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orlando de rudder
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9 décembre 2005

Potée andalouse

Encore un petit extrait de mes souvenirs: En ce temps là, donc, je vivais dans une « chambre de bonne. Le samedi soir, au sixième étage de mon immeuble, les domestiques, espagnols pour la plupart, faisaient la fête. Souvent, le bâtiment se trouvait déserté par les propriétaires, partis en week-end. Viva la Libertad ! O mènerait tapages et ripailles ! L’explosion des belles guitares flamenca, faites de cyprès odorant envahissait l’espace.L’ air, s’en pimentait. Les danses et les chants nous emmenaient en voyage : Séville ou Sanlucar, là-bas, là-bas… Hispanidad et nostalgie pétulante ! Ce qui n’empêchait pas de chanter Brassens, ou des couplets satiriques sur Franco. Et, bien entendu, des airs révolutionnaires internationaux comme s’il en pleuvait : Bella Ciao, Le Temps des Cerises, Avanti poppolo, la Cucaracha… Le tout se déroulait en plein cœur des senteurs safranées de la paella: on ouvrait toutes les portes, et l’on mangeait dans le couloir, assis à même le sol, autour d’une couverture servant de nappe. La paëlla revigorante cédait parfois la place à un cocido gouleyant., voire à des grillades de poisson particulièrement odorantes. Mais j’appréciais particulièrement la « potée andalouse » que préparait en chantant Madame Nuñez : du chou, des carottes, des poivrons, des pois chiches (ou des haricots blancs), des poireaux, des tomates, de la joue de bœuf, du chorizo fort, le tout accompagné d’un riz superbe, en longs fuseaux immaculés, pour éviter les révolutions intestinales… Chacun apportait sa bouteille. Il devait s’agir d’une bouteille de vin ordinaire, en bouteille de plastique d’un litre et demi. Pourquoi ? Eh bien parce que la moitié de la bouteille servait à faire la sangria. L’autre moitié ? Rien de plus simple : Antonia, une andalouse de rêve, alalit piller la cave de ses patrons. Elle savait défaire sans dommage les collerettes d’étain des bouteilles. Un tire-bouchon à lames permettait d’ouvrir le flacon sans abîmer le bouchon. On buvait les grands bordeaux et les somptueux bourgogne. Puis on les remplaçait par le vin ordinaire. Antonia jurait que jamais ses patrons n’avaient remarqué la différence de goût. Dont acte ! Et les femmes dansaient le flamenco, tandis que les hommes tapaient du talon. tous chantaient. certains improvisaient des cantos mettant en scènes les défauts de leurs patrons. Je compris fort bien cette sorte d’espagnol… Lassé de jouer sur des guitares d’emprunt, je me rendis rue Grégoire-de-Tours, dans MON sixième arrondissement, ma patrie perdu. J’entrai chez Alain Vian, pour acheter un instrument d’occasion. Je retrouvais l’ambiance chérie de mon enfance: l’échoppe de Monsieur Vian, frère de Boris, regorgeait d’un bric-à-brac musical fait de limonaires en réparation, de violons à pavillon, de mandolines-jambon, napolitaines ou lombardes voire à fond d’aluminium, de guitares-lyres, de théorbes échevelés, ébouriffés de cordes qu’on eût crues superfétatoires, de dulcimers amochés, d’épinettes cacochymes, de bandurias piriformes, de zinzins improbables. Alain Vian se montrait fort courtois, accueillant, souriant quoique un peu raide d’attitude. Il me montra une guitare construite par Christian Aubin: beaucoup de guitaristes tâtèrent de la lutherie sous la houlette d’un artisan chevronné. Évidement, je n’avais pas les moyens d’acheter cette merveille. Ni d’ailleurs les Vieux Paris, les Jacquot, les raretés qu’il possédait. Je ne fus même pas assez riche pour acquérir la guitare que j’aurais voulu: le luthier qui la créa s’appelait Henri Miller. Alain Vian me trouva un truc pas cher, mais guitaroïde, solide et sans prétention qui accompagna longtemps, ma vie et ma voix.
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Commentaires
P
Je sais pas si tu sais : j'ai vu que "Bréviaire de la gueule de bois" était vendu par les éditions "J'ai Lu" au Québec ! au prix de 3$95 !<br /> cf http://www.quebecplus.ca (Noël 2005)!<br /> <br /> Patrice Houzeau
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