Feu vert entre chien et loup.
Quelques égarements, rien de plus : des choses aperçues, devinées. C’était il y a longtemps. Boulevard de Denain. La ville me semblait calme. Pourtant, beaucoup de gens se pressaient autour de la Gare du Nord. Et la nuit venait à petits pas. Entre chien et loup : une sorte de phosphorescence.
Une femme a traversé la rue. Pressée. Moi, je suis resté là, à la lisière du trottoir. Le feu devint vert. Tant pis. Il allait bien falloir que je prenne un train, un jour ou l’autre. Sinon, pourquoi être là, pourquoi ne pas traverser le boulevard ?
Mais quel train ? Pour aller où ? Pour quoi faire ? En plus, ça coûte cher, les voyages. Bon, un jour, je partirai. Je prendrai un train. En attendant, je restais là. Sans traverser le boulevard.
Voyager ? c’est peut-être un peu con. Mais quand on est près d’une gare, on en a vite l’idée. Ca fait comme un appel.
Mais c’est trop compliqué : il fut aller au guichet, dire où l’on veut aller. Et justement, je ne sais pas. En plus, c’est pas poli de dire aux gens, comme ça, où l’on va. Et ça ne le regarde pas, d’abord, le guichetier! De quoi je me mêle?
Bon, c’est décidé : je ne partirai pas. Je ne traverserai pas le boulevard. Le train, c’est trop cher. En revanche, une bonne bière au Rendez-vous des Belges, la brasserie, tout près… Alors, toujours sans traverser, j’ai rebroussé chemin pour me rincer la glotte. C’est vrai que les voyages, c’est un peu con. Tandis qu’une bonne bière… Ca vaut bien quelques égarements ! C’était il y a longtemps. Entre chien et loup.