benoit xvi.           

Une jeune fille de 18 ans, Amelia Biolanios, se suicida avec le pistolet de son père  quand le El Salvador subit la défaite  face à  l’Honduras.   Elle ne pouvait pas supporter de voir sa patrie à genoux titraient les journaux. Et, consacrée héroïne du football, cette  Juliette  du Ballon Rond a eu droit à des funérailles  télévisées,  quasi nationales. C’est à chaque époque d’inventer ses martyrs.

Gus, tu te souviens de la question que ton Prof te posait il y a déjà quelques années ? A quoi joue-t-on quand on joue ?  Et ton prof s’inspirant de Schopenhauer, répondait sentencieusement que l’on joue à la vie. L’homme, se prenant pour un démiurge, s’invente de toute pièces  un monde avec ses lois, ses objectifs, aussi débiles les uns que les autres,   il y mobilise toutes les passions de la vie, échec, triomphe, hargne, compétition,  courage, capitulation, mais, en démiurge responsable, il vit toutes les excitations de la vraie vie, en savoure le « thrill »,  mais il prend bien soin  de garder un contrôle sur le mal,   qui n’est qu’un faux-semblant, auquel il peut se soustraire selon son bon plaisir.

On peut imaginer que des gens  aimeraient connaître le « thril » de vivre un cancer,  en éprouver  toutes les émotions,… si on pouvait décider, à notre gré, d’arrêter l’expérience… On peut jouer avec la vie, c'est le sport,  mais la vie, malheureusement, elle, ne joue pas, elle n’est pas sportive.   

Parfois, Gus,  la réalité vraie, celle qui n’est pas sportive pour deux sous,  resurgit  sous  tout l’artifice du jeu  maintenu en place par des milliards de regards et quelqu’un peut recevoir un de ces coups de béliers dans le plexus !

Le ballon rond ou ovale, la rondelle plate ou le panier percé deviennent des substituts de la vie,  remplissent le vide de nos vies et nous consolent de l’adversité qui nous  menace.   

La France

peut connaître les humiliations d’une défaite  par l’Allemagne au  football.  Belle occasion de revivre les émotions de 1940 …. Sans les conséquences, on joue à la vie.

Les adolescents dans leurs jeux video, tuent, déciment  les populations, à qui mieux mieux. Et il y aurait longtemps  que la surpopulation  ne serait plus une menace.  La planète serait en train de se vider si… d'autres ne se livraient à des pseudo-copulations pour maintenir l’équilibre naturel.

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Commentaires
N
le lien sur Schopenhauer n'est pas valide hihi, v'la le bon :<br /> http://www.profbof.com/bonheur/Schop.htm
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