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orlando de rudder
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5 février 2006

A la soupe!

Sur son blog, Segolène Lefevre célèbre la soupe. Elle a bien raison. Et, à mon tour, je vais rendre hommage à cet aliment dans sa diversité.Voici un extrait de mon ouvrage en cours de correction: soupe Les Goths utilisaient le mot supôn, qui signifiait « assaisonner ». Le germanique en a fait suppa. Déjà, il s’agissait de tranches de pain qu’on arrosait de bouillon. Vers 1200, les fiers chevaliers de Renaud de Montauban se régalaient de ces « tranches de pain arrosées de lait ou de bouillon ». Car la soupe, c’était d’abord le pain, et l’on disait « tailler des soupes » au XIIIe s. pour trancher ce pain en vue de cette préparation. En 1310, dans les Dits et contes de Jean de Condé, soupe désignait un « potage ou bouillon épaissi par des tranches de pain » : il s’agissait d’une « soupe ès pois ». La soupe au lait, présente en 1694 chez Caylus, est le symbole d’un caractère facilement emporté. Chez Furetière, en 1701, on continue de tailler la soupe c’est-à-dire à couper du pain, que l’on « trempait » en 1664. Le Dictionnaire de Trévoux (1752) présente mouillé comme une soupe à propos de quelqu’un qui a subi une averse, et Sébastien Mercier, dans son Tableau de Paris (1783) dit, comme aujourd’hui, trempé comme une soupe . On appelle dorénavant soupe toute sorte d’aliment liquide. La soupe peut être chaude, ou froide, comme le gaspacho andalou, la vichyssoise, voire sucrée, comme la soupe aux cerises. L’idée de pain, ou plutôt de pâte trempée, perdure dans la pâtisserie italienne dite « soupe anglaise », zuppa inglese, qui est un appareil à biscuit ou à brioche aux fruits confits, imbibé de marasquin ou d’un autre alcool ou liqueur. La géographie pâtissière est amusante, car un dessert analogue se nomme chez nous « soupe polonaise ». Par ici la bonne soupe se dit ironiquement lorsqu’on pense au fait d’accaparer, de gagner de l’argent. La soupe dorée est un autre nom du « pain perdu ». La « soupe au caillou » fait référence à des soldats de la Grande Armée logés chez une femme avare. Ils la surprennent en disant qu’il vont préparer une soupe au caillou, ne lui demandant qu’une marmite et de l’eau. Tandis que la… soupe cuit, et que les soldats prétendent que le caillou rend tout son jus savoureux au fur et à mesure de l’ébullition, ils évoquent des souvenirs : la soupe au caillou de Marengo, lorsqu’ils y avaient ajouté du céleri, celle d’Iéna, qu’ils agrémentèrent de carottes, celle d’Austerlitz, dans laquelle ils ajoutèrent du lard. La bonne femme, naïve, leur apporte les ingrédients mentionnés jusqu’à ce que, finalement, la « soupe au caillou » devienne un riche potage. Cette anecdote est rappelée, d’une façon différente, dans Le Médecin de campagne (1833) d’Honoré de Balzac. Henri Pourrat, dans Gaspard des montagnes (1925) s’est souvenu de l’anecdote : Sorcier, dit Gaspard, il s’en faut de tout ! Mais j’ai un secret pour faire d’un pavé la soupe à la soldate. On retrouve la même histoire au théâtre : Vous avez tous certainement entendu parler au régiment de cette histoire qu’on appelle la soupe à la pierre. Des militaires arrivent au cantonnement chez un paysan autant avaricieux que naïf. Pas à compter sur lui pour repaître l’escouade. Qu’à cela ne tienne ! La soupe à la pierre va jouer son rôle. (Paul Claudel, le Soulier de satin, 1924, publié en 1929). Aller à la soupe, c’est se faire subventionner de façon intéressée par un parti politique, une institution. La bonne sousoupe est le produit de cette action déplorable. Un gros plein de soupe est un obèse ou une personne opulente), un cheveu sur la soupe est un problème inopiné, tandis que faire la soupe à la grimace correspond à « faire la gueule » . « En avoir soupé », c’est « en avoir marre », être las ou repu de quelque chose. Manger la soupe sur la tête de quelqu’un révèle un sans-gêne et le fait de profiter abusivement d’uine personne. Le soupe, malgré tout, est considérée comme bonne pour la santé, à tel point qu’un proverbe poitevin déclare : Après soupe, un coup de pur vin Enlève un écu au médecin. Parmentier, qui avait, durant la guerre de Sept Ans, connu les geôles ennemies et leur nourriture, proposa une recette économique pour nourrir les pauvres. En voici les ingrédients pour cent rations : un litre de farine de pois, de haricots ou de lentilles, un litre de haricots en grains, 250 g. de graisse, 3 kg de pain, 1 kg de sel, des betteraves, des choux et des oignons. Quelques années plus tard, Benjamin Rumford créa une recette qui, certainement, devait rassasier. Il s’agissait de mêler deux à trois kilos d’orge à quarante litres d’eau, d’ajouter des légumes et quatre harengs fumée broyés au mortier. Cette soupe fut servie aux indigents et Benjamin Thompson fut anobli, devenant Sir Rumford. L’ennui est que les pauvres n’apprécièrent pas du tout ce potage, qu’ils surnommèrent vite dirt and bons soup, soit « soupe de crasse et d’os ». Bien qu’opposé à tout ce qui était anglais, Napoléon adopta « soupe Rumford » pour les miséreux français. Il n’eut pas plus de succès. Les prisonniers allemands, à la fin du XIXe s., se nourrissaient, par jour, d’un litre de soupe faite avec 80 g de pois, 60 g d’orge, 60 g de pain, 17 g de graisse. On comprend alors qu’un « marchand de soupe soit l’appellation d’une personne vendant des produits de piètres qualité ou des « salades », du vent… On préférera la « soupe au pistou » ! Il y faut trois sortes de haricots, des légumes, des pâtes, etc. Et le « pistou », sublimation du basilic ! Lorsqu’une jeune Malienne déclare « voilà ma soupe », ne croyez pas qu’on se prépare à lui servir un potage ! « Soupe » signifie dans son pays, « fiancé » ou « galant » !
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