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orlando de rudder
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5 octobre 2005

souvenirs écriture 4

Souvenirs : Les Instruments de l’écriture (3). Aujourd’hui, ce que j’écris finit toujours dans un ordinateur : c’est devenu indispensable, ce qui est bien. On peut ainsi rendre un exemplaire fort lisible de ce qu’on a écrit à l’éditeur. Je compose sur ce clavier la plus grande partie de chacun de mes ouvrages. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir les poches bourrées de stylographes, de cahiers et carnets. Ainsi, au café, dans le métro si je puis m’y asseoir, je rédige des fragments du travail en cours, en pièces à coudre, en éléments rhapsodiques. J’aime changer de stylo : bille, feutre, plume se succèdent. Ce qui aide à détendre le scaphoïde, os « en forme de barque » qui vogue sur l’onde blanche de l’alpha ou sur celle, feutrée, du buvard. Je crois cette pratique fort courante chez les écrivains. J’avais accoutumé de garder dans mon tiroir une bonne douzaine de stylos, soucieux que j’étais, sitôt qu’avec un se faisait ressentir la fatigue, de pouvoir e n sortir un autre et changer ainsi de cheval jusqu’à parvenir à terme. Deszö Kostolányi, « la mort de mon stylo », Cinéma muet avec battements de cœur, 1988. Cette variété, chez Kostolányi, ne va pourtant pas jusqu’au clavier. Cependant, tandis que, dans un texte énergique, il s’élève contre la machine à écrire, il note : On pourrait consacrer tout un ouvrage à l’influence de l’outil sur l’art d’écrire. Deszö Kostolányi, « La machine à écrire déchaînée », Drame au vestiaire. Cette opposition à un instrument qui a pourtant fait ses preuves me surprend. Comme me surprend l’attitude identique de Günther Grass vilipendant l’ordinateur et prétendant qu’il reconnaîtrait facilement un texte en provenant d’un autre écrit au stylo ou à la machine à écrire… Quant à moi, j’utilise à peu près tout car je pense que ça change l’attitude, la position, le confort d’écrire. Ce qui, effectivement, peut varier le point de vue, donc le style. Et c’est justement la raison de ma pratique.Hélas, il devient rare que j’écrive à la plume trempée, sergent-major, française, ou autre ni à la plume d’oie (la septième de l’aile gauche d’un jars, disaient les copistes médiévaux, est la meilleure de toutes). Dire que Victor Hugo les usait jusqu’à l’illibisité pâteuse ! Je ne saurais dire si cette attitude peut se généraliser. Néanmoins,il me semble quelle offre un belle efficacité. Changer d’instrument avive l’esprit, délie la main. On sait que la précision des mouvements irrigue en quelque sorte l’entendement. Il « se passse quelque chose » au cours de ces variations de l’acte d’écrire. L’acte d’amour y trouve sa polissonnerie, certes, mais aussi quelque sens sacré d’un Kama-Soutra tranquille ! Encore qu’il arrive des furies de scribe, des élans soudains lorsque, emporté par le rythme d’une période, on écrit à grands gestes, traçant les grammes comme avec les effets de manche d’un avocat allumé possédé par l’urgence de sauver la tête d’un coupable révoltant : les chants désespérés sont les chants les plus beaux ! Mais les bien excités ne sont pas mal non plus. Le souffle épique saisit l’auteur… Changer d’instrument peut permettre de varier les cadences. Jusqu’à la frénésie ! Il y a de la prise de distance dans cette pratique. Sans se montrer radicalement différentes, les phrases qu’on rédige dans certaines conditions ne sont pas tout-à-fait les mêmes que celles qu’on trace en d’autres circonstances. Du moins, ce me semble. De toute façon, cela repose l’esprit, aide à mieux penser. Tout en pouvant devenir un rituel, cette attitude rompt les rythmes trop réguliers, fait respirer autrement et casse les manies pesantes que semble secréter le métier d’écrivain : plusieurs liturgies valent mieux qu’une. Faut-il aller jusqu’à l’adorable message de *** qui écrivit « je t’aime » sur le mur blanc d’une chambre avec la pointe de son sein gauche trempé dans l’encre bleue ?
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