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orlando de rudder
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3 novembre 2005

Le Mysticisme athée

Il y a quelques années, Jean-Claude Bologne, l'auteur du Frère à la Bague, de l'admirable Ecrit en la secrète et du fascinant Le Troisième Testament, de l'étonnant L'homme Fougère, comme de l'indispensable Histoire de la pudeur,publia LE Mysticisme athée. Une solidité dans la pensée, une émotion non "bien pensante" éclairent ce livre qui célèbre plus qu'il ne critique. En voici un compte rendu tiré d'une émission de la RTBF L'invité choisit une des orthographes possibles du nom de l'émission. Jean-Claude Bologne l'écrit, dans ce contexte, tout en minuscules, nom de dieu, afin d'éviter la portée symbolique excessive que les majuscules peuvent véhiculer: Les majuscules, c'est le piédestal de l'idole. On est amené à adorer ce qu'on sépare des autres en leur octroyant une majuscule... et ça, je le refuse totalement. S'il se définit comme un athée, simplement comme un homme qui se rend compte qu'il n'a pas la foi, le nom de dieu a cependant une réalité en tant qu'il exprime un concept qui a véhiculé le plus d'espoirs dans l'humanité. Dieu est ce souffle de voix qui révèle un concept que l'on porte en soi, qu'il faut cultiver et qui va nous permettre de sortir de nous. C'est le concept de l'union de l'homme avec la totalité de la création. Pour Jean-Claude Bologne, la sensation de la totalité est une certitude existentielle à l'origine de sa démarche spirituelle comme elle l'est sans doute de la religion. Nom, au singulier, contient le mythe de l'unité. Le mysticisme répond bien à ce mythe: faire un avec la totalité de ce qui est créé, de ce qui existe. Brise marine de Mallarmé est un jalon énorme dans l'existence de l'écrivain. L'état second qu'il atteint, à vingt ans, devant cette oeuvre lui apprend qu'il y a quelque chose d'autre que la réalité, qui est en dehors du domaine de la raison. Et il ajoute que ce sentiment d'absence s'est évaporé dès que l'analyse a permis de localiser le mot qui, dans le poème, l'avait provoqué (le mot "sens"). Dans la suite de l'émission, l'écrivain manifestera son refus de recourir à la raison pour analyser certains événements. II. L'image Jean-Claude Bologne choisit la photo de l'accolade historique entre l'Égyptien Sadate et l'Israélien Begin, le 17 septembre 1978 à Camp David aux USA, en présence du Président Carter. La signature du traité de paix a marqué la fin de 11 ans de guerre et a valu aux deux Chefs d'États le prix Nobel de la paix. Alors âgé de 22 ans, l'écrivain se souvient avoir pleuré pour la première fois devant un écran de télévision en voyant naître l'esprit entre deux hommes qui avaient été transcendés, ce jour-là, par l'événement. La poignée de main était certainement prévue mais l'accolade est provenue plutôt d'un élan de spontanéité qui ne pouvait naître qu'à deux. L'accolade était la manifestation de quelque chose qui dépasse le compréhensible. (...) Si ce genre de choses peut concerner tout à coup l'ensemble de la planète, quelque chose va pouvoir exister en dehors des hommes. Je serai prêt à ce moment-là à l'appeler dieu. Je lutterai pour que dieu, un jour, soit possible; mon athéisme peut aller jusque là. Jean-Claude Bologne indique, au passage, qu'il appartient à une école littéraire appelée "Nouvelle fiction". Le roman ne doit pas simplement être un miroir qui ne renvoie qu'à l'homme. Le roman, et l'art en général, doit renvoyer à quelque chose de plus important, qui est l'esprit. La télévision, au nom du droit à l'information, contribue à la disparition de la spiritualité. La télévision nous habitue à des images intellectuelles qui ne nous font plus vibrer sinon par l'indignation, ainsi des petites filles qui meurent dans un océan de boue. Ces choses-là tuent l'esprit car elles nous habituent à un certain regard. III. La phrase Jean-Claude Bologne commente une phrase tirée de La cendre et la foudre, roman du chef de file de la Nouvelle fiction, Frédérick Tristan: "Le dieu absent est un appel plus fort que la croyance." Le dieu absent n'est pas mort ou inexistant, comme le professent les matérialismes athées, certains inspirés par la pensée de Nietzsche. Un dieu mort est un dieu du passé, qui a vécu, et ce n'est pas le sens de cette phrase. L'absence désigne plutôt un scandale par rapport à tous les espoirs que dieu a suscités chez les hommes. S'il n'y a que la matière vouée à la destruction, la vie est absurde. Interrogé sur la différence entre l'athéisme et l'agnosticisme, Bologne répond que la distinction n'est pas tranchée, mais que le second contient une attente. Il constate qu'il est simplement un homme sans dieu et qu'il n'y a pas, chez lui, d'absence qui demande à être remplie. Il envisage cependant l'idée de la création de quelque chose qui pourrait s'appeler dieu, un appel d'air comblant le vide, un dieu au futur donc. L'expérience mystique, présente chez Georges Bataille, l'a libéré de certains verrous, d'une certaine honte à parler de choses qui ne sont pas rationnelles. Bologne caractérise le sentiment mystique à travers quelques auteurs, Hildegarde de Bingen, Hadewijch d'Anvers, Marguerite Porete, Maître Eckhart. Il souligne, qu'étant athée et donc ignorant de tout sentiment mystique présent chez des croyants, il a du construire son propre cadre de pensée. Il a ensuite constaté que ce cadre était souvent semblable à celui de ces auteurs. Il existe, selon Bologne, un point commun entre beaucoup de mystiques: Il ne s'agit pas pour eux d'éliminer la croyance en Dieu mais d'éliminer ce mot "dieu", tout ce qui, intellectuellement, empêche une perception franche, directe et sensuelle de la divinité. Ainsi, on peut établir une équivalence entre la phrase de Maître Eckhart: "Je prie Dieu de me libérer de Dieu" et celle de Marguerite Porete: "Seigneur, je me désencombre de vous". Entre mystiques religieuses et mystiques athées, il existe le même besoin de combler le vide, la même expérience d'une totalité une et la même certitude que quelque chose doit être construit. Il n'existe pas de morale possible pour le mystique, pas de besoin de morale, car le mystique sait que tout le mal que l'on fait autour de soi, on le fait à soi-même. IV. Le symbole Posé sur la table, un simple minéral représente la pierre philosophale de l'auteur. Auparavant, chaque fois que j'avais peur de perdre quelque chose, je le comparais à cette pierre; mais toujours cette pierre était plus précieuse. La laissant se perdre deux fois, il s'est rendu compte qu'elle avait rempli son rôle: elle l'avait détaché de tout, y compris d'elle-même. A propos du rêve de Mallarmé d'écrire un livre blanc, Jean-Claude Bologne décrit le danger des mystiques qui est le quiétisme, attitude passive et passéiste: Dieu est en moi; ce n'est plus la peine de le chercher. Il exprime son sentiment par rapport à la laïcité: la laïcité craint toujours le retour du fait religieux, mais je crois que la religion n'est plus un danger pour la laïcité; le danger, ce sont les sectes. V. Le pari Dans cette dernière partie, l'invité donne sa propre interprétation de la phrase de Malraux, citée au début de l'émission. Le retour du religieux doit partir de l'homme en tant qu'individu puis en tant que communauté, non pas sectaire, mais entendue dans son sens le plus général, la communauté des hommes. L'écriture, parce qu'elle transmet et surtout éveille la spiritualité, est une forme du salut. Le troisième testament (1990)estun texte qui, à la différence des testaments de la Bible, refuse de se présenter comme une révélation, car tout ce qui est révélé porte en germe la menace d'un fanatisme. Le troisième testament qui représente tout ce que l'homme porte en lui d'idéal ne peut jamais être écrit, sinon par celui qui le porte en soi, à condition qu'il le fasse immédiatement. (Référence faite à Marcel Lobet, L'esprit ou la lettre) Le présentateur, comme à la fin de chaque émission, met l'invité au défi: il lui présente deux livres, la Bible de Jérusalem et un livre blanc. Il lui demande sa préférence. Jean-Claude Bologne choisit le livre blanc mais le rend aussitôt au présentateur: Il reste à l'écrire... écrivons-le ensemble. _____________________________________________________________________________ L'Homme Fougère Tiens! Ca me fait penser à L'Homme Jasmin d'Unica Zürn, autre "must"!!!!
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